Convention de l'Union Africaine sur la Protection et l'Assistance aux Personnes Déplacées en Afrique (Convention de Kampala)


African Union

Convention de l'Union Africaine sur la Protection et l'Assistance aux Personnes Déplacées en Afrique (Convention de Kampala)

  • Publié
  • Commencé le 6 Décembre 2012
  • [Ceci est la version de ce document à 23 Octobre 2009.]
PréambuleNous, Chefs d’État et de gouvernement des États membres de l’Union africaine;CONSCIENTS de la gravité de la situation des personnes déplacées qui constitue une source d’instabilité et de tension continuelles pour les États africains;ÉGALEMENT CONSCIENTS de la souffrance et de la vulnérabilité spécifique des personnes déplacées;RÉITÉRANT la coutume et la tradition africaines inhérentes d’hospitalité par les Communautés locales d’accueil pour les personnes en détresse, et l’appui à ces communautés;ENGAGÉS à partager notre vision commune consistant à apporter des solutions durables aux situations des personnes déplacées, en mettant en place un cadre juridique approprié pour leur apporter protection et assistance;DÉTERMINÉS à adopter les mesures destinées à prévenir et mettre fin au phénomène de déplacement interne, par l’éradication de ses causes premières, particulièrement les conflits persistants et récurrents, ainsi que le déplacement causé par les catastrophes naturelles, qui ont un impact dévastateur sur la vie humaine, la paix, la stabilité, la sécurité et le développement;CONSIDÉRANT l’Acte constitutif de l’Union africaine de l’an 2000 et la Charte des Nations Unies de 1945;RÉAFFIRMANT le principe de respect de l'égalité souveraine des États parties, de leur intégrité territoriale et de leur indépendance politique, tel qu’énoncé par l’Acte constitutif de l’Union africaine et la Charte des Nations Unies;RAPPELANT la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, les quatre Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels de 1977, la Convention des Nations Unies de 1951 relative au statut des réfugiés et le Protocole relatif au statut des réfugiés de 1967, la Convention de l’OUA de 1969 régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique, la Convention de 1979 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981 et le Protocole de 2003 à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique, la Charte africaine de 1990 des droits et du bien-être de l’enfant, le Document de 1994 d’Addis-Abeba sur les réfugiés et le déplacement forcé des populations en Afrique, et autres instruments pertinents de l’Union africaine et des Nations Unies sur les droits de l’homme, ainsi que les résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité;AYANT A L’ESPRIT que les États membres de l’Union africaine ont adopté des pratiques démocratiques et ont adhéré aux principes de non-discrimination et d’égalité de tous devant la loi, conformément à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981, ainsi que d’autres instruments juridiques régionaux et internationaux sur les droits de l’homme;RECONNAISSANT les droits imprescriptibles des personnes déplacées, tels que prévus et protégés par les droits de l’homme et le droit international humanitaire, et tels qu’inscrits dans les Principes directeurs des Nations Unies de 1998 sur le déplacement interne, reconnus comme un cadre international important pour la protection des personnes déplacées;AFFIRMANT notre responsabilité première et notre engagement à respecter, protéger et mettre en application les droits des personnes déplacées, sans discrimination aucune;PRENANT NOTE du rôle spécifique des organisations et agences internationales, dans le cadre de l’approche de collaboration inter-agences des Nations Unies concernant les personnes déplacées, particulièrement de l’expertise du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés en matière de protection des personnes déplacées, et la demande qui lui a été faite par le Conseil exécutif de l’Union africaine dans la Décision EX/CL.413 (XIII) de juillet 2008 à Sharm El-Sheikh (Égypte) à poursuivre et à renforcer son rôle dans la protection et l’assistance aux personnes déplacées dans le cadre du mécanisme de coordination des Nations Unies; et PRENANT NOTE ÉGALEMENT du mandat du Comité international de la Croix Rouge d’assurer la protection et l’assistance aux personnes affectées par les conflits armés et autres situations de violence, ainsi que des activités des organisations de la société civile, conformément à la législation des pays où ils exercent leurs rôles et mandats;RAPPELANT l’absence d’un cadre juridique et institutionnel africain et international contraignant spécialement consacré à la prévention du déplacement interne, à la protection et à l’assistance aux personnes déplacées;RÉAFFIRMANT l’engagement historique des États membres de l’UA, d’assurer aux réfugiés et aux personnes déplacées la protection et l’assistance et, en particulier, de mettre en oeuvre les Décisions Ex.CL/127(V) et Ex.CL/Dec.129 (V) adoptées par le Conseil exécutif, à Addis-Abeba en juillet 2004, en répondant aux besoins spécifiques des personnes déplacées, tels que la protection et l’assistance à travers un instrument juridique distinct, et de collaborer avec les partenaires concernés et d’autres acteurs pour donner aux personnes déplacées un cadre juridique approprié qui leur garantisse une protection et une assistance adéquates, et qui permette la mise en œuvre de solutions durables;CONVAINCUS que la présente Convention sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées présente un tel cadre juridique;CONVENONS DE CE QUI SUIT:

