Goa alias Vedastus c République-Unie De Tanzanie (Requête N° 025/2015) [2019] AfCHPR 40 (26 septembre 2019)

Goa alias Vedastus c République-Unie De Tanzanie (Requête N° 025/2015) [2019] AfCHPR 40 (26 septembre 2019)

AFRICAN UNION


UNION AFRICAINE


UNIÃO AFRICANA

AFRICAN COURT ON HUMAN AND PEOPLES’ RIGHTS

COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES


AFFAIRE


MAJID GOA alias VEDASTUS


c.


RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE



REQUÊTE n° 025/2015


ARRÊT

(FOND ET RÉPARATIONS)


26 SEPTEMBRE 2019




Sommaire



La Cour composée de : Sylvain ORÉ, Président ; Ben KIOKO, Vice-président ; Rafaâ BEN ACHOUR, Ângelo V. MATUSSE, Suzanne MENGUE, M-Thérèse MUKAMULISA, Chafika BENSAOULA, Blaise TCHIKAYA, Stella I. ANUKAM – Juges ; et Robert ENO, Greffier.


Conformément à l’article 22 du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après « le Protocole ») et à l’article 8(2) du Règlement intérieur de la Cour (ci-après « le Règlement »), la Juge Imani D. ABOUD, membre de la Cour de nationalité tanzanienne, n’a pas siégé dans l’affaire.



En l’affaire :

Majid Goa alias VEDASTUS

assurant lui-même sa défense


contre


RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE

représentée par :


i. Dr Clement MASHAMBA, Solicitor General, Cabinet du solicitor General ;


ii. Mme Sarah MWAIPOPO, Directrice de la Division des affaires constitutionnelles et des droits de l’homme, Cabinet de l’Attorney General ;


iii. M. Baraka LUVANDA, Ambassadeur, Chef du Département des affaires juridiques, Ministère des Affaires étrangères, de l’Afrique de l’Est et de la Coopération régionale et internationale ;


iv. Mme Nkasori SARAKIKYA, Principal State Attorney, Cabinet de l’Attorney General ;


v. M. Mark MULWAMBO, Principal State Attorney, Cabinet de l’Attorney General ;


vi. M. Abubakar MRISHA, Senior State Attorney, Cabinet de l’Attorney General ;


vii. Mme Blandina KASAGAMA, Foreign Service Officer, Ministère des Affaires étrangères, de l’Afrique de l’Est et de la Coopération internationale.


Après en avoir délibéré,

rend le présent arrêt.



I. LES PARTIES


1. Majid Goa alias Vedastus (ci-après dénommé « le Requérant ») est un ressortissant de la République-Unie de Tanzanie, qui purge actuellement une peine de 30 (trente) ans de réclusion à la suite de sa condamnation pour viol sur mineure âgée de 12 (douze) ans.


2. L’État Défendeur est la République-Unie de Tanzanie, (ci-après dénommé « l’État défendeur »), devenue partie à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après dénommée « la Charte ») le 21 octobre 1986 et au Protocole le 10 février 2006. Par ailleurs, le 29 mars 2010. Il a également déposé la déclaration prévue à l’article 34(6) du Protocole, par laquelle il a accepté la compétence de la Cour pour recevoir des requêtes émanant d’individus et d’ONG.



II. OBJET DE LA REQUÊTE


A. Faits de la cause


3. Il ressort du dossier que le 20 décembre 2005, le Tribunal de district de Tarime, siégeant en l’affaire pénale n° 418 de 2005, a déclaré le Requérant coupable du crime de viol sur une mineure de 12 (douze) ans et l’a condamné à une peine de 30 ans de réclusion.


4. Le Requérant a introduit un recours devant la Haute Cour siégeant à Mwanza dans l’appel pénal n° 35 de 2006, contestant la déclaration de culpabilité et la peine prononcée. La Haute Cour a confirmé le jugement du Tribunal de district, le 11 octobre 2006.


5. Le Requérant a par la suite saisi la Cour d’appel de Tanzanie siégeant à Mwanza en l’affaire pénale n° 303 de 2013, recours qui a été rejeté le 13 août 2014. Non satisfait de l’arrêt de la Cour d’appel, le Requérant a formé un recours en révision dans la procédure Misc. Criminal Application n° 11 de 2014 devant la Cour d’appel de Tanzanie siégeant à Mwanza. Ce recours a été rejeté.


6. Le 2 octobre 2015, le Requérant a saisi la Cour de céans.


B. Violations alléguées


7. Le Requérant allègue la violation par l’État défendeur des droits garantis aux articles 2, 3(1) et (2) et 7(1) (c) et (d) de la Charte, pour n’avoir pas pris en considération l’alibi invoqué pour sa défense ainsi que les diverses contradictions et incohérences relevées dans les dépositions des témoins. Il soutient en outre qu’il s’est vu refuser le droit à ce que sa cause soit entendue, dans la mesure où il n’avait pas bénéficié d’une assistance judiciaire, aussi bien devant la juridiction de première instance que devant les juridictions d’appel.



III. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR


8. La Requête a été reçue le 2 octobre 2015 et signifiée à l’État défendeur le 4 décembre 2015, ainsi qu’aux entités visées à l’article 35(3) du Règlement.


9. Les Parties ont déposé leurs observations dans les délais fixés par la Cour, et celles de l’une ont été notifiées à l’autre.


10. Le 7 décembre 2018, la Cour a informé les Parties que la procédure écrite était close.



IV. MESURES DEMANDÉES PAR LES PARTIES


11. Le Requérant demande à la Cour de rendre les mesures suivantes :


a. « …restaurer la justice là où elle a été foulée aux pieds et annuler la déclaration de culpabilité et la peine prononcée et ordonner sa remise en liberté ;

b. lui octroyer des réparations conformément à l’article 27(1) du Protocole portant création de la Cour ;

c. annuler la déclaration de culpabilité et la peine prononcée et ordonner sa remise en liberté ;

d. lui fournir une représentation juridique ou une assistance judiciaire en vertu de l’article 31 du Règlement intérieur et de l’article 10(2) du Protocole.

e. ordonner toute(s) autre(s) mesure(s) qu’elle estime appropriée(s), au vu des circonstances de l’espèce ».


