Penessis c République-Unie De Tanzanie (Requete N° 013/2015) [2019] AfCHPR 50 (28 novembre 2019)

Penessis c République-Unie De Tanzanie (Requete N° 013/2015) [2019] AfCHPR 50 (28 novembre 2019)



AFRICAN UNION



UNION AFRICAINE

UNIÃO AFRICANA



AFRICAN COURT ON HUMAN AND PEOPLES’ RIGHTS

COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES






AFFAIRE





ROBERT JOHN PENESSIS



C.



RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE



REQUÊTE N° 013/2015



ARRÊT





28 NOVEMBRE 2019



Sommaire





La Cour composée de : Sylvain ORÉ, Président ; Ben KIOKO, Vice-président ; Gérard NIYUNGEKO, El Hadji GUISSÉ, Rafaâ BEN ACHOUR, Ângelo V. Matusse, Tujilane R. CHIZUMILA, Chafika BENSAOULA Juges ; et Robert ENO, Greffier.



En l’affaire :



Robert John PENESSIS



Représenté par :

Me Peres Seneto PARPAI, Cabinet Star Attorneys, Tanzanie



contre



RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE



Représentée par :

Dr Clement MASHAMBA, Solicitor General ;

Mme Sarah D. MWAIPOPO, Directrice de la Division des affaires constitutionnelles et des droits de l’homme ;

Mme Nkasori SARAKIKYA, Directrice adjointe, Droits de l’homme, Principal State Attorney ;

M. Baraka LUVANDA, Ambassadeur, Chef de l’unité juridique - Ministère des Affaires étrangères, de l’Afrique de l’Est et de la Coopération internationale et régionale ;

M. Richard KILANGA, Senior State Attorney, Cabinet de l’Attorney General;

Mme Blandina KASAGAMA, Juriste, Ministère des Affaires étrangères, de l’Afrique de l’Est et de la Coopération internationale et régionale.







LES PARTIES



M. Robert John Penessis (ci-après dénommé « le Requérant »), a été condamné à deux (2) ans de prison pour entrée et « séjour illégal » en Tanzanie dans l’affaire pénale no 35/2010 devant la Cour du Juge résident de Kagera à Bukoba. Le Requérant qui affirme être de nationalité tanzanienne est emprisonné depuis le 10 janvier 2010.



La République-Unie de Tanzanie (ci-après dénommée « l’État défendeur »), est devenue partie à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après dénommée « la Charte ») le 21 octobre 1986 et au Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après dénommé « le Protocole »), le 10 février 2006. L’État défendeur a également déposé, le 29 mars 2010, la Déclaration prévue à l’article 34 (6) du Protocole, par laquelle il a accepté la compétence de la Cour pour recevoir des requêtes émanant des individus et des organisations non gouvernementales.





OBJET DE LA REQUÊTE



La Requête est en rapport avec la détention du Requérant, au motif qu’il n’est pas en possession des documents nécessaires pour séjourner légalement dans l’État défendeur. Le Requérant allègue que l’État défendeur a violé ses droits à la nationalité, à la liberté et à la libre circulation.







Faits de la cause



Il ressort de la Requête que le Requérant a été arrêté le 8 janvier 2010 par les services de l’Immigration tanzanienne. Par la suite, il a été poursuivi et condamné en première instance le 17 janvier 2011 au paiement d’une amende quatre-vingt mille (80 000) shillings tanzaniens ou à défaut, à deux (2) ans de prison ferme et dix (10) coups de fouet par le magistrat résident de Kagera, pour entrée illégale et séjour irrégulier sur le territoire de l’État défendeur.



Par la suite, il a interjeté appel de la condamnation devant la Haute Cour de Bukoba (ci-après dénommé « la Haute Cour »), qui a, le 6 juin 2011, confirmé la condamnation et la peine privative de liberté parce que le Requérant n’a pas payé l’amende de quatre-vingt mille (80 000) shillings tanzaniens et annulé la peine de châtiment corporel. La Cour l’a condamné aussi à six mois de prison pour outrage à magistrat et ordonné son expulsion du territoire de l’État défendeur dès la fin de sa peine de prison.



Le Requérant a alors formé un recours devant la Cour d’appel et celle-ci a confirmé la condamnation à deux (2) ans de prison le 4 juin 2012. Mais la Cour d’Appel a annulé la peine de six mois de prison pour outrage à magistrat, ainsi que l’ordre d’expulsion qui, de l’avis de la Cour d’appel, relève de la compétence du Ministre de l’Intérieur. Par la suite, le 4 décembre 2012, le Ministre de l’Intérieur a émis des ordres d’expulsion et de détention.



Le Requérant affirme qu’il est citoyen tanzanien de naissance, de père et de mère, qui sont également de nationalité tanzanienne et qu’il a toujours vécu en Tanzanie depuis sa naissance.



L’État Défendeur conteste cette version et affirme détenir la preuve que le Requérant n’a jamais été citoyen tanzanien et qu’il possède la nationalité de deux autres pays, à savoir l’Afrique du Sud et le Royaume Uni.



Violations alléguées



Le Requérant allègue que « son arrestation et sa détention sont illégales et en violation de la Constitution tanzanienne, de l’article 59(1) du Protocole [additionnel] 1 à la Convention de Genève et des articles 1 à 4 de la Convention de Genève de 1949 ».



Il allègue en outre la violation des articles 1 et 12(1) et (2) de la Charte et de son droit à la nationalité.





RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE



La Cour a été saisie de la Requête le 2 juin 2015 et celle-ci a été notifiée à l’État défendeur le 15 septembre 2015, l’invitant à faire connaître sa réponse dans un délai de soixante (60) jours. Le même jour, la Requête a été communiquée au Conseil exécutif de l’Union africaine et, par l’intermédiaire de la Présidente de la Commission de l’Union africaine, aux États parties au Protocole, conformément à l’article 35(3) du Règlement intérieur de la Cour (ci-après dénommé « le Règlement »).



La Cour relève que la Requête initiale a été introduite le 2 juin 2015 par Mme Georgia Penessis, la grand-mère du Requérant, au nom de son petit-fils. Toutefois, toutes les communications ultérieures reçues par la Cour émanaient du conseil du Requérant et du Requérant lui-même. Pour cette raison, et dans le but d’éviter la confusion, la Cour de céans a rendu une ordonnance le 17 janvier 2018, visant à modifier le titre de la Requête et éviter ainsi une confusion des noms. La nouvelle requête est donc devenue Requête no 013/2015 Robert John Penessis c. République-Unie de Tanzanie, au lieu de Requête nº 013/2015 - Georgia J. Penessis représentant Robert J. Penessis c. République-Unie de Tanzanie.