Article 1 – Définitions

Aux fins de la présente Convention, on entend par:a.« Charte africaine »: la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples;b.« Commission africaine »: la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples;c.« Cour africaine de justice et des droits de l’homme »: la Cour africaine de justice et des droits de l’homme;d.« Déplacement arbitraire »: le déplacement arbitraire tel que visé à l’article 4 (4) (a) à (h)e.« Groupes armés »: les forces armées dissidentes ou autres groupes armés organisés distincts des forces armées de l’État.f.« UA »: Union africaine;g.« Commission de l’UA »: le Secrétariat de l'Union africaine, dépositaire des instruments régionaux;h.« Enfant »: tout être humain âgé de moins de dix-huit ans;i.« Acte constitutif »: l’Acte constitutif de l’Union africaine;j.Pratiques néfastes »: tous comportements, attitudes et/ou pratiques qui affectent négativement les droits fondamentaux des personnes, tels qu’entre autres le droit à la vie, à la santé, à la dignité, à l’intégrité mentale et physique et à l’éducation;k.« Personnes déplacées »: les personnes ou groupes de personnes ayant été forcées ou obligées de fuir ou de quitter leurs habitations ou lieux habituels de résidence, en particulier après, ou afin d’éviter les effets des confits armés, des situations de violence généralisée, des violations des droits de l’homme et/ou des catastrophes naturelles ou provoquées par l’homme, et qui n’ont pas traversé une frontière d’État internationalement reconnue;l.« Déplacement interne »: le mouvement, l'évacuation ou la réinstallation involontaires ou forcés des personnes ou groupes de personnes à l’intérieur des frontières internationalement reconnues d’un État;m.« État membre »: un État membre de l'Union africaine;n.« Acteurs non étatiques »: les acteurs privés qui ne sont pas des responsables officiels de l’État, y compris les groupes armés non visés à l’article 1 (d) susmentionné et dont les actes ne peuvent être imputés officiellement à l’État;o.« OUA »: l’Organisation de l’Unité africaine; et,p.« Femmes »: les personnes de sexe féminin, y compris les jeunes filles;q.« Normes de sphère »: normes de suivi et d’évaluation de l’efficacité et de l’impact de l’assistance humanitaire;r.« États parties »: les États africains qui ont ratifié ou accédé à cette Convention.

Article 2 – Objectifs

La présente Convention vise à:
a.Promouvoir et renforcer les mesures régionales et nationales destinées à prévenir ou atténuer, interdire et éliminer les causes premières du déplacement interne, et prévoir des solutions durables;
b.Mettre en place un cadre juridique de prévention du déplacement interne, de protection et d’assistance aux personnes déplacées en Afrique;
c.Mettre en place un cadre juridique de solidarité, de coopération, de promotion de solutions durables, et d’appui mutuel entre les États parties, en vue de combattre le déplacement, et prendre en charge ses conséquences;
d.Définir les obligations et responsabilités des États parties concernant la prévention du déplacement interne ainsi que la protection et l’assistance aux personnes déplacées;
e.Définir les obligations, responsabilités et rôles respectifs des groupes armés, acteurs non étatiques, et autres acteurs concernés, y compris les organisations de la société civile, concernant la prévention du déplacement interne, la protection et l’assistance aux personnes déplacées;