12. Pour sa part, l’État défendeur demande à la Cour de céans de rendre les mesures suivantes :

a) « Dire que la Cour n’est pas compétente pour examiner la Requête ;

b) Dire que la Requête ne remplit pas les conditions de recevabilité énoncées à l’article 40(1 à 7) du Règlement intérieur de la Cour et aux articles 56 et 6(2) du Protocole ;

c) Rejeter la Requête, en application de l’article 38 du Règlement intérieur de la Cour ;

d) Dire que les frais de procédure sont à la charge du Requérant ;

e) N’accorder aucune réparation au Requérant ».


13. L’État défendeur demande en conséquence à la Cour de dire qu’il n’a pas violé les articles 2, 3(1), 3(2), 7(1)(c) et 7(1)(d) de la Charte.


14. Dans sa réplique, le Requérant demande à la Cour de rejeter les exceptions soulevées par l’État défendeur et soutient que la Requête est fondée et qu’elle doit être examinée.



V. SUR LA COMPÉTENCE DE LA COUR


15. Conformément à l’article 3(1) du Protocole, « la Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant l’interprétation et l’application de la Charte, du présent Protocole, et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par les États concernés ». En application de l’article 39 (1) du Règlement, « La Cour procède à un examen préliminaire de sa compétence … ».


16. L’État défendeur soulève une exception d’incompétence matérielle de la Cour.


A. Exception d’incompétence matérielle


17. L’État défendeur fait valoir que les Requérants n’ont pas correctement invoqué la compétence de la Cour. À cet égard, il soutient que les articles 3(1) du Protocole et 26 du Règlement ne confèrent à la Cour que la compétence pour connaître des affaires ou des différends relatifs à l’application et à l’interprétation de la Charte, du Protocole et de tout autre instrument relatif aux droits de l’homme et ratifié par l’État concerné. Selon l’État défendeur, la Cour n’est donc pas compétente pour examiner la présente requête en tant que juridiction de première instance ou d’appel.


18. Pour sa part, le Requérant soutient que sa requête porte sur des violations de droits fondamentaux de l’homme, qui relèvent de la compétence de la Cour de céans.


***


19. La Cour a conclu dans ses arrêts antérieurs qu’en vertu de l’article 3 du Protocole, elle est compétente dès lors que les requêtes dont elle est saisie portent sur la violation de droits protégés par la Charte, le Protocole ou tout autre instrument des droits de l’homme ratifié par l’État concerné1.




20. La Cour réaffirme sa jurisprudence bien établie selon laquelle elle n’est pas une juridiction d’appel des décisions des instances nationales2. Elle a souligné, cependant, que « [c]ela ne l’empêche pas d’examiner les procédures pertinentes devant les instances nationales pour déterminer si elles sont en conformité avec les normes prescrites dans la Charte ou avec tout autre instrument ratifié par l’État concerné »3 .


21. La Cour relève que la présente requête porte sur des allégations de violations des droits de l’homme protégés aux articles 2, 3 et 7 de la Charte. Lorsqu’elle les examine à la lumière des instruments internationaux, elle ne s’arroge pas le statut de juridiction d’appel ou de première instance. En conséquence, l’exception de l’État défendeur est rejetée.


22. Au vu de ce qui précède, la Cour conclut qu’elle a la compétence matérielle en l’espèce.


B. Sur les autres aspects de la compétence


23. La Cour relève que sa compétence personnelle, temporelle et territoriale n’a pas été contestée par l’État défendeur et que rien dans le dossier n’indique qu’elle n’est pas compétente en l’espèce. La Cour constate donc qu’en l’espèce, elle a :

(i) la compétence personnelle, étant donné que l’État défendeur est partie au Protocole et qu’il a déposé la déclaration prévue à l’article 34(6), ce qui permet aux individus de la saisir directement, conformément à l’article 5(3) du Protocole.


(ii) la compétence temporelle, dans la mesure où les violations alléguées sont continues de par leur nature et que le Requérant reste condamné, sur la base de ce qu’il considère comme des irrégularités4.


(iii) la compétence territoriale, les faits de la cause s’étant produits sur le territoire d’un État partie au Protocole, à savoir l’État défendeur.


24. Au vu de ce qui précède, la Cour conclut qu’elle est compétente.



VI. SUR LA RECEVABILITÉ


25. Aux termes de l’article 6(2) du Protocole « La Cour statue sur la recevabilité des requêtes en tenant compte des dispositions énoncées à l’article 56 de la Charte ». Conformément à l’article 39(1) de son Règlement, « la Cour procède à un examen préliminaire de sa compétence et des conditions de recevabilité de la requête telles que prévues par les articles 50 et 56 de la Charte et 40 du présent Règlement ».



26. L’article 40 du Règlement, qui reprend en substance l’article 56 de la Charte, est libellé comme suit :

« En conformité avec les dispositions de l’article 56 de la Charte auxquelles renvoie l’article 6(2) du Protocole, pour être examinées, les requêtes doivent remplir les conditions ci-après :

1. Indiquer l’identité de leur auteur même si celui-ci demande à la Cour de garder l’anonymat ;

2. Être compatible avec l’Acte constitutif de l’Union africaine et la Charte ;

3. Ne pas contenir de termes outrageants ou insultants ;

4. Ne pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles diffusées par les moyens de communication de masse ;

5. Être postérieures à l’épuisement des recours internes s’ils existent, à moins qu’il ne soit manifeste à la Cour que la procédure de ces recours se prolonge de façon anormale ;

6. Être introduites dans un délai raisonnable courant depuis l’épuisement des recours internes ou depuis la date retenue par la Cour comme faisant commencer à courir le délai de sa propre saisine ;

7. Ne pas concerner des cas qui ont été réglés conformément soit aux principes de la Charte des Nations Unies, soit de l’Acte constitutif de l’Union africaine et soit des dispositions de la Charte ou de tout autre instrument juridique de l’Union africaine ».