Les Parties ont déposé leurs conclusions dans les délais impartis et celles-ci ont été échangées entre les parties. Les 19 et 20 mars 2018, la Cour a tenu une audience publique à laquelle les Parties étaient représentées.



En application de la décision rendue par la Cour à sa quarante-neuvième session ordinaire, qui s’est tenue du 16 avril au 11 mai 2018 et dans laquelle elle avait décidé de statuer en même temps sur le fond et sur les réparations, les Parties ont été invitées à déposer leurs conclusions sur les réparations. Le Requérant a déposé ses observations sur les réparations le 1er août 2018 et copie a été communiquée à l’État défendeur le 6 août 2018. Celui-ci n’a pas fait connaître sa réponse.



Conformément à la décision rendue à sa cinquante-et-unième session ordinaire tenue en Tunisie du 12 novembre au 7 décembre 2018, la Cour a décidé de proposer aux Parties d’engager une procédure de règlement à l’amiable, qui est prévue à l’article 57 du Règlement.



Les Parties ont accepté l’initiative de la Cour en faveur d’un règlement à l’amiable. Le Requérant a soumis ses questions à examiner en vue d’un règlement à l’amiable et celles-ci ont été dûment transmises à l’État défendeur pour qu’il fasse connaitre ses observations.



Toutefois, malgré les multiples rappels, l’État défendeur n’a pas répondu aux questions formulées par le Requérant en vue d’un règlement à l’amiable. La Cour a donc décidé de poursuivre l’examen de la Requête sur le fond.

Au cours de la cinquante-quatrième session ordinaire de la Cour tenue à Arusha du 2 au 27 septembre 2019, la Cour avait décidé d’effectuer une visite au Requérant à la prison de Bukoba et à la plantation de café qu’il prétend appartenir à sa famille, pour obtenir plus d’informations sur des questions essentielles.



Le 1er Octobre 2019, le Greffe a envoyé une lettre dans ce sens aux parties pour leur proposer de prendre part à la visite de terrain et elles avaient 7 jours pour répondre. Le 7 Octobre l’Avocat du Requérant a répondu et exprimé sa disponibilité à participer à des dates fixées par la Cour. L’État Défendeur n’a pas répondu à cette proposition.



L’État défendeur n’ayant pas répondu, la Cour a annulé la visite envisagée et plutôt envoyé aux parties le 17 Octobre 2019 une liste de questions dont les réponses étaient attendues dans un délai de dix (10) jours pour faciliter le travail de la Cour. Les deux parties n’ont pas soumis leur réponse aux questions posées par la Cour.



Le 8 novembre 2019, la Cour a fait savoir aux parties par écrit que les procédures sont closes et que la Cour va rendre l’arrêt sur la base des documents à sa disposition.





MESURES DEMANDÉES PAR LES PARTIES



Le Requérant demande à la Cour de rendre les mesures suivantes :



« Dire qu’il est citoyen de l’État défendeur ;



Constater que pour avoir maintenu le Requérant en détention en violation des droits garantis par la Constitution, l’État défendeur a agi contrairement à l’article 12(1) et (2) de la Charte ;



Ordonner à l’État défendeur de libérer le Requérant, son maintien en détention étant contraire à la loi ».



Pour sa part, l’État défendeur demande à la Cour de dire ce qui suit :



« Que M. Robert John Penessis est également connu sous le nom de John Robert Penessis, Robert John Maitland, John Robert Maitland et également sous le nom de Robert John Rubenstein ;



Que M. Penessis n’est pas citoyen tanzanien ;



Que M. Penessis a deux nationalités celle de l’Afrique du Sud et celle du Royaume-Uni et d’Irlande du Nord ;



Que le Ministère public a prouvé sa thèse contre M. Penessis au-delà de tout doute raisonnable dans l’affaire pénale n° 35 de 2010 ;



Que la déclaration de culpabilité et la peine prononcée dans l’affaire pénale n° 35 de 2010 étaient conformes à la loi ;



Que toutes les procédures relatives aux poursuites engagées dans les affaires pénales n°35 de 2010, dans les appels en matière pénale n° 9 de 2011 et n° 179 de 2011 ont été menées conformément à la loi ;



Que le mandat de détention délivré contre M. Penessis est conforme à la loi ;



Que la mesure de reconduite à la frontière prise contre M. Penessis est conforme à la loi ;



Que le Gouvernement de la République-Unie de Tanzanie n’a pas violé le droit de M. Penessis à la liberté ;



Que le Gouvernement de la République-Unie de Tanzanie n’a pas violé le droit de M. Penessis à ce que sa cause soit entendue ;



Que le Gouvernement de la République-Unie de Tanzanie n’a pas violé le droit de M. Penessis à la défense ;



Que la Requête est rejetée ».





SUR LA COMPÉTENCE DE LA COUR



La Cour observe que l’article 3 du Protocole dispose comme suit :



« 1. La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant l’interprétation et l’application de la Charte, du présent Protocole, et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par les États concernés.

2. En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide ».



La Cour relève en outre qu’aux termes de l’article 39(1) du Règlement :

« La Cour procède à un examen préliminaire de sa compétence ».



Sur la base des dispositions susmentionnées et par conséquent, la Cour doit, dans toute requête, préalablement, procéder à une évaluation de sa compétence et statuer sur les exceptions éventuelles à sa compétence.



Exception d’incompétence matérielle



L’exception d’incompétence matérielle soulevée par l’État défendeur porte sur deux aspects essentiels, à savoir la forme et le contenu de la Requête et le pouvoir de la Cour de statuer sur les questions de preuve qui ont été tranchées par les juridictions.



Exception relative à la forme et au contenu de la Requête



L’État défendeur fait valoir que la Cour n’est pas compétente pour examiner la présente Requête, au motif que le document qui a été initialement soumis par le Requérant n’est pas une requête au sens du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.



La Cour estime que la question de la forme de la lettre et de son contenu relève plutôt de la recevabilité de la Requête et cette exception sera donc examinée plus loin dans la partie concernant la recevabilité.



Exception relative au pouvoir de la Cour d’apprécier les questions de preuve



Pour l’État défendeur, la Requête vise à étendre la compétence de la Cour de céans au-delà du mandat prévu à l’article 3 du Protocole et à l’article 26 de son Règlement et lui faire assumer la compétence dévolue à une juridiction suprême d’appel. En effet, selon l’État défendeur, il est demandé à la Cour de statuer sur des questions de preuve déjà tranchées par la Cour d’appel, qui est la plus haute juridiction du pays. L’État défendeur soutient donc que la Cour africaine n’a pas compétence pour se prononcer sur des questions de preuve déjà traitées au plus haut niveau de son système judiciaire.