Article 3 – Obligations générales des États parties

1.Les États parties s’engagent à respecter et à assurer le respect de la présente Convention, et tout particulièrement, à:
a.S’abstenir de pratiquer, interdire, prévenir le déplacement arbitraire des populations;
b.Prévenir l’exclusion et la marginalisation politiques, sociales, culturelles, susceptibles de causer le déplacement de populations ou de personnes en vertu de leur identité, leur religion ou leur opinion politique;
c.Respecter et assurer le respect des principes d’humanité et de dignité humaine des personnes déplacées;
d.Respecter et assurer le respect et la protection des droits humains des personnes déplacées, y compris un traitement empreint d’humanité, de non discrimination, d'égalité et de protection égale par le droit;
e.Respecter et assurer le respect du droit international humanitaire concernant la protection des personnes déplacées;
f.Respecter et assurer le respect du caractère humanitaire et civil de la protection et de l'assistance aux personnes déplacées, en veillant notamment à ce que ces personnes ne se livrent pas à des activités subversives;
g.S’assurer de la responsabilité individuelle des auteurs d’actes de déplacement arbitraire, conformément au droit pénal national et international en vigueur;
h.S’assurer de la responsabilité des acteurs non étatiques concernés, y compris les entreprises multinationales et entreprises militaires ou de sécurité privées, pour les actes de déplacement arbitraire ou de complicité dans de tels actes;
i.Assurer la responsabilité des acteurs non étatiques impliqués dans l’exploration et l’exploitation des ressources économiques et naturelles, ayant pour conséquence des déplacements de population;
j.Porter assistance aux personnes déplacées en assurant la satisfaction de leurs besoins fondamentaux, en autorisant et facilitant un accès rapide et libre aux organisations et au personnel humanitaires;
k.Assurer la promotion des moyens autonomes et durables en faveur des personnes déplacées, à condition que ces moyens ne soient pas utilisés comme prétexte pour négliger la protection et l’assistance à ces personnes, sans préjudice de tout autre moyen d’assistance.
2.Les États parties:
a.Incorporent les obligations de la présente Convention dans leur droit interne, par la promulgation ou l’amendement de la législation pertinente relative à la protection et à l’assistance aux personnes déplacées, en conformité avec leurs obligations en vertu du droit international.
b.Désignent une Autorité ou un Organe, si nécessaire, qui serait, chargé de la coordination des activités visant à assurer l’assistance aux personnes déplacées et à assigner des responsabilités aux organisations pertinentes en terme de protection et d’assistance et de coopération avec les organisations ou agences internationales compétentes et avec les organisations de la société civile, là où il n’existe pas ce type d’organisation ou d’autorité;
c.Adoptent toutes autres mesures, politiques et stratégies nationales appropriées relatives au déplacement interne, en tenant compte des besoins des communautés d'accueil;
d.Procurent, autant que possible, les fonds nécessaires pour la protection et l’assistance aux personnes déplacées, sans préjudice de la réception de l’aide internationale.
e.S’efforcent de prendre en considération les principes pertinents contenus dans la présente Convention lors des négociations des Accords de paix et tout autre Accord en vue de trouver des solutions durables au problème de déplacement interne.

Article 4 – Obligations des États parties relatives à la Protection contre le déplacement interne

1.Les États parties respectent et veillent au respect de leurs obligations en vertu du droit international, notamment les droits de l’homme et le droit humanitaire, afin de prévenir et d’éviter les situations pouvant conduire au déplacement arbitraire de personnes.
2.Les États parties mettent au point des systèmes d’alerte précoce dans le cadre du système continental d’alerte précoce dans les zones de déplacement potentiel, élaborent et mettent en œuvre des stratégies de réduction du risque de catastrophes, des mesures d’urgence, de réduction et de gestion des catastrophes, et fournissent si nécessaire, la protection et l’assistance d’urgence aux personnes déplacées.
3.Les États parties peuvent solliciter la coopération des organisations ou agences humanitaires, des organisations de la société civile et d’autres acteurs concernés.
4.Toute personne a le droit d’être protégée contre le déplacement arbitraire. Les catégories de déplacement arbitraire interdites sont, entre autres:
a.Déplacement basé sur les politiques de discrimination raciale ou autres pratiques similaires, visant à altérer la composition ethnique, religieuse ou raciale de la population;
b.Déplacement individuel ou massif de civils en situation de conflit armé, sauf pour des raisons de sécurité des civils impliqués ou des impératifs d’ordre militaires conformément au droit international humanitaire;
c.Déplacement utilisé intentionnellement comme méthode de guerre ou autres violations du droit international humanitaire dans des situations de conflit armé;
d.Déplacement issu des situations de violence ou de violations généralisées des droits de l’homme;
e.Déplacement résultant de pratiques néfastes;
f.Évacuations forcées dans les cas de catastrophes naturelles ou provoquées par l’homme ou par d’autres causes si les évacuations ne sont pas exigées par la sécurité et la santé des personnes affectées;
g.Déplacement utilisé comme punition collective;
h.Déplacement causé par un acte, un évènement, un facteur ou un phénomène d’une gravité similaire à ceux ci-dessus cités et qui soit non justifié par le droit international, en particulier les droits de l’homme et le droit international humanitaire.
5.Les États parties s’efforcent de protéger contre leur déplacement de ces zones, les communautés spécialement attachées et dépendantes de leur terre, en raison de leur culture et de leurs valeurs spirituelles particulières, sauf en cas de nécessité impérative dictée par les intérêts publics.
6.Les États parties déclarent comme infractions punissables par la loi, les actes de déplacement arbitraire pouvant être assimilés à un génocide, à des crimes de guerre ou à des crimes contre l’humanité.