A. Conditions de recevabilité en discussion entre les Parties


27. L’État défendeur fait valoir que la Requête ne remplit pas deux des conditions de recevabilité, à savoir celle relative à l’épuisement des recours internes, prévue à l’article 40(5) du Règlement, ainsi que celle portant sur l’exigence de déposer les requêtes dans un délai raisonnable après épuisement des recours internes, énoncée à l’article 40(6) du Règlement.



i. Exception relative au non-épuisement des recours internes


28. L’État défendeur soutient que le Requérant soulève devant la Cour de céans des allégations de violation de son droit à l’égalité devant la loi et à l’égale protection de la loi ainsi que de son droit à un procès équitable, ces deux droits étant garantis et protégés aux articles 12 à 29 de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie.


29. L’État défendeur affirme également qu’il a promulgué la loi relative aux droits fondamentaux et devoirs (Basic Rights and Duties Enforcement Act), qui consacre le respect des droits constitutionnels et fondamentaux énoncés en son article 45. Il soutient en outre que, cette loi est applicable devant la Haute Cour et que le Requérant n’ayant pas eu recours à cette procédure, il s’est privé de la possibilité d’obtenir réparations des violations alléguées.


30. Pour sa part, le Requérant soutient que sa requête remplit les conditions de recevabilité, car elle a été introduite après avoir épuisé les recours internes, dans la mesure où il a saisi la Cour d’appel qui a rendu son arrêt le 13 août 2014, et qu’il a introduit une requête en révision dudit arrêt. Il conclut qu’il a « effectivement épuisé tous les recours judiciaires disponibles ».

***


31. La Cour fait observer qu’il ressort du dossier que le Requérant a interjeté appel du jugement de la Haute Cour portant condamnation rendu le 11 octobre 2006, devant la Cour d’appel de la Tanzanie, la plus haute juridiction de l’État défendeur, et que celle-ci a confirmé le jugement de la Haute Cour, le 13 août 2014.

32. La Cour relève en outre qu’elle a conclu antérieurement dans plusieurs affaires visant l’État défendeur, que les recours en inconstitutionnalité et en révision dans le système judiciaire tanzanien sont des recours extraordinaires que le Requérant n’est pas tenu d’épuiser avant de la saisir6. Il est donc établi que le Requérant en l’espèce a épuisé tous les recours internes disponibles.


33. Pour cette raison, la Cour rejette l’exception relative au non-épuisement des recours internes.


ii. Exception relative au non-respect du délai raisonnable pour le dépôt de la Requête


34. L’État défendeur soutient que la Requête n’a pas été déposée dans un délai raisonnable conformément à l’article 40(6) du Règlement. Il fait valoir que l’affaire concernant le Requérant a été tranchée le 13 août 2014 et qu’une période d’un (1) an et un (1) mois s’est écoulée avant que le Requérant ne saisisse la Cour de céans.


35. Notant que l’article 40(6) ne fixe pas de délai limite dans lequel les requêtes doivent être déposées, l’État défendeur attire l’attention de la Cour de céans sur le fait que la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a estimé qu’une période de six mois est considérée comme un délai raisonnable7.


36. Toujours selon l’État défendeur, le Requérant n’a pas fait état d’obstacles quelconques qui l’auraient empêché de déposer la Requête dans le délai de six mois et, pour ces raisons, la Requête doit être déclarée irrecevable.


37. Le Requérant affirme pour sa part que la décision relative à son recours devant la Cour d’appel a été rendue le 13 août 2014 et qu’il a par la suite introduit un recours en révision, qui était pendant au moment où il a saisi la Cour de céans. Le Requérant soutient donc que sa requête a été introduite dans un délai raisonnable.


***


38. La Cour fait observer que l’article 56(6) de la Charte n’indique pas de délai précis dans lequel elle peut être saisie d’une requête. L’article 40(6) du Règlement, qui reprend en substance l’article 56(6) de la Charte, mentionne simplement « [u]n délai raisonnable à compter de la date à laquelle les recours internes ont été épuisés ou à compter de la date fixée par la Cour comme faisant commencer à courir le délai de sa propre saisine ».


39. La Cour rappelle sa jurisprudence dans laquelle elle a conclu « [q]ue le caractère raisonnable du délai de saisine dépend des circonstances spécifiques de l’affaire et devrait être déterminé au cas par cas8 ».


40. Il ressort du dossier devant la Cour que les recours internes ont été épuisés le 13 août 2014, date à laquelle la Cour d’appel a rendu son arrêt tandis que la présente Requête a été introduite le 2 octobre 2015, soit un (1) an, un (1) mois et vingt (20) jours après l’épuisement des recours internes. La Cour est donc appelée à déterminer si ce délai est raisonnable.



41. La Cour relève que le Requérant est en prison, que sa liberté de mouvements est restreinte et qu’il n’a qu’un accès limité à l’information9. Par ailleurs, il n’a pas bénéficié de l’assistance d’un avocat tout au long de son procès en première instance et en appel. En outre, il a choisi d’introduire un recours en révision devant la Cour d’appel le 8 septembre 201410, malgré le fait qu’il s’agit d’un recours qu’il n’était pas tenu d’épuiser avant de saisir la Cour de céans. L’ensemble de ces circonstances a contribué au fait que le Requérant a saisi la Cour un (1) an, un (1) mois et vingt (20) jours après l’épuisement des recours internes.


42. En conséquence, la Cour estime raisonnable le délai dans lequel le Requérant l’a saisie, à savoir un (1) an, un (1) mois et vingt (20) jours après l’épuisement des recours internes et rejette en conséquence l’exception soulevée.