Pour sa part, le Requérant affirme que la Cour de céans est compétente, dans la mesure où conformément à son Règlement, elle est dotée du pouvoir d’évaluer les éléments de preuve versés au dossier en rapport avec le statut du Requérant et sa citoyenneté.



* * *



La Cour rappelle, conformément à sa jurisprudence constante1, qu’elle n’est pas une instance d’appel des décisions rendues par les juridictions nationales. Toutefois, comme le relève sa jurisprudence, cela ne l’empêche pas d’examiner si la procédure devant les tribunaux nationaux était conforme aux normes internationales énoncées dans la Charte ou dans d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme applicables, auxquels l’État défendeur est partie2.



En l’espèce, la Cour relève que les griefs soulevés par le Requérant devant la Cour de céans portent sur la question de savoir si les procédures internes étaient conformes aux normes internationales relatives au droit à un procès équitable et garanti par la Charte et dans d’autres instruments internationaux ratifiés par l’État défendeur. Ces questions, conformément à l’article 3 du Protocole, relèvent de la compétence de la Cour de céans, indépendamment du fait qu’elles portent sur l’appréciation des preuves par les juridictions nationales.



La Cour rejette en conséquence l’exception soulevée par l’État défendeur selon laquelle elle agit en l’espèce en tant que juridiction suprême d’appel et elle conclut qu’elle a la compétence matérielle en l’espèce.



Sur les autres aspects de la compétence



La Cour fait observer que sa compétence personnelle, temporelle et territoriale n’est pas contestée par l’État défendeur. En outre, rien dans le dossier n’indique que la Cour n’est pas compétente en l’espèce. La Cour conclut en conséquence qu’elle a :



la compétence personnelle, étant donné que l’État défendeur est partie au Protocole et qu’il a déposé la déclaration prévue à l’article 34(6) dudit Protocole, permettant aux particuliers de la saisir directement, conformément à l’article 5(3) du Protocole ;



la compétence temporelle, dans la mesure où les violations alléguées se sont produites après la ratification du Protocole portant création de la Cour mais avant que l’État défendeur ne dépose la déclaration requise à l’article 34(6) ;



la compétence territoriale, étant donné que les faits de la cause se sont produits sur le territoire de l’État défendeur.



Au vu de ce qui précède, la Cour conclut qu’elle est compétente pour examiner l’affaire en l’espèce.

SUR LA RECEVABILITÉ



En vertu de l’article 6(2) du Protocole, « la Cour statue sur la recevabilité des requêtes en tenant compte des dispositions énoncées à l’article 56 de la Charte ».



Aux termes de l’article 39 de son Règlement, « la Cour procède à un examen préliminaire (…) des conditions de recevabilité de la requête telles que prévues par les articles 50 et 56 de la Charte et de l’article 40 du présent Règlement ».



L’article 40 du Règlement, qui reprend en substance l’article 56 de la Charte, énonce les conditions de recevabilité des requêtes comme suit :

« En conformité avec les dispositions de l’article 56 de la Charte auxquelles renvoie à l’article 6(2) du Protocole, pour être examinées ; les requêtes doivent remplir les conditions ci-après :



Indiquer l’identité de leur auteur même si celui-ci demande à la Cour de garder l’anonymat ;



Être compatible avec l’Acte constitutif de l’Union africaine et la Charte ;



Ne pas contenir de termes outrageants ou insultants ;



Ne pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles diffusées par les moyens de communication de masse ;



Être postérieures à l’épuisement des recours internes, s’ils existent, à moins qu’il ne soit manifeste que la procédure de ces recours se prolonge de façon anormale ;



Être introduites dans un délai raisonnable courant depuis l’épuisement des recours internes ou depuis la date retenue par la Cour comme faisant courir le délai de sa propre saisine ;



Ne pas concerner des cas qui ont été réglés conformément soit aux principes de la Charte des Nations Unies, soit de l’Acte constitutif de l’Union africaine et soit des dispositions de la Charte ou de tout instrument juridique de l’Union africaine ».



Conditions de recevabilité en discussion entre les Parties



L’État défendeur a soulevé deux exceptions d’irrecevabilité de la Requête relatives au non épuisement des recours internes et au délai de saisine de la Cour. Comme indiqué au paragraphe 27 ci-dessus, la Cour entend examiner également l’exception relative à la forme et au contenu de la Requête.



Exception relative à la forme et au contenu de la Requête



Selon l’État défendeur, la Requête est en réalité une lettre adressée à la Cour de céans par Georgia J. Penessis, demandant des directives sur la voie à suivre pour faire valoir ses griefs.



Toujours selon l’État défendeur, la présente Requête n’est pas valablement déposée devant la Cour, dans la mesure où « elle n’est pas conforme à l’article 34(1) et (4) du Règlement »3. Il ajoute que la Requête ne contient ni un résumé des faits de l’affaire ni les éléments de preuve que l’auteur a l’intention de produire. Elle ne précise pas non plus la violation alléguée, la preuve de l’épuisement des recours internes ou si ceux-ci se sont prolongés d’une façon anormale. En outre, la Requête ne mentionne pas les mesures ou les injonctions demandées tout simplement, de l’avis de l’État défendeur parce qu’il ne s’agit pas d’une requête en tant que telle.

L’État défendeur soutient en conséquence que la compétence de la Cour africaine ne peut pas être invoquée par lettre demandant la procédure à suivre, en particulier dans la mesure où cette lettre ne contient aucun engagement de poursuivre l’affaire devant la Cour de céans. Il fait valoir que la Requête doit donc être déclarée incomplète et rejetée en conséquence.



Le Requérant réfute en particulier l’affirmation selon laquelle sa grand-mère a écrit à la Cour une simple lettre qui n’est pas une requête à proprement parler. Il soutient plutôt que les griefs soulevés dans la lettre ont la force d’une requête, du fait qu’elle contient toutes les informations nécessaires.



Toujours selon le Requérant, il n’existe pas de détails techniques régissant la manière de saisir la Cour de céans. Il ajoute que toute forme de saisine reste valable, l’essentiel étant de porter à la connaissance de la Cour les faits et les arguments qui sous-tendent la requête.



* * *



La Cour fait observer qu’en ce qui concerne la forme et les modalités pour la saisir, elle s’est toujours montrée flexible. C’est ainsi, par exemple, que dans l’affaire Anudo Ochieng Anudo c. Tanzanie4, la Cour a décidé de recevoir une requête rédigée comme un simple courriel et transmise comme tel. La Cour tient toujours compte des conditions particulières de chaque Requérant et des circonstances du dépôt de la Requête.