Article 5 – Obligations des États parties relatives à la protection et à l’assistance

1.Les États parties assument leur devoir et leur responsabilité première, d’apporter protection et assistance humanitaire aux personnes déplacées, au sein de leur territoire ou de leur juridiction, sans discrimination aucune.
2.Les États parties coopèrent, à l’initiative de l’État concerné ou de la Conférence des États Parties, en vue de protéger et d’assister les personnes déplacées.
3.Les États parties respectent les mandats de l’Union africaine et des Nations Unies, ainsi que le rôle des organisations humanitaires internationales pour la protection et l’assistance aux personnes déplacées, conformément au droit international.
4.Les États parties prennent les mesures nécessaires pour assurer protection et assistance aux personnes victimes de déplacement interne en raison de catastrophes naturelles ou humaines y compris du changement climatique.
5.Les États parties évaluent ou facilitent l’évaluation des besoins et des vulnérabilités des personnes déplacées et des communautés d’accueil, en coopération avec les organisations ou agences internationales.
6.Les États parties assurent suffisamment de protection et d’assistance aux personnes déplacées, et en cas d’insuffisance des ressources maximales disponibles pour leur permettre de le faire, coopèrent en vue de solliciter l’assistance des organisations internationales ou des agences humanitaires, des organisations de la société civile et des autres acteurs concernés. Ces organisations peuvent offrir leurs services à tous ceux qui en ont besoin.
7.Les États parties prennent les mesures nécessaires pour organiser les opérations de secours à caractère humanitaire et impartial, et garantir les meilleures conditions de sécurité et d’efficacité. Les États parties autorisent le passage rapide et libre de toutes les opérations, tous les équipements et de tout le personnel de secours au bénéfice des personnes déplacées. Les États parties rendent également possible et facilitent le rôle des organisations locales et internationales, des agences humanitaires, ainsi que des organisations de la société civile, et d’autres acteurs pertinents, afin d’apporter protection et assistance aux personnes déplacées. Les États parties ont le droit de prescrire les conditions techniques sous lesquelles ce passage est autorisé.
8.Les États parties soutiennent et assurent le respect des principes d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance des organisations humanitaires.
9.Les États parties respectent le droit des personnes déplacées à demander pacifiquement protection et assistance conformément aux législations nationales et internationales pertinentes, un droit pour lequel elles ne seront pas persécutées, poursuivies, ni punies.
10.Les États parties respectent et protègent et n’attaquent ni portent préjudice au personnel et au matériel déployés pour l’assistance au profit des personnes déplacées.
11.Les États parties prennent les mesures nécessaires visant à garantir que les groupes armés respectent leurs obligations au titre de l’article 7.
12.Aucune disposition du présent article ne peut porter atteinte aux principes de souveraineté et d’intégrité territoriale des États.

Article 6 – Obligations des organisations internationales et des agences humanitaires

1.Les organisations internationales et les agences humanitaires assument leurs obligations au titre de cette convention conformément au droit international et aux lois du pays dans lequel elles opèrent.
2.Dans le cadre de la protection et de l’assistance aux personnes déplacées, les organisations internationales et agences humanitaires respectent les droits de ces personnes conformément au droit international.
3.Les organisations internationales et les agences humanitaires sont liées par les principes d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance des acteurs humanitaires et respectent les normes et codes de conduite internationaux appropriés.