B. Conditions de recevabilité qui ne sont pas en discussion entre les Parties


43. Les conditions qui ne sont pas en discussion entre les parties sont celles relatives à l’identité du Requérant, à la compatibilité de la Requête avec l’Acte constitutif de l’Union africaine, aux termes utilisés dans la Requête, à la nature des preuves, au principe selon lequel la requête ne doit pas concerner des affaires qui ont été tranchées conformément soit aux principes de la Charte des Nations Unies ou de l’Acte constitutif de l’Union africaine, soit aux dispositions de la Charte ou de tout autre instrument juridique de l’Union africaine (alinéas 1, 2, 3, 4 et 7 de l’article 40 du Règlement). La Cour relève que rien dans le dossier n’indique qu’une de ces conditions n’a pas été remplie en l’espèce.

44. Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut que la présente requête remplit toutes les conditions de recevabilité énoncées aux articles 56 de la Charte et 40 du Règlement et la déclare recevable en conséquence.



VII. SUR LE FOND


45. Le Requérant allègue la violation de droits garantis aux articles 2, 3 et 7 de la Charte. Dans la mesure où les allégations de violation des articles 2 et 3 découlent de l’allégation de violation de l’article 7, la Cour examine d’abord cette dernière.


A. Violation alléguée de l’article 7 de la Charte


46. Le Requérant allègue la violation de son droit à un procès équitable par les juridictions nationales, du fait qu’elles n’ont pris en compte ni les incohérences des éléments de preuve d’identification qui ont fondé sa condamnation ni son alibi et qu’elles ne lui ont pas fourni une assistance judiciaire.


i. Allégation d’incohérence des éléments de preuve


47. Le Requérant affirme que dans les dépositions des quatre témoins à charge, il n’était pas identifié correctement comme étant l’auteur du crime de viol. Il affirme également qu’il y avait des incohérences évidentes dans les dépositions des témoins à charge quant à l’identité de l’auteur du crime de viol.


48. Il affirme en outre que du fait que l’infraction a été commise de nuit, les témoins ne pouvaient pas bien identifier l’auteur. Il soutient en conséquence que le tribunal de première instance n’aurait pas dû se fonder sur les dépositions de ces témoins à charge pour le déclarer coupable.


49. L’État défendeur réfute toutes les allégations du Requérant comme étant sans fondement. Il fait valoir que celui-ci avait été correctement identifié, en particulier parce que les témoins le connaissaient avant la commission du crime et ils l’ont bien vu sur le lieu du crime.


50. L’État défendeur ajoute que l’un des témoins à charge était l’oncle du Requérant et beau-frère de la victime ; qu’ils le connaissaient bien tous les deux et qu’ils l’ont donc facilement identifié comme étant l’auteur du crime. Il affirme en outre que les preuves présentées par les témoins à charge étaient solides et concordantes.


***


51. Aux termes de l’article 7 de la Charte,


« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend :

1. le droit de saisir les juridictions nationales compétentes de tout acte violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus et garantis par les conventions, les lois, règlements et coutumes en vigueur ;

2. le droit à la présomption d’innocence, jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie par une juridiction compétente ;

3. le droit à la défense, y compris celui de se faire assister par un défenseur de son choix ;

4. le droit d’être jugé dans un délai raisonnable par une juridiction impartiale. »


52. La Cour tient à rappeler sa jurisprudence établie, d’après laquelle :


« …les juridictions nationales jouissent d’une large marge d’appréciation pour évaluer la valeur probante des éléments de preuve, et qu’en tant que juridiction internationale des droits de l’homme, elle ne peut pas se substituer aux juridictions nationales pour examiner les détails et les particularités des preuves présentées dans les procédures internes11. »


53. De plus, la Cour réitère sa position au sujet des preuves qui servent de base à la condamnation d’un requérant :


« S’agissant en particulier des preuves qui ont servi de base à la condamnation du Requérant, la Cour estime qu’il ne lui revient pas en effet de se prononcer sur leur valeur pour revoir cette condamnation. Toutefois, elle considère que rien ne lui interdit d’examiner ces preuves comme éléments du dossier qui lui est soumis, afin de voir si de façon générale, la manière dont le juge national les a appréciées a été conforme aux exigences d’un procès équitable au sens de l’article 7 de la Charte12 ».


54. La Cour fait observer que lorsqu’une déclaration de culpabilité repose sur l’identification visuelle ou par la voix, tout risque d’erreur doit être écarté et l’identité du suspect établie avec certitude13. Cela exige que l’identification soit corroborée par d’autres preuves par indices et fasse partie d’une description logique et cohérente du lieu du crime.


55. En l’espèce, il ressort du dossier que les juridictions internes ont condamné le Requérant sur la base des preuves d’identification visuelle présentées par quatre témoins à charge. Ceux-ci se sont immédiatement rendus sur les lieux du crime après avoir entendu les cris de la victime appelant au secours. Par ailleurs, les témoins connaissaient le Requérant avant que le crime ne soit commis ; certains étaient ses voisins et d’autres ses parentés. Les juridictions nationales ont examiné les circonstances du crime pour écarter tout risque d’erreur et ont conclu que le Requérant avait été formellement identifié comme étant l’auteur du crime allégué14.


56. Au vu de ce qui précède, la Cour estime que l’appréciation des faits et des éléments de preuve par les juridictions internes et le poids qu’elles leur ont accordé ne révèlent aucune erreur manifeste et n’ont entraîné aucun déni de justice à l’égard du Requérant qui nécessiterait son intervention. La Cour rejette donc l’allégation du Requérant selon laquelle les juridictions nationales n’ont pas pris en compte les incohérences des éléments de preuve ayant fondé sa condamnation.


ii. Allégation selon laquelle l’alibi du Requérant n’a pas été pris en compte


57. Le Requérant affirme avoir été privé de son droit à un procès équitable, dans la mesure où le Tribunal de première instance et, par la suite, les juridictions d’appel n’ont pas tenu compte de son alibi.


58. L’État défendeur réfute ces allégations. Il fait valoir que le Tribunal de première instance a rendu son jugement après s’être assuré que le Requérant n’avait pu apporter le moindre élément susceptible de semer le doute sur le dossier sans faille du Ministère Public.