La Cour relève également que les articles 34 et 40(1) de son Règlement énoncent des exigences supplémentaires concernant la forme et le contenu des requêtes. Ainsi, l’article 34 prescrit notamment que toute requête doit contenir le résumé des faits de l’affaire et les éléments de preuve que l’auteur a l’intention de produire ; que la requête doit fournir des informations précises sur la ou les parties demanderesse (s) ainsi que sur celle (s) contre laquelle ou lesquelles la requête est dirigée et indiquer la violation alléguée, la preuve de l’épuisement des recours internes ou de leur prolongation anormale, ainsi que les mesures attendues ou les injonctions sollicitées. Elle doit être signée par le ou les Requérants et leur(s) représentant(s). L’article 40(1) précise en outre que la requête doit indiquer l’identité de son auteur.



En l’espèce, la Cour relève que la Requête contient l’identité de son auteur, que les faits sont bien indiqués et que les questions soulevées sont assez précises. En outre, la Requête était signée et dans sa réponse, le Requérant a clairement indiqué les droits dont la violation est alléguée. Il a également fait valoir qu’il avait épuisé tous les recours internes et joint les copies des jugements rendus par les juridictions internes.



La Cour estime en conséquence que la présente Requête répond aux exigences essentielles de forme et qu’elle fournit suffisamment de détails pour que l’État défendeur puisse comprendre la substance des griefs du Requérant et que la Cour soit en mesure d’examiner l’affaire.



La Cour rejette donc l’exception de l’État défendeur relative à la forme et au contenu de la Requête.



Exception relative au non épuisement des recours internes



L’État défendeur soutient que, compte tenu du fait que des voies de droit permettant de régler les griefs soulevés dans la Requête existent mais que le Requérant ne les a pas exploitées, la condition de recevabilité relative à l’épuisement des recours internes prévue à l’article 40(5) n’a pas été remplie.



Selon l’État défendeur, le Requérant n’a pas fourni d’explication sur le non-épuisement des recours internes pour des raisons indépendantes de sa volonté ou si ces recours internes étaient simplement inefficaces, insuffisants ou inaccessibles.



L’État défendeur affirme encore qu’entre 2013 et 2014, le Requérant avait déposé devant la Haute Cour de Bukoba trois requêtes en matière pénale pour obtenir une ordonnance en habeas corpus contre le Ministre de l’Intérieur contestant sa détention. Il avait également déposé une requête similaire devant la Haute Cour de Dar es-Salaam. Deux des trois premières requêtes ont été rejetées le 30 avril 2015. La troisième requête a été rejetée par la Haute Cour de Bukoba, au motif que la détention du Requérant était conforme à la loi, du fait qu’il était en attente d’expulsion. Le Requérant a lui-même retiré la requête qu’il avait déposée devant la Haute Cour de Dar es-Salaam, arguant du fait que la même requête était déjà déposée devant la Haute Cour de Bukoba. Pour l’État défendeur, le Requérant aurait pu introduire un recours devant la Cour d’appel lorsque la dernière requête avait été rejetée, mais il ne l’a pas fait.



Toujours selon l’État défendeur, si le Requérant se sentait lésé par l’ordonnance de détention, il était et reste en droit d’introduire un recours en révision pour faire annuler l’ordonnance pour vice de procédure, en invoquant la Loi portant réforme judiciaire, qui prévoit des recours pour les personnes qui se sentent lésées par les décisions administratives des organes ou des autorités qui relèvent de l’État.



***



Pour sa part, le Requérant réfute cette allégation et affirme qu’il avait consenti des efforts considérables pour épuiser tous les recours disponibles. À cet égard, il se réfère à l’affaire Sir Dawda Jawara c. Gambie, dans laquelle la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après dénommée « la Commission ») avait estimé que tous les recours internes à épuiser devaient être disponibles, efficaces, adéquats et suffisants.



Le Requérant fait encore valoir qu’il est établi en droit international des droits de l’homme, qu’un recours interne est considéré comme disponible s’il peut être exercé sans obstacle ; qu’il est efficace s’il offre des perspectives de réussite et suffisant s’il est capable de remédier aux griefs soulevés. Il affirme aussi « qu’aucun appel n’a jamais prospéré en faveur du Requérant en République-Unie de Tanzanie ».



Le Requérant soutient en conséquence que les recours internes n’étaient pas disponibles dans l’État défendeur et qu’ils étaient inefficaces et inadéquats. Sur cette base, il soutient qu’il n’avait plus d’autre choix que de saisir la Cour de céans de la Requête et il demande donc à la Cour de déclarer celle-ci recevable.

* * *



La Cour fait observer que la condition de l’épuisement des recours internes doit être remplie avant qu’une requête soit déposée devant elle. Toutefois, comme la Cour l’a indiqué dans l’affaire Wilfred Onyango Ngayi et autres, les recours qui doivent être épuisés au sens de l’article 56(5) de la Charte sont uniquement ceux prévus par la loi et qui sont également pertinents dans le cas du Requérant5. Selon cette interprétation, il n’est pas nécessaire d’épuiser tous les recours existants. De plus, les recours qui doivent être épuisés doivent être des recours judiciaires ordinaires6.



En l’espèce, la Cour relève également que le Requérant a été arrêté le 8 janvier 2010 et poursuivi sous deux chefs d’accusation, à savoir d’une part pour entrée illégale et d’autre part pour séjour irrégulier en Tanzanie. Le 17 janvier 2011, il a été déclaré coupable par le Tribunal de première instance de Bukoba (Resident Magistrate Court) sous les deux chefs d’accusation et condamné à une amende de quatre-vingt mille (80 000) shillings tanzaniens ou à défaut, à deux ans d’emprisonnement. Le Tribunal de première instance de Kagera à Bukoba a également prononcé une peine de dix coups de fouet.



Dans un arrêt rendu le 6 juin 2011, la Haute Cour de Bukoba a confirmé la condamnation du Requérant à deux (2) ans de prison tout en annulant la peine de châtiment corporel La Cour a également ordonné son expulsion du territoire de l’État défendeur. Non satisfait de l’arrêt de la Haute Cour, le Requérant a interjeté appel devant la Cour d’appel de Tanzanie, qui a confirmé la condamnation le 4 juin 2012. La Cour d’appel a cependant estimé qu’elle n’était pas l’organe approprié pour prononcer une mesure d’expulsion, celle-ci étant du ressort du Ministre compétent, à savoir le Ministre de l’Intérieur.



La Cour relève l’argument de l’État défendeur selon lequel le Requérant n’a pas épuisé tous les recours disponibles, car il aurait dû former un recours en révision devant la Cour d’appel en vue de l’annulation de l’ordonnance de mise en détention. La Cour fait observer à cet égard que la procédure interne relative à la résidence et à l’expulsion du Requérant et celle relative à sa détention sont tellement imbriquées qu’elles ne peuvent être dissociées en ce qui concerne l’épuisement des recours internes. La raison en est que la détention était en l’exécution d’une ordonnance rendue à la suite d’une procédure judiciaire relative à la résidence et à expulsion du Requérant. Les droits en cause font donc partie d’un ensemble de droits et de garanties dont les tribunaux nationaux étaient nécessairement conscients.