Article 7 – Protection et assistance aux personnes déplacées dans les situations de conflit armé

1.Les dispositions du présent Article ne peuvent d’aucune manière être interprétées comme accordant un statut juridique ou une reconnaissance légale aux groupes armés. Elle n’exonère pas de la responsabilité pénale individuelle des membres de tels groupes en vertu du droit pénal national ou international.
2.Aucune disposition du présent Article ne sera invoquée en vue de porter atteinte à la souveraineté d’un État ou à la responsabilité du gouvernement de maintenir ou de rétablir l’ordre public dans l’État ou de défendre l’unité nationale et l’intégrité territoriale de l’État par tous les moyens légitimes.
3.La protection et l’assistance aux personnes déplacées au titre du présent article sont régies par le droit international, en particulier le droit humanitaire international.
4.Les membres des groupes armés sont tenus pénalement responsables de leurs actes qui violent les droits des personnes déplacées aux termes du droit international et de la législation nationale.
5.Il est interdit aux membres des groupes armés de:
a)Procéder à des déplacements arbitraires;
b)Entraver, en quelque circonstance que ce soit, la fourniture de la protection et de l’assistance aux personnes déplacées;
c)Nier aux personnes déplacées, le droit de vivre dans des conditions satisfaisantes de dignité, de sécurité, d’assainissement, d’alimentation, d’eau, de santé et d’abri, et de séparer les membres d’une même famille;
d)Restreindre la liberté de mouvement des personnes déplacées à l’intérieur et à l’extérieur de leurs zones de résidence;
e)Recruter, en quelque circonstance que ce soit, des enfants, de leur demander ou de leur permettre de participer aux hostilités;
f)Recruter par la force des individus, de se livrer à des actes d’enlèvement, de rapt ou de prise d’otages, d’esclavage sexuel et de trafic d’êtres humains, notamment des femmes et des enfants;
g)Empêcher l’assistance humanitaire et l’acheminement des secours, des équipements et du personnel au profit des personnes déplacées;
h)Attaquer ou nuire au personnel et au matériel déployés pour l’assistance au profit des personnes déplacées, et de détruire, de confisquer ou de détourner ces matériels;
i)Violer le caractère civil et humanitaire des lieux où les personnes déplacées sont accueillies et de s’infiltrer dans ces lieux.

Article 8 – Droits et obligations de l’Union africaine

1.L'Union africaine a le droit d’intervenir dans un État partie, conformément à l’Article 4(h) de l’Acte constitutif, dans de circonstances graves, notamment les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre l'humanité.
2.L’Union africaine respecte le droit des États parties de solliciter son intervention pour restaurer la paix et la sécurité, conformément à l’Article 4(j) de l’Acte constitutif, aux fins de contribuer à la création de conditions favorables, et de rechercher des solutions durables au problème du déplacement interne.
3.L’Union africaine soutient les efforts que déploient des États parties pour protéger et porter assistance aux personnes déplacées conformément à la présente Convention. En particulier l’Union:
a.Renforce son cadre institutionnel et la sa capacité concernant la protection et l’assistance aux personnes déplacées;
b.Coordonne la mobilisation des ressources pour la protection et l’assistance aux personnes déplacées;
c.Collabore avec les organisations internationales et agences humanitaires, les organisations de la société civile et autres acteurs concernés, conformément à leurs mandats, pour appuyer les mesures prises par les États parties en vue d’apporter protection et assistance aux personnes déplacées;
d.Coopère directement avec les États africains et les organisations internationales et agences humanitaires, les organisations de la société civile et autres acteurs concernés, conformément aux mesures appropriées à prendre par rapport à la protection et à l’assistance aux personnes déplacées;
e.Partage les informations avec la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples sur la situation de déplacement, la protection et l'assistance accordées aux personnes déplacées en Afrique; et
f.Coopère avec le Rapporteur spécial de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples pour les réfugiés, les rapatriés, les personnes déplacées et les requérants d’asile pour traiter les problèmes des personnes déplacées.