59. Dans le même ordre d’idées, l’État défendeur soutient que les juridictions d’appel ont pleinement évalué l’alibi du Requérant et l’ont déclaré non crédible.


60. L’État défendeur conclut sur ce point que l’alibi allégué par le Requérant a été « déclaré sans valeur probante » et qu’il n’était en fait qu’une idée qui lui est venue après coup et qui ne devrait pas être prise en compte et que pour ces raisons, la requête est sans fondement et devrait être rejetée.


***


61. La Cour relève qu’aux termes de l’article 7(1) de la Charte : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue ».


62. Dans ses arrêts antérieurs, la Cour a conclu « [q]u’un procès équitable requiert que la condamnation d’une personne à une sanction pénale et particulièrement à une lourde peine de prison, soit fondée sur des preuves solides. C’est tout le sens du droit à la présomption d’innocence consacré également par l’article 7 de la Charte15 ».


63. La Cour rappelle également que dans un arrêt antérieur, elle avait estimé que « lorsqu’un alibi est établi avec certitude, il peut être décisif sur la question de la culpabilité de la personne poursuivie16 ».


64. La Cour relève que selon l’alibi invoqué par le Requérant, celui-ci était au marché de Busulwa où il vendait de la canne à sucre au moment où le crime a été commis. Cette affirmation a toutefois été réfutée par le témoin à charge PW1, un voisin qui lors du contre-interrogatoire, a affirmé que le Requérant ne pouvait pas se rendre au marché de Busulwa le 19 août 2005, du fait que c’était un vendredi et que ce n’était donc pas un jour de marché. De plus, le Requérant n’a fourni aucun élément pour corroborer son alibi. La Cour constate en outre que rien dans le dossier n’indique que dans leur jugement les juridictions nationales ont commis des erreurs manifestes, qui nécessiteraient son intervention.


65. Au vu de ce qui précède, la Cour rejette l’allégation du Requérant selon laquelle les juridictions nationales n’ont pas examiné son alibi et dit que le droit du Requérant à un procès équitable n’a pas été violé.


iii. Défaut allegué de fournir une assistance judiciaire au Requérant


66. Selon le Requérant, l’État défendeur a violé l’article 7(1)(c) de la Charte, pour ne lui avoir pas fourni une assistance judiciaire, pendant son procès, tant en première instance qu’en appel.


67. L’État défendeur soutient que le fait que le Requérant n’avait pas bénéficié d’une assistance judiciaire n’a entraîné aucun déni de justice. Citant l’article 7(1)(c) de la Charte, l’État défendeur affirme que le Requérant a délibérément pris la décision d’assurer lui-même sa défense. L’État défendeur cite également l’affaire Melin c. France17, dans laquelle la Cour européenne des droits de l’homme a estimé qu’un accusé qui décide d’assurer lui-même sa défense doit faire preuve de diligence, et soutient que le Requérant ne l’a pas fait. L’État défendeur affirme donc qu’il n’a pas violé le droit du Requérant à l’assistance judiciaire.


68. Selon l’État défendeur, les dispositions de l’article 7(1)(c) ne précisent donc pas suffisamment que l’État doit fournir une assistance judiciaire gratuite pour chaque procès en matière pénale et que si le Requérant souhaite être représenté devant une juridiction, il est tenu d’en formuler la demande auprès de l’État ou des organisations non gouvernementales. L’État défendeur soutient en outre que le droit à la représentation juridique n’est pas un droit absolu et que la personne accusée doit en faire la demande, ce droit étant tributaire de la disponibilité des ressources financières.

***


69. La Cour fait observer que l’article 7(1)(c) de la Charte est libellé comme suit :


« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend :

[…] c. le droit à la défense, y compris celui de se faire assister par un avocat de son choix ».


70. La Cour note également que l’article 7(1)(c) de la Charte ne prévoit pas explicitement le droit à une assistance judiciaire gratuite. Toutefois, la Cour de céans a interprété ces dispositions à la lumière de l’article 14(3)(d) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ci-après dénommé « le PIDCP »)18, et conclu que le droit à la défense comprend celui de bénéficier d’une assistance judiciaire gratuite19. La Cour a également établi que toute personne accusée d’une infraction pénale a droit à une assistance judiciaire gratuite sans être obligée d’en faire la demande, lorsque l’intérêt de la justice l’exige. C’est le cas lorsque la personne poursuivie est indigente et est accusée de délit grave, passible d’une peine lourde20.


71. La Cour fait observer que le Requérant n’a pas bénéficié d’une assistance judiciaire gratuite tout au long de la procédure devant les juridictions nationales. Elle relève en outre que l’État défendeur ne conteste pas que le Requérant est indigent, que l’infraction est grave et que la peine prévue par la loi est lourde, mais il se contente d’affirmer que le Requérant n’a pas fait de demande d’assistance judiciaire.


72. Étant donné que le Requérant était accusé d’un crime grave, à savoir viol sur une mineure âgée de 12 ans, passible d’une lourde peine obligatoire de trente (30) ans de réclusion21, l’intérêt de la justice exigeait que le Requérant bénéficie d’une assistance judiciaire gratuite, qu’il en ait fait la demande ou non, sans que cela ne soit subordonné à la disponibilité de ressources financières. De plus, le fait qu’il en ait fait la demande ou non est sans objet.


73. La Cour conclut donc que l’État défendeur a violé l’article 7(1)(c) de la Charte, pour ne lui avoir pas fourni une assistance judiciaire.


B. Violation alléguée du droit à la non-discrimination et du droit à l’égalité devant la loi et à une égale protection de la loi


74. Le Requérant soutient que les violations de son droit à un procès équitable démontrent également qu’il n’a pas bénéficié d’un traitement égal devant la loi et qu’il a fait l’objet de discrimination de la part des juridictions nationales.