La Cour fait aussi observer que la Cour d’appel, qui est la plus haute juridiction du pays, avait indiqué dans son arrêt du 4 juin 2012, que les juridictions ordinaires n’étaient pas compétentes pour les questions concernant l’expulsion. Il serait donc inutile de demander au Requérant de faire appel de l’ordonnance de mise en détention signée par le Ministre en vue de l’expulsion du Requérant.



Compte tenu de ce qui précède, la Cour considère que les recours internes ont été épuisés et en conséquence, l’exception de l’État défendeur à cet égard est rejetée.



Exception relative au fait que la Requête n’a pas été déposée dans un délai raisonnable



L’État défendeur soutient que la Requête n’a pas été déposée dans un délai raisonnable, en violation de l’article 40(6) du Règlement et fait valoir que le Requérant n’a saisi la Cour de céans que trois (3) ans après l’arrêt de la Cour d’appel dans l’appel pénal n° 179/2011.



Selon l’État défendeur, même si la Charte et le Règlement ne précisent pas ce qui est considéré comme un délai raisonnable, la jurisprudence internationale en matière de droits de l’homme a interprété le « délai raisonnable » comme étant six mois à compter de la date de la décision finale contestée. C’est aussi la position adoptée par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples dans l’affaire Michael Majuru c. Zimbabwe7.



Pour sa part, le Requérant plaide que le délai raisonnable doit être évalué en fonction des circonstances de chaque cas. Il plaide qu’en l’espèce il est toujours incarcéré à la prison centrale de Bukoba et que les circonstances de l’affaire Michael Majuru c. Zimbabwe invoquée par l’État défendeur sont différentes de l’affaire en l’espèce.



Toujours selon le Requérant, la Charte ne contient aucune définition exacte de ce qui est considéré comme délai raisonnable et en l’absence d’une telle précision, la Commission et la Cour africaine ont toutes deux fait preuve de flexibilité, en traitant chaque affaire en fonction de son contexte, des arguments avancés, et des circonstances particulières et de la notion de délai raisonnable. C’est sur cette base que le Requérant demande à la Cour de s’inspirer de ces observations et de conclure que la présente Requête a été déposée dans un délai raisonnable.



***



Dans ses arrêts antérieurs, la Cour a établi que le caractère raisonnable du délai de sa saisine dépend des circonstances propres à chaque affaire et que ce délai doit donc être déterminé au cas par cas8.



En l’espèce, la Cour relève que la Cour d’appel qui est la plus haute juridiction du pays a rendu son arrêt le 4 juin 2012 et que le Requérant a saisi la Cour de céans le 2 juin 2015. Entre la date de l’arrêt de la Cour d’appel et la date de la saisine de la Cour de céans, il s’est écoulé un délai de deux (2) ans, huit (8) mois et vingt-huit (28) jours. La Cour relève cependant qu’entre 2013 et 2015, le Requérant a introduit quatre (4) recours en habeas corpus devant la Haute Cour de Bukoba et devant celle de Dar es-Salaam, contestant la légalité de sa détention. La Cour est donc d’avis que le Requérant ne saurait être pénalisé pour avoir tenté d’exercer ces recours. Compte tenu de tous ces éléments, la Cour considère que le délai de deux (2) ans, huit (8) mois et vingt-huit (28) jours, dans lequel la Requête a été déposée après épuisement des recours internes a été justifié et est raisonnable, au regard de l’article 40(6) du Règlement.



La Cour rejette en conséquence l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’État défendeur, selon laquelle la présente Requête n’a pas été déposée dans un délai raisonnable.



Conditions de recevabilité non contestées par les Parties



La Cour constate que la conformité avec les alinéas 1, 2, 3, 4 et 7 de l’article 40 du Règlement n’est pas contestée et que rien dans le dossier n’indique que les exigences dudit article n’ont pas été respectées.



Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut que les conditions de recevabilité ont été remplies et que la présente Requête est donc recevable.





SUR LE FOND



La Cour relève que la présente Requête soulève deux questions principales à savoir celle de savoir si le droit du Requérant à la nationalité tanzanienne a été violé ou non et ensuite, si son arrestation et sa détention sont conformes à la Charte.



Violation alléguée du droit du Requérant à la nationalité tanzanienne



Le Requérant soutient que selon la loi tanzanienne de 1995 régissant la nationalité, une personne peut acquérir la nationalité tanzanienne, soit par naissance, soit par naturalisation. Est citoyen tanzanien de naissance toute personne qui est née sur le continent ou à Zanzibar avant la création de l’Union (Section 4) ; toute personne qui est née en République-Unie de Tanzanie le jour de l’Union ou après (Section 5).



Le Requérant affirme qu’il est citoyen tanzanien de naissance et il précise qu’il est en possession d’un acte de naissance tanzanien valable, attestant qu’il est né en Tanzanie en 1968.



Toujours selon le Requérant, il n’a jamais renoncé à sa nationalité et il n’en a pas été privé par les autorités tanzaniennes, conformément aux paragraphes 13(1) et 14 de la loi de 2012 sur la nationalité tanzanienne (chap. 357).



Le Requérant affirme encore qu’il est né à Buguma Estate, dans le district de Muleba, en République-Unie de Tanzanie et que ses deux parents sont tanzaniens. Il ajoute qu’en sa qualité de citoyen, il avait engagé le processus d’obtention d’un passeport. En attendant que ledit passeport soit disponible, les autorités compétentes de l’État défendeur lui ont délivré un document de voyage temporaire qu’il affirme avoir toujours en sa possession. Il ajoute qu’en tant que citoyen, il a droit à un passeport tanzanien, conformément à la loi.



Le Requérant affirme également que selon l’article 3, alinéa 1 de la Loi tanzanienne sur la nationalité9 les personnes nées sur le territoire tanzanien après la date de l’Union, de parents tanzaniens sont des tanzaniens de naissance. Le Requérant dit qu’il est en possession d’un acte de naissance qui prouve qu’il est né en République-Unie de Tanzanie en 1968, donc après la formation de l’Union, ce qui fait de lui un tanzanien de naissance. Il soutient n’avoir jamais obtenu la nationalité d’un autre pays étranger, ce qui l’aurait amené à perdre sa nationalité tanzanienne, sachant que la Tanzanie ne reconnaît pas la double nationalité.