Article 9 – Obligations des États parties relatives à la protection et à l’assistance durant le déplacement interne

1.Les États parties protègent les droits des personnes déplacées, quelle que soit la cause de déplacement, en s’abstenant de pratiquer, et en prévenant les actes suivants, entre autres:
a.La discrimination dans la jouissance de tout droit et ou toute liberté, du fait de leur condition de personnes déplacées.
b.Le génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et autres violations du droit international humanitaire;
c.Le meurtre arbitraire, les exécutions sommaires, la détention arbitraire, l’enlèvement, la disparition forcée, la torture ou toute autre forme de traitements cruels, inhumains et dégradants;
d.La violence sexuelle et fondée sur le genre, notamment le viol, la prostitution forcée, l’exploitation sexuelle, et les pratiques néfastes, l’esclavage, le recrutement d’enfants et leur utilisation dans les hostilités, travail forcé, trafic et détournement d’êtres humains; et
e.La famine.
1.Les États parties s’engagent à:
a.Prendre les mesures nécessaires pour assurer aux personnes déplacées un accueil sans discrimination aucune, et qu’ils vivent dans des conditions satisfaisantes de sûreté, de dignité et de sécurité;
b.Fournir aux personnes déplacées, dans la plus large mesure possible et dans les plus brefs délais, l'assistance humanitaire adéquate, notamment l'alimentation, l'eau, l'abri, les soins médicaux et autres services de santé, l’assainissement, l’éducation, et tous autres services sociaux nécessaires. Cette assistance peut être étendue, en cas de besoin, aux communautés locales et d’accueil;
c.Apporter une protection spéciale et une assistance aux personnes déplacées ayant des besoins spéciaux, notamment les enfants séparés et non accompagnés, les femmes chefs de ménage, les femmes enceintes, les mères accompagnées de jeunes enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées ou souffrant de maladies transmissibles;
d.Prendre des mesures spéciales visant à protéger et prévoir la santé reproductive et sexuelle des femmes déplacées, ainsi que l’appui psychosocial approprié aux victimes d’abus sexuels et autres;
e.Respecter et assurer aux personnes déplacées le droit de rechercher la sécurité dans une autre région de leur État, et d’être protégées contre le retour forcé ou la réinstallation dans un lieu où leur vie, leur sécurité, leur liberté et/ou leur santé seraient à risque;
f.Garantir la liberté de mouvement et de choix de résidence des personnes déplacées, excepté dans les cas où les restrictions sur ces mouvements et ce choix de résidence sont nécessaires, justifiées, et proportionnées pour des raisons de sécurité, ou pour des raisons d’ordre et de santé publique;
g.Respecter et maintenir le caractère civil et humanitaire des lieux d’accueil des personnes déplacées, et protéger ces lieux contre l’infiltration par des groupes ou éléments armés, désarmer et séparer ces groupes ou éléments de la population des personnes déplacées;
h.Prendre les mesures nécessaires, y compris la mise en place de mécanismes spécialisés, pour retrouver et réunifier les familles séparées durant le déplacement, en vue du rétablissement des liens familiaux;
i.Prendre les mesures nécessaires pour protéger les biens individuels, collectifs et culturels abandonnés par les personnes déplacées, ainsi que les zones où sont localisées les personnes déplacées; soit dans la juridiction des États parties, ou dans les secteurs sous leur contrôle effectif;
j.Prendre les mesures nécessaires de sauvegarde contre la dégradation de l’environnement dans les zones où sont localisées les personnes déplacées, dans la juridiction des États parties ou dans les secteurs sous leur contrôle effectif;
k.Consulter les personnes déplacées et leur permettre de participer aux prises de décisions relatives à la protection et à l’assistance qui leur sont apportées.
l.Prendre les mesures nécessaires pour assurer que les personnes déplacées, citoyens dans leurs pays d’origine, puissent jouir et exercer leurs droits civiques et politiques, particulièrement le droit à la participation publique, notamment le droit de voter et d'être éligible aux fonctions publiques; et
m.Mettre en place des mesures en vue d’assurer l’efficacité du suivi et de l’évaluation de l’impact de l’assistance humanitaire fournie aux personnes déplacées, conformément à la pratique prescrite dans les Normes Sphère.
[Please note: numbering as in original.]
2.Les États parties s’acquittent de toutes ces obligations, le cas échéant, avec l’assistance des organisations internationales et des agences humanitaires, des organisations de la société civile, et d’autres acteurs pertinents,

Article 10 – Déplacement provoqué par des projets

1.Les États parties préviennent, dans la mesure du possible, le déplacement provoqué par les projets réalisés par les acteurs publics ou privés.
2.Les États parties assurent que les acteurs publics ou privés explorent toutes les alternatives réalisables sur la base de l’entière information et consultation des personnes susceptibles d’être déplacées en raison de projets.
3.Les États parties entreprennent une évaluation de l’impact socio-économique et environnemental de toute proposition de projet de développement avant la mise en œuvre de ce projet.