75. L’État défendeur réfute ces allégations et exige du Requérant d’en rapporter la preuve irréfutable.

***


76. L’article 2 de la Charte est libellé comme suit : «Toute personne a droit à la jouissance des droits et libertés reconnus et garantis dans la présente Charte, sans distinction aucune, notamment de race, d’ethnie, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de tout autre situation ».


77. Aux termes de l’article 3 de la Charte, « [t]outes les personnes bénéficient d’une totale égalité devant la loi » et « ont droit à une égale protection de la loi ».


78. La Cour constate que le Requérant n’a ni démontré ni étayé en quoi il a fait l’objet de discrimination ou de traitement différent ou inégal ayant entraîné une discrimination au sens des critères énoncés aux articles 2 et 3 de la Charte.


79. À la lumière de ce qui précède, la Cour conclut que le droit du Requérant à la non-discrimination, son droit à l’égalité devant la loi et à une égale protection de la loi, droits garantis aux articles 2 et 3 de la Charte, n’ont pas été violés par l’État défendeur.



VIII. SUR LES RÉPARATIONS


80. Aux termes de l’article 27(1) du Protocole, « [l]orsqu’elle estime qu’il y a eu violation d’un droit de l’homme ou des peuples, la Cour ordonne toutes les mesures appropriées afin de remédier à la situation, y compris le paiement d’une juste compensation ou l’octroi d’une réparation ».


81. La Cour rappelle ses arrêts antérieurs et réitère sa conclusion que « [p]our examiner les demandes en réparation des préjudices résultants des violations des droits de l’homme, elle tient compte du principe selon lequel l’État reconnu auteur d’un fait internationalement illicite a l’obligation de réparer intégralement les conséquences de manière à couvrir l’ensemble des dommages subis par la victime »22 .


82. La Cour rappelle également que l’objet de la réparation étant d’assurer notamment une restitution intégrale, celle-ci « [d]oit autant que possible, effacer toutes les conséquences de l’acte illicite et rétablir l’état qui aurait vraisemblablement existé si ledit acte n’avait pas été commis »23 .


83. Les mesures qu’un État doit prendre pour réparer une violation des droits de l’homme doivent inclure la restitution, l’indemnisation, la réadaptation de la victime ainsi que les mesures propres à garantir la non répétition des violations, compte tenu des circonstances de chaque affaire24.


84. La Cour rappelle également, en ce qui concerne la question du préjudice matériel, que la règle générale est qu’il doit exister un lien de causalité entre la violation alléguée et le préjudice causé et que la charge de la preuve incombe au Requérant qui doit fournir les preuves justificatives de ses prétentions25. Pour ce qui est du préjudice moral, la norme de la preuve n’est pas aussi rigide : la Cour peut invoquer des présomptions en faveur du Requérant.





A. Réparations pécuniaires


85. Dans ses observations sur les réparations, le Requérant affirme qu’avant son incarcération, il était cultivateur de canne à sucre et que les revenus tirées de la vente de la canne à sucre étaient d’un million (1 000 000) de shillings tanzaniens par mois.


86. Le Requérant affirme en outre qu’il avait une famille avant son incarcération mais qu’il ne sait pas où elle se trouve actuellement. Il ajoute qu’il était propriétaire d’une maison qui a été détruite par des inconnus. Enfin, il affirme qu’il est victime d’une machination et que sa condamnation avait pour seul but de l’anéantir. Il demande en conséquence à la Cour de lui octroyer un montant total de 1 milliard (1 000 000 000) de shillings tanzaniens à titre de « compensation ».


87. L’État défendeur demande à la Cour de rejeter la demande de réparations formulée par le Requérant.

***


88. La Cour fait observer qu’elle a déjà conclu que l’État défendeur a violé le droit du Requérant à un procès équitable, du fait que celui-ci n’a pas bénéficié d’une assistance judiciaire. À cet égard, la Cour rappelle sa position concernant la responsabilité de l’État, à savoir que « [t]oute violation d’une obligation internationale ayant causé un préjudice entraîne l’obligation de fournir une réparation adéquate »26 .


89. La Cour relève en outre que le Requérant ne présente aucun élément de preuve à l’appui de ses demandes de réparation ; il se contente de les énumérer. En conséquence, la Cour rejette la demande d’un milliard (1 000 000 000) de shillings tanzaniens, au motif que cette réclamation n’est pas étayée.


90. Toutefois, la Cour relève que la violation constatée a causé un préjudice au Requérant et elle lui accorde, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, un montant forfaitaire de trois cent mille (300 000) shillings tanzaniens, à titre de juste compensation27.


B. Réparations non pécuniaires


91. Le Requérant demande à la Cour d’ordonner sa remise en liberté.


92. L’État défendeur demande à la Cour de dire que la peine prononcée à l’égard du Requérant est conforme à la loi et de rejeter en conséquence sa demande de remise en liberté.


***


93. S’agissant de la demande de remise en liberté du Requérant, la Cour a indiqué dans le passé qu’« [e]lle ne peut ordonner la remise en liberté du Requérant que dans des circonstances exceptionnelles ou impérieuses »28 . Tel serait le cas, par exemple, « [s]i un Requérant démontre à suffisance ou si la Cour elle-même établit, à partir de ses constatations, que l’arrestation ou la condamnation du Requérant repose entièrement sur des considérations arbitraires et que son emprisonnement continu résulterait en un déni de justice»29 .


94. En l’espèce, la Cour estime que le Requérant n’a pas démontré l’existence de circonstances exceptionnelles ou impérieuses et la Cour n’en a pas constaté pour justifier une remise en liberté. La Cour estime en outre que le droit du Requérant à une assistance judiciaire gratuite a été violé mais que cela n’a pas affecté l’issue de son procès30.


95. Au vu de ce qui précède, la Cour rejette la demande de remise en liberté du Requérant.



IX. SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE


96. Conformément à l’article 30 de son Règlement, « [à] moins que la Cour n’en décide autrement, chaque partie supporte ses frais de procédures ».


97. Dans leurs observations, chacune des Partie demande à la Cour d’ordonner que les frais de procédure sont à la charge de l’autre.