Pour sa part, l’État défendeur soutient que le Requérant n’est pas citoyen tanzanien et il se fonde sur le fait que lors du procès du Requérant dans l’affaire pénale no 35 de 2010, le Ministère public a présenté des copies certifiées conformes de passeports au nom du Requérant émis par le Royaume-Uni et par la République d’Afrique du Sud. Le passeport du Royaume-Uni portait clairement le nom de Robert John Rubenstein, indiquant qu’il était citoyen britannique et que son lieu de naissance était Johannesburg, en Afrique du Sud, où il est né le 25 septembre 1968. Une copie de son passeport sud-africain, délivré par le Ministère de l’Intérieur de l’Afrique du Sud atteste que le Requérant avait la nationalité sud-africaine et que son lieu de naissance était Johannesburg en 1968.



L’État défendeur soutient également que des copies de ces documents avaient été présentées par le Requérant lors d’une demande de permis de résidence tanzanien, ce qui soulève la question de savoir pourquoi un Tanzanien aurait besoin d’un permis de résidence pour résider dans son propre pays.

L’État défendeur affirme encore que le Requérant n’a pas prouvé le critère initial permettant d’établir sa nationalité tanzanienne ou la citoyenneté tanzanienne de naissance car les copies de passeport présentées comme preuve durant la procédure interne prouvent clairement la nationalité et le lieu de naissance du Requérant comme étant l’Afrique du Sud.



Toujours selon l’État défendeur, le Requérant n’a pas pu s’acquitter de la charge de la preuve concernant sa nationalité tanzanienne. Au lieu de fournir une preuve sans équivoque de sa nationalité tanzanienne, le Requérant a fourni des informations incohérentes et contradictoires sur sa naissance et sa nationalité. À plusieurs occasions durant les procédures au niveau national, il n’a pas pu présenter de copies certifiées conformes ou l’original de son passeport tanzanien, qu’il affirme détenir, mais il a plutôt fourni la copie d’un document de voyage temporaire d’urgence.



Enfin, l’État défendeur ajoute que, s’agissant des questions de nationalité, la loi tanzanienne n’autorise pas la double nationalité et, que dès lors qu’une personne détentrice de la double nationalité atteint l’âge de dix-huit (18) ans, elle doit choisir entre garder sa nationalité tanzanienne ou y renoncer pour en garder une autre. Cela signifie que, indépendamment du fait que le Requérant affirme avoir la nationalité tanzanienne, le simple fait d’être détenteur de passeports d’autres pays prouvant qu’il est citoyen de ces pays alors qu’il a dépassé l’âge de dix-huit (18) ans, réduit à néant toute prétention à la nationalité tanzanienne.



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La Cour fait observer que ni la Charte ni le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ne contiennent de dispositions expresses portant sur le droit à la nationalité. Toutefois, même si la Charte ne contient pas une telle disposition, l’article 5 de la Charte dispose que « Tout individu a droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique…».



Par ailleurs la Cour fait également observer que la Déclaration universelle des droits de l’homme, reconnue comme faisant partie du droit international coutumier, prévoit, en son article 15, que « 1. Toute personne a droit à une nationalité... ». et que « 2. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, … »10. La Cour rappelle que comme elle l’a réaffirmé dans l’affaire Anudo Ochieng Anudo c. République-Unie de Tanzanie, le droit à la nationalité prévu par la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) peut s’appliquer comme norme contraignante dans la mesure où l’instrument a acquis le statut de norme du droit international coutumier11. Dans le même arrêt, la Cour a fait observer que, alors que la privation de la nationalité doit se faire de manière à éviter l’apatridie, le droit international reconnaît que « ... l’octroi de la nationalité relève de la souveraineté des États et, par conséquent, chaque État détermine les conditions d’attribution de la nationalité »12.



La Cour relève en outre que la disposition de la DUDH relative à la nationalité est précisée dans plusieurs instruments internationaux universels ou africains ultérieurs. Parmi ces instruments figurent les Conventions des Nations Unies de 1954 et 1961 sur la prévention et l’apatridie, respectivement, qui font obligation aux États de décider de l’octroi de la nationalité en tenant toujours compte de la nécessité impérieuse d’éviter l’apatridie13. Sous les auspices de l’Union africaine, la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant prévoit de façon expresse en son article 6(3) que « [t]out enfant a le droit d’acquérir une nationalité14 ».



La Cour estime que le droit à la nationalité constitue un élément fondamental de la dignité de la personne humaine. La protection de cette dignité est reconnue comme principe essentiel en droit international. En effet, outre le fait que ce principe est consacré dans des instruments fondamentaux comme la Charte, le Pacte international des droits civils et politiques et dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, le respect de la dignité humaine est inscrit dans toutes les constitutions des États modernes du monde15. La protection de la dignité humaine est donc considérée comme un droit fondamental de l’homme.



La Cour fait encore observer que la privation arbitraire du droit à la nationalité est incompatible avec le droit à la dignité humaine. C’est au nom de cette dignité que les instruments internationaux réaffirment que « tout individu a droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique16 » et que le droit international exige des États qu’ils prennent toutes les mesures nécessaires pour éviter des situations d’apatridie17.



La Cour considère que l’expression « personnalité juridique » inscrit à l’article 5 de la Charte comprend le droit à la nationalité. Cette interprétation est réaffirmée par la Commission africaine, dans l’affaire Open Society Justice Initiative c. Côte d’Ivoire, dans laquelle la Commission, fondant sa décision sur l’article 5 de la Charte a conclu ce qui suit : « Le droit spécifique protégé à l’article 5 de la Charte est par conséquent le répondant d’une obligation incombant à tout État partie à la Charte de reconnaître à un individu, personne humaine, la capacité de jouir de droits et d’exercer des obligations … la nationalité est une composante intrinsèque de ce droit puisqu’elle en est la manifestation juridique et sociopolitique tout comme le sont, par exemple, les statuts de réfugié ou de résident accordés par un État à un individu aux fins de la jouissance de droits et de l’exercice d’obligations18 ».



En l’espèce, la Cour relève que les Parties sont en désaccord sur la question de savoir si le Requérant est Tanzanien de naissance. Celui-ci maintient qu’il est de nationalité tanzanienne, ce que conteste l’État défendeur. Dans ces conditions, il est important de déterminer à qui incombe la charge de la preuve.



Dans sa jurisprudence sur la charge de la preuve, la Cour a adopté le principe général de actori incumbit probatio selon lequel, il revient à la personne qui formule une allégation d’en rapporter la preuve. Ce principe a été appliqué dans l’affaire Kennedy Owino Onyachi c. République-Unie de Tanzanie dans laquelle la Cour a conclu que « C’est une règle fondamentale de droit que toute personne qui allègue un fait doit en apporter la preuve »19.