Article 11 – Obligations des États parties relatives au retour à l’intégration locale ou et à la réinstallation durables

1.Les États parties recherchent des solutions durables au problème de déplacement, par la promotion et la création de conditions satisfaisantes pour le retour volontaire, l’intégration locale ou la réinstallation de manière durable, et dans des conditions de sécurité et de dignité.
2.Les États parties permettent aux personnes déplacées de faire un choix libre et en toute connaissance de cause sur leur retour, leur intégration locale ou leur réinstallation. Ils les consultent sur toutes les options possibles, et s’assurent de leur participation à la recherche de solutions durables
3.Les États parties coopèrent, autant que possible, avec l’Union africaine et les organisations internationales, agences humanitaires et organisations de la société civile, pour fournir la protection et l’assistance lors de la recherche et la mise en œuvre de solutions pour le retour durable, l’intégration locale, la réinstallation des personnes déplacées et pour la reconstruction à long terme.
4.Les États parties établissent des mécanismes appropriés prévoyant des procédures simplifiées, si nécessaire, pour la résolution des litiges relatifs aux biens des personnes déplacées.
5.Les États parties prennent, dans la mesure du possible, les mesures appropriées pour restaurer, lors de leur retour, leur réinstallation ou leur réinsertion, les terres des communautés qui en sont spécialement dépendantes et y sont attachées.

Article 12 – Compensation

1.Les États parties fournissent aux personnes affectées par le déplacement interne des solutions adéquates.
2.Les États parties mettent en place un cadre juridique adéquat aux fins d’apporter une compensation juste et équitable, et de fournir d’autres formes de réparation, le cas échéant, aux personnes déplacées pour les dommages résultant du déplacement, conformément aux normes internationales.
3.Tout État partie est tenu de réparer les dommages causés aux personnes déplacées, lorsque ces États se sont abstenus de protéger et d’assister les personnes déplacées en cas de catastrophes naturelles.

Article 13 – Enregistrement et documentation

1.Les États parties peuvent créer et maintenir un registre à jour de toutes les personnes déplacées dans leur juridiction ou sous leur contrôle effectif. Ce faisant, les États parties peuvent travailler en collaboration avec les organisations internationales, les agences humanitaires ou les organisations de la société civile.
2.Les États parties garantissent que soient délivrés aux personnes déplacées internes les actes d’état civil et autres documents d’identité nécessaires pour la jouissance et l’exercice de leurs droits tels que les passeports, documents d’identité personnelle, certificats civils, extraits d’actes de naissance et de contrats de mariage.
3.Les États parties facilitent la délivrance de nouveaux documents ou le remplacement de documents perdus ou détruits au cours du déplacement, sans imposer des conditions non raisonnables telles que l’exigence du retour dans le lieu habituel de résidence en vue d’obtenir ces documents. La non délivrance de ces documents ne doit en aucun cas entraver l’exercice de leurs droits.
4.Les femmes et les hommes ainsi que les enfants non accompagnés ont également le droit d’obtenir les documents d’identité nécessaires, et à les détenir en leur nom propre.

Article 14 – Mécanisme de suivi

1.Les États parties conviennent de créer une Conférence des États parties à la présente Convention, de suivre et d’examiner la mise en œuvre des objectifs de la présente Convention.
2.Les États parties renforcent leur capacité en matière de coopération et d’assistance mutuelle, sous les auspices de la Conférence des États parties.
3.Les États parties conviennent de l’organisation régulière de la Conférence des États parties et de sa facilitation par l’Union africaine.
4.Les États parties, en présentant leur rapport conformément à l’Article 62 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et le cas échéant, dans le cadre du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs, indiquent les mesures législatives et autres qu’ils ont prises pour donner effet à la présente Convention.

Dispositions finales

Article 15 – Application

1.Les États parties conviennent qu’à l’exception des cas expressément indiqués dans cette Convention, ses dispositions s’appliquent à toutes les situations de déplacement interne indépendamment de ses causes.
2.Les États parties conviennent qu’aucun aspect de cette Convention ne saurait être conçu comme accordant un statut légal ou comme une reconnaissance des groupes armés et que ses dispositions n’exonèrent pas de leur responsabilité pénale individuelle leurs membres en vertu du droit pénal national ou international.