98. En l’espèce, la Cour décide que chaque partie supportera ses propres frais de procédure.



X. DISPOSITIF


99. Par ces motifs :


La Cour,

À l’unanimité,



Sur la compétence :

i. Rejette l’exception d’incompétence matérielle de la Cour ;


ii. Déclare qu’elle est compétente.


Sur la recevabilité :

iii. Rejette les exceptions d’irrecevabilité de la Requête ;


iv. Déclare la Requête recevable.


Sur le fond :

v. Dit que l’État défendeur n’a pas violé l’article 7(1) de la Charte en ce qui concerne l’appréciation des preuves d’identification et de l’alibi du Requérant.


vi. Dit que l’État défendeur a violé le droit du Requérant à un procès équitable, pour ne lui avoir pas fourni une assistance judiciaire, en violation des articles 7(1)(c) de la Charte et 14(3)(d) du PIDCP.


Sur les réparations :


Réparations pécuniaires :

vii. Fait droit à la demande du Requérant relative à la réparation du préjudice subi et lui accorde la somme de trois-cent mille (300 000) shillings tanzaniens ;


viii. Ordonne à l’État défendeur de verser au Requérant le montant indiqué ci-dessus, en franchise d’impôts, dans un délai de six (6) mois à compter de la date de notification du présent arrêt, faute de quoi il paiera des intérêts moratoires calculés sur la base du taux en vigueur de la Banque centrale de la République-Unie de Tanzanie pendant toute la période de retard de paiement et, ce, jusqu’au paiement intégral des sommes dues.


Réparations non pécuniaires

ix. Rejette la demande du Requérant d’être remis en liberté.


Sur la mise en œuvre du présent arrêt et l’établissement de rapports

x. Ordonne à l’État défendeur de lui soumettre, dans un délai de six (6) mois, à compter de la date de notification du présent arrêt, un rapport sur les mesures prises pour mettre en œuvre le présent arrêt.


Sur les frais de procédure

xi. Décide que chaque partie supporte ses frais de procédure.



Ont signé :


Sylvain ORÉ, Président ;


Ben KIOKO, Vice-président ;


Rafaâ BEN ACHOUR, Juge ;


Ângelo V. MATUSSE, Juge ;


Suzanne MENGUE, Juge ;


M-Thérèse MUKAMULISA, Juge ;


Chafika BENSAOULA, Juge ;


Blaise TCHIKAYA, Juge ;


Stella I. ANUKAM, Juge ;


et Robert ENO, Greffier.



Fait à Arusha ce vingt-sixième jour du mois de septembre de l’an deux mil dix-neuf, en anglais et en français, le texte en anglais faisant foi.


1 Requête n° 003/2012. Décision du 28/03/2014 (Recevabilité), Peter Joseph Chacha c. République-Unie de Tanzanie, § 114 ; Requête n° 005/2013. Arrêt du 20/11/2015 (Fond), Alex Thomas c. République-Unie de Tanzanie (ci-après dénommé « Alex Thomas c. Tanzanie (Fond) »), 45 ; Requête n° 053/2016. Arrêt du 28/03/2019 (Fond). Oscar Josiah c. République-Unie de Tanzanie (ci-après « Oscar Josiah c. Tanzanie (Fond) »), § 24.

2 Requête n° 001/2013. Décision du 15/03/2013 (Compétence), Ernest Francis Mtingwi c. République du Malawi, § 14 ; Requête n° 025/2016. Arrêt du 28/03/2019 (fond et réparations), Kenedy Ivan c. République-Unie de Tanzanie (ci-après dénommée « Kenedy Ivan c. Tanzanie »), § 26 ; Requête n° 024/2015. Arrêt du 07/11/2018 (fond et réparations), Armand Guehi c. République-Unie de Tanzanie, § 33 ; Requête n° 006/2015. Arrêt du 23/03/2018 (fond), Nguza Viking (Babu Seya) et Johnson Nguza (Papi Kocha) c. Tanzanie, § 35.

3 Alex Thomas c. Tanzanie (Fond), § 130. Voir aussi Requête n° 010/2015, Arrêt du 28/09/2017 (Fond), Christopher Jonas c. République-Unie de Tanzanie (ci-après dénommé “Christopher Jonas c. Tanzanie (Fond)”), § 28 ; Requête n° 003/2014, Arrêt du 24/11/2017 (Fond), Ingabire Victoire Umuhoza c. République du Rwanda (ci-après dénommé « Ingabire Umuhoza c. Rwanda (Fond) »), § 52 ; Requête n° 007/2013 ; Arrêt du 03/06/2013 (Fond), Mohamed Abubakari c. République-Unie de Tanzanie, (ci-après dénommé « Mohamed Abubakari c. Tanzanie (Fond) »), § 29 ; Kenedy Ivan, note 2 supra, § 26.

4 Voir Requête n° 013/2011. Arrêt du 21/06/2013 (Exceptions préliminaires), Abdoulaye Nikiema, Ernest Zongo, Blaise Ilboudou et Mouvement burkinabè des droits de l’homme c. Burkina Faso (ci-après « Zongo et autres c. Burkina Faso (Exceptions préliminaires) »), §§ 71 à 77.

5 « Toute personne qui allègue que des dispositions des articles 12 à 29 de la présente Constitution ont été, sont ou risque d'être enfreints à son égard, sans préjudice de toute autre action légalement disponible, peut exercer un recours devant la Haute Cour ».

6 Voir Alex Thomas c. Tanzanie (Fond), op. cit. § 65 ; Requête n° 007/2013. Arrêt du 03/06/2013 (Fond), Mohamed Abubakari c. Tanzanie (ci-après dénommé « Mohamed Abubakari c. Tanzanie (Fond)»), §§ 66 à 70 ; Requête no 011/2015. Arrêt du 28/09/2017 (Fond), Christopher Jonas c. République-Unie de Tanzanie, § 44.