En conséquence, la charge de la preuve incombe à la partie qui allègue et ne peut être déplacé sur la partie adverse que lorsque la première en est dispensée. Ainsi, la Cour estime que le principe n’est pas figé et peut faire l’objet d’exception en particulier, dans les cas où la partie qui allègue n’est pas à mesure d’accéder ou de produire les éléments de preuve requis ; ou lorsque la preuve est manifestement sous la garde de la partie adverse ou celle-ci a les moyens et les prérogatives d’assumer la charge de la preuve ou de réfuter les arguments de la partie qui allègue. Dans ces circonstances, il peut être demandé à l’État défendeur de réfuter une allégation prima facie.



En effet, la Cour a toutefois reconnu des exceptions à la règle en concluant par exemple, dans l’affaire susmentionnée Kennedy Owino Onyachi c. Tanzanie : « En matière de droits de l’homme, cette règle ne peut être appliquée de manière rigide » et une exception doit exister entre autres circonstances, où « … les moyens de vérifier l’allégation sont susceptibles d’être contrôlés par l’État »20. Dans de tels cas, « la charge de la preuve est partagée et la Cour évaluera les circonstances de manière à établir les faits ». Dans le contexte de la nationalité, la Cour a soutenu dans l’affaire Anudo Ochieng Anudo c. Tanzanie : « … le requérant affirme qu’il est de nationalité tanzanienne » et « … l’État Défendeur contestant la nationalité du demandeur… il incombe à l’État Défendeur de prouver le contraire »21.



Pour ce qui est de l’exception au principe mentionné ci-dessus relatif à la charge de la preuve, il convient aussi de faire référence à l’affaire IHRDA (Communauté nubienne c. Kenya22) dans laquelle la Commission a estimé qu’il appartient à l’État défendeur d’apporter la preuve que les Requérants n’étaient pas kényans, contrairement à ce qu’ils affirmaient. Du fait des restrictions imposées par le gouvernement, la Commission a fait observer qu’il était pratiquement impossible pour les Requérants de fournir des preuves de leur nationalité23. Cette position sera aussi confirmée dans l’affaire Amnesty international c. Zambie24.



Dans l’affaire Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala)25, la Cour internationale de Justice (CIJ), a également estimé que pour déterminer un lien de nationalité, il y a lieu de prendre en compte des facteurs sociaux très importants qui lient le Requérant à l’État défendeur. La nationalité doit être « un lien effectif et solide » tels que la résidence habituelle du Requérant, ses liens de famille, sa participation à la vie publique, etc.



La Cour relève qu’au vu de ce qui précède, il incombe au Requérant qui affirme détenir une certaine nationalité d’en apporter la preuve. Une fois qu’il s’est acquitté de son obligation prima facie, il revient donc à l’État défendeur de prouver le contraire. C’est sur la base de ces critères que la Cour tranchera la question de la preuve de la nationalité en l’espèce, notamment en appréciant les éléments présentés par les deux Parties.



La Cour fait observer que le Requérant a toujours soutenu qu’il est Tanzanien de naissance, tout comme ses parents. Au moment de son arrestation il a fourni un certificat attestant de sa naissance sur le territoire de l’État défendeur et un document de voyage provisoire délivré en attendant la finalisation de son passeport. La Cour relève que ces deux documents ont été fournis par les autorités de l’État défendeur et, même si ce dernier les qualifie de faux, il n’en a pas apporté la preuve contraire.



La Cour fait observer également que selon la loi de 1995 sur la nationalité, au moment de la naissance du Requérant en 196826, la nationalité pouvait être acquise à la naissance si la personne était née en République-Unie de Tanzanie après le jour de l’Union, à condition que l’un de ses parents soit tanzanien27.



En l’espèce, l’État défendeur conteste la nationalité du Requérant en remettant en cause son lieu de naissance. Cependant, un témoin du non de Anastasia Penessis qui affirme être la mère du Requérant a comparu devant la Cour et dit à la barre que son fils, le Requérant, était né à Buguma Estate (Tanzanie) en 1968 où la famille possède une propriété. La Cour relève que le même nom d’Anastasia Penessis figure sur la copie certifiée conforme du certificat de naissance et qui indique que celle-ci est la mère du Requérant et qu’elle est de nationalité tanzanienne. Cet élément s’ajoute au fait que le même certificat de naissance indique qu’il était né en Tanzanie. La Cour estime qu’il y a une présomption que le Requérant est tanzanien de naissance et il incombe à l’État défendeur de réfuter cette présomption. En conséquence, la charge de la preuve revient désormais à l’État défendeur, qui doit prouver que le Requérant n’est pas citoyen tanzanien, malgré tous les éléments de preuve produits.



À cet égard, la Cour prend note de l’argument de l’État défendeur selon lequel ledit certificat de naissance est un faux et que le Requérant possède des passeports du Royaume-Uni et d’Afrique du Sud, attestant du fait qu’il est citoyen de ces pays. L’État défendeur a produit des copies de ces passeports, mais la Cour relève que ces documents portent des noms différents et que l’État défendeur n’a pas fourni la preuve irréfutable que ces passeports appartiennent bien au Requérant. La Cour relève également que le Requérant a refusé de reconnaître ces passeports.



La Cour note également l’argument de l’État Défendeur que le Requérant a soumis une demande de permis de résidence et aurait pour cela, utilisé un passeport britannique. Au cours de l’audience publique tenue les 19 et 20 mars 2019, la Cour a demandé au Requérant s’il avait effectivement fait une demande de de permis de résidence. L’avocat du Requérant a déclaré que son client n’avait jamais entrepris une telle démarche parce qu’il est tanzanien et par conséquent n’en a pas besoin. La Cour a aussi demandé à l’État Défendeur de fournir une copie de cette demande de permis de résidence, mais ce dernier n’a pas été en mesure de le faire, soutenant que ladite demande se trouvait avec le Requérant.



Ainsi donc, la Cour fait encore observer que tous les documents présentés en preuve par les Parties sont des copies ou des copies certifiées, aucun document original n’ayant été fourni. Dans une telle situation, la Cour estime que l’État défendeur, en tant que dépositaire et garant du pouvoir public et gardien des dossiers d’état civil, dispose des moyens nécessaires pour déterminer avec exactitude si le Requérant est un citoyen tanzanien, sud-africain ou britannique. L’État défendeur aurait pu obtenir et présenter des preuves tangibles à l’appui de l’affirmation selon laquelle le Requérant possède d’autres nationalités.



Compte tenu de ce qui précède, la Cour considère qu’il existe un certain nombre de documents notamment la copie certifiée conforme du certificat de naissance et la copie certifiée conforme du document temporaire de voyage délivré par les autorités compétentes en attendant la finalisation du passeport, établissant une présomption que le Requérant est tanzanien de naissance et que l’État Défendeur n’a pas été en mesure de prouver le contraire. Par conséquent, la Cour conclut que le droit du Requérant a la nationalité a été viole ce qui est contraire à l’article 5 de la Charte et à l’article 15 de la DUDH.