Article 16 – Signature, ratification et adhésion

1.La présente Convention est ouverte à la signature, ratification ou adhésion par les États membres de l’UA conformément à leurs procédures constitutionnelles respectives.
2.Les instruments de ratification ou d’adhésion sont déposés auprès du Président de la Commission de l’Union africaine.

Article 17 – Entrée en vigueur

1.La présente Convention entre en vigueur trente (30) jours après le dépôt des instruments de ratification ou d’adhésion par les quinze (15) États membres.
2.Le Président de la Commission notifie aux États membres l’entrée en vigueur de la présente Convention.

Article 18 – Amendement et révision

1.Les États Parties peuvent soumettre des propositions d’amendement ou de révision à la présente Convention.
2.Les propositions d’amendement ou de révision sont soumises par écrit au Président de la Commission qui en communique copies aux États parties dans les trente (30) jours suivant la date de réception.
3.La Conférence, sur avis du Conseil exécutif, examine ces propositions d’amendement dans un délai d’un (1) an, suivant la date de notification aux États membres conformément aux dispositions du paragraphe 2 du présent article.
4.Les amendements proposés ou la révision sont approuvés par la Conférence des États parties à la majorité simple des États Parties présents et votants.
5.Les amendements entrent en vigueur trente (30) jours après le dépôt de quinze (15) instruments de ratification des États parties auprès du Président de la Commission de l’Union africaine.

Article 19 – Dénonciation

1.Un État membre peut dénoncer la présente Convention par voie de notification écrite adressée au Président de la Commission de l’Union africaine et indiquer les motifs de la dénonciation.
2.La dénonciation prend effet un (1) an après la date de la réception de la notification par le Président de la Commission de l’UA à moins qu’une date ultérieure n’ait été spécifiée.

Article 20 – Clause de sauvegarde

1.Aucune disposition de la présente Convention ne sera interprétée comme affectant ou réduisant le droit des personnes déplacées à rechercher et jouir de l’asile accordé dans le cadre de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, et de chercher protection en tant que réfugié dans le cadre de la Convention de l'OUA de 1969 régissant les Aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique ou la Convention des Nations Unies de 1951 relative à la situation des réfugiés ainsi que son Protocole de 1967.
2.La présente Convention est sans préjudice des droits humains des personnes déplacées dans le cadre de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ou d’autres instruments applicables du droit international sur les droits de l’homme ou du droit humanitaire international et ne saurait en aucune manière être comprise ou interprété comme restreignant, modifiant ou entravant la protection existant dans le cadre de l’un de ces instruments.
3.Le droit des personnes déplacées de porter plainte devant la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples ou de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples ou tout autre organe international compétent ne doit en aucune manière être affecté par la présente Convention.
4.Les dispositions de cette Convention sont sans préjudice de la responsabilité pénale individuelle des personnes déplacées dans le cadre du droit pénal national ou international et de leurs devoirs selon la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

Article 21 – Réserves

Les États parties ne peuvent, ni émettre ni introduire des réserves relatives à cette convention qui seraient non compatibles avec ses objectifs et ses buts.

Article 22 – Règlement des différends

1.Tout différend entre les États Parties portant sur l'interprétation ou l'application de la Présente Convention est réglé à l'amiable par un accord direct entre les Parties concernées. En l’absence d’un tel règlement à l’amiable, le différend peut être soumis par tout État Partie au règlement de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.
2.Jusqu'à la mise en place de celle-ci, le différend est soumis à la Conférence qui tranche par consensus ou à défaut, à la majorité des deux tiers (2/3) des États parties présents et votants

Article 23 – Dépositaire

1.La présente Convention sera déposée auprès du Président de la Commission de l’UA qui en communique une copie certifiée au Gouvernement de chaque État signataire.
2.Le Président de la Commission de l’UA enregistre la présente Convention dès son entrée en vigueur, auprès du Secrétaire Général des Nations Unies.
3.La présente Convention est enregistrée en quatre (04) exemplaires originaux en langues anglaise, arabe, française et portugaise, les quatre textes faisant également foi.
Adoptée par le Sommet Spécial de l'Union tenu le 23 Octobre 2009 à Kampala (Ouganda)
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