7 Michael Majuru c. Zimbabwe (2008) AHRLR 146 (CADHP 2008).

8 Alex Thomas c. Tanzanie (Fond), op. cit, § 73 ; Voir également Zongo et autres c. Burkina Faso, op.cit. § 121. Kenedy Ivan c. Tanzanie (fond et réparations) § 51 ; Oscar Josiah c. Tanzanie (fond), § 24 ; arrêt du 28/03/2019 (fond). Lucien Ikili Rashidi c. République-Unie de Tanzanie (ci-après « Lucien Ikili Rashidi c. Tanzanie (fond et réparations) », § 54.

9 Voir Alex Thomas c. Tanzanie (Fond), § 74 ; Kenedy Ivan c. Tanzanie (Fond et Réparations), § 56.

10 Voir Requête no 024/2015. Arrêt du 07/12/2018 (Fond et Réparations), Werema Wangoko c. République-Unie de Tanzanie (ci-après dénommé « Werema Wangoko c. Tanzanie (Fond and Réparations) »), § 49 ; Requête no 001/2015. Arrêt du 07/12/2018 (Fond et Réparations), Armand Guéhi c. République-Unie de Tanzanie, § 56.

11 Requête n° 032/2015. Arrêt du 21/03/2018 (Fond), Kijiji Isiaga c. République-Unie de Tanzanie (ci-après « Kijiji Isiaga c. Tanzanie (Fond) »), § 65 ; Oscar Josiah c. Tanzania (Fond), § 52.

12 Mohamed Abubakari c. Tanzanie, op. cit. §§ 26 et 173. Voir également Kijiji Isiaga c. Tanzanie, § 66 ; Oscar Josiah c. Tanzanie (Fond), § 52.

13 Kijiji Isiaga c. Tanzanie (Fond), op. cit. § 68 ; Mohamed Abubakari c. Tanzanie (Fond) § 175 ; Kenedy Ivan c. Tanzanie (Fond et Réparations), § 64.Kenedy Ivan c. Tanzanie (Fond et Réparations), § 60.

14Kenedy Ivan c. Tanzanie (Fond et Réparations), § 60.


15 Mohamed Abubakari c. Tanzanie (Fond), § 174 ; Requête no 016/2016. Arrêt du 21/09/2018 (Fond et Réparations), Diocles Williams c. République-Unie de Tanzanie, § 72.

16 Mohamed Abubakari c. Tanzanie (Fond), § 191 ; Requête no 006/2015. Arrêt du 23/03/2018 (Fond), Nguza Viking and Johnson Nguza c. République-Unie de Tanzanie, § 104.

17 Affaire Melin c. France, Requête no 12914/87, 22/06/1993, CEDH, Series A, 261.

18 L’État défendeur est devenu partie au PIDCP le 11/06/1976.

19 Alex Thomas c. Tanzanie (Fond), § 114 ; voir aussi Kijiji Isiaga c. Tanzanie (Fond), § 72 ; Requête no 003/1015. Arrêt du 28/09/2018 (Fond), Kennedy Owino Onyachi et un autre c. République-Unie de Tanzanie, § 104.

20 Alex Thomas Ibid, § 123, voir aussi Mohamed Abubakari c. Tanzanie (Fond), §§ 138 et 139.

21 Le juge n’exerce pas de discrétion dans l’imposition de la peine.

22 Mohamed Abubakari c. Tanzanie (Fond), § 242 (ix) ; Requête no 003/2014. Arrêt du 07/12/2018 (Réparations), Ingabire Victoire Umuhoza c. République du Rwanda (ci-après dénommé « Ingabire Umuhoza c. Rwanda » (Réparations), § 19.

23 Requête no 007/2013. Arrêt du 04/07/2019 (Réparations), Mohamed Abubakari c. République-Unie de Tanzanie, § 21 ; Requête no 005/2013. Arrêt du 04/07/2019 (Réparations), Alex Thomas c. République-Unie de Tanzanie, § 12. Requête no 006/2013. Arrêt du 04/07/2019 (Réparations), Wilfred Onyango Nganyi et 9 autres c. République-Unie de Tanzanie, § 16.

24 Ingabire Umuhoza c. Rwanda (Réparations), § 20.

25 Requête no 011/2011. Arrêt du 13/06/2014 (Réparations), Révérend Christopher R. Mtikila c. République-Unie de Tanzanie (ci-après dénommé « Révérend Christopher R. Mtikila c. Tanzanie (Réparations) »), § 40 ; Requête no 004/2013. Arrêt du 03/06/2016 (Réparations), Lohé Issa Konaté c. Burkina Faso (ci-après dénommé « Lohé Issa Konaté c. Burkina Faso (Réparations) »), § 15.

26 Voir Révérend Christopher Mtikila c. Tanzanie (Réparations), § 27 et Requête no 010/2005. Arrêt du 11/05/2018 (Fond), Amiri Ramadhani c. République-Unie de Tanzanie, § 83 ; Kenedy Ivan c. Tanzanie, § 89. Lucien Ikili Rashidi c. Tanzania (Fond et réparations), § 116.

27 Voir Requête no 020/2016. Arrêt du 21/09/2018 (Fond et Réparations), Anaclet Paulo c. Tanzanie, § 107 ; Requête no 027/2015. Arrêt du 21/09/2018 (Fond et Réparations), Minani Evarist c. Tanzanie, § 85.

28 Alex Thomas c. Tanzanie (Fond), op. cit., § 157 ; Diocles William c. Tanzanie (Fond), § 101 ; Minani Evarist c. Tanzanie (Fond et Réparations), 82 ; Requête no 006/2016. Arrêt du 07/09/2018 (Fond), Mgosi Mwita c. République-Unie de Tanzanie, § 84 ; Kijiji Isiaga c. Tanzanie (Fond), § 96 ; Armand Guéhi c. Tanzanie (Fond et Réparations), § 164.

29 Minani Evarist c. Tanzanie (Fond et Réparations), § 82.

30 Ibid, § 84

▲ To the top