Violation alléguée du droit du Requérant à la liberté



Le Requérant soutient qu’en sa qualité de citoyen de l’État défendeur, il a le droit de jouir de son droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Il allègue cependant qu’il a été arrêté et détenu en violation de la loi et qu’il demeure prisonnier, même après avoir purgé la peine de deux ans prononcée à la suite de sa condamnation par les instances de l’État défendeur pour entrée illégale et séjour irrégulier sur le territoire tanzanien.



Pour sa part, l’État défendeur soutient que la détention du Requérant est conforme à la loi, du fait qu’il ne possède aucun document lui permettant de séjourner en Tanzanie et qu’à cet égard, il a été poursuivi et condamné, conformément à la loi.



L’État défendeur fait encore valoir que le Requérant reste en détention du fait qu’il refuse de coopérer avec les autorités en vue de la mise en exécution de son ordre d’expulsion. À cet égard, l’État défendeur fait observer que les autorités sud-africaines sont prêtes à accueillir leur ressortissant, mais qu’elles ne sont pas en mesure de le faire, étant donné qu’il y a des procédures qui doivent être respectées et que celles-ci ne peuvent être appliquées qu’avec la coopération du Requérant.



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La Cour relève que l’article 6 de la Charte garantit le droit à la liberté, comme suit : « Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour des motifs et dans des conditions préalablement déterminées par la loi ; en particulier nul ne peut être arrêté ou détenu arbitrairement ».



La Cour fait observer que le droit à la liberté et à la sécurité de sa personne interdit strictement toute privation de liberté ou détention arbitraires. Une telle privation de liberté devient arbitraire si elle n’est pas faite conformément à la loi ou s’il n’existe pas de motifs clairs et raisonnables ni de garanties procédurales contre l’arbitraire28.



En l’espèce, la Cour relève qu’il ressort du dossier qu’initialement, le Requérant avait été détenu conformément à la loi pénale, pour entrée illégale et séjour irrégulier allégués, sur le territoire de l’État défendeur. La Cour relève également que la condamnation du Requérant était fondée sur l’hypothèse qu’il n’était pas citoyen tanzanien. Toutefois, la Cour tient à rappeler sa conclusion antérieure, que l’État défendeur n’a pas pu démontrer que le Requérant n’avait pas la nationalité tanzanienne, ni avant ni après son arrestation et sa condamnation. De l’avis de la Cour, cela a pour conséquence que le motif même de son arrestation, de sa condamnation et de sa détention est arbitraire.



La Cour relève qu’à ce jour, le Requérant se trouve en prison nonobstant qu’il ait purgé sa peine de deux ans d’emprisonnement depuis 2012. À cet égard, la Cour estime que son refus allégué de coopérer en vue de son expulsion ne constitue pas une justification raisonnable de son maintien indéfini en prison.



Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut que l’État défendeur a violé le droit du Requérant à la liberté, droit inscrit à l’article 6 de la Charte.



Violation alléguée du droit à la liberté de mouvement et de circulation



Le Requérant fait valoir que le droit à la liberté de mouvement et de circulation est un droit fondamental inscrit dans les instruments internationaux des droits de l’homme comme la DUDH, le PIDCP et dans d’autres instruments des droits de l’homme comme la Charte. Il soutient que ce droit comprend non seulement la liberté de circulation à l’intérieur du pays mais également la protection contre toute expulsion ou déplacement forcé.



Le Requérant poursuit que toute personne a le droit, conformément à l’article 12(1) et (2) de la Charte, de circuler librement à l’intérieur d’un État et de quitter tout pays, y compris le sien, et d’y revenir, ce droit ne pouvant faire l’objet de restrictions que si celles-ci sont prévues par la loi et nécessaires pour protéger la sécurité nationale. Il maintient qu’il n’a ni menacé ni perturbé l’ordre public de l’État défendeur, ni violé l’article 12 de la Charte.



Il invoque à cet égard l’affaire Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme c. Zambie, dans laquelle la Commission africaine a souligné que l’article 12 de la Charte impose à l’État contractant l’obligation de garantir les droits protégés par la Charte à toutes les parties relevant de ses juridictions nationales et non nationales.



Le Requérant soutient qu’en tant que citoyen tanzanien de naissance, il a droit à la liberté de mouvement, y compris le droit de quitter son pays et d’y revenir et que la loi protège aussi bien les nationaux que les non nationaux, comme cela ressort des décisions de la Commission dans l’affaire mentionnée plus haut. Le Requérant soutient également que sa qualité de citoyen de l’État défendeur lui confère le droit de jouir pleinement de ces droits et qu’il n’aurait pas dû être arrêté ni détenu en violation de la loi. De plus, il affirme que sa déclaration de culpabilité et sa condamnation à deux ans d’emprisonnement, de 2010 à 2012 et qui se prolonge jusqu’à ce jour sont non seulement contraires à la loi, mais aussi en violation de son droit à la liberté de mouvement et de circulation.



Toujours selon le Requérant, l’État défendeur a la responsabilité première de respecter, protéger et promouvoir le droit à la liberté de circulation et pour ne l’avoir pas fait, il a violé le droit à la liberté de circulation du Requérant, pour l’avoir arrêté et détenu illégalement, alors qu’il rentrait dans le pays.

Pour sa part, l’État défendeur avance l’argument que le Requérant avait déposé une demande de résidence auprès du Bureau régional de l’immigration de Kagera en présentant un passeport britannique. Au cours du traitement de cette demande, les agents de l’immigration avaient découvert qu’il avait aussi en sa possession un passeport sud-africain et qu’il n’était porteur d’aucun titre légal justifiant sa présence sur le territoire de l’État défendeur.



Selon l’État défendeur, la suite des enquêtes a conduit à l’arrestation et à la détention du Requérant qui a été condamné par la Cour pour entrée illégale et présence irrégulière sur le territoire. Sa détention n’est survenue qu’après son arrestation, son inculpation et sa condamnation conformément aux lois régissant la procédure pénale dans l’État défendeur.



Selon l’État défendeur, tout comme devant les agents de l’Immigration, le Requérant n’a présenté devant la Cour aucun document établissant qu’il est légalement entré dans le pays. N’étant porteur d’aucune catégorie de permis de résidence et du fait de ne pas être citoyen de l’État défendeur, son séjour en Tanzanie était illégal.



En conséquence, l’État défendeur soutient qu’il n’a pas violé le droit du Requérant à la libre circulation.

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La Cour relève que l’article 12 de la Charte consacre le droit à la liberté de circulation comme suit :



« Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence ...

« Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de retourner dans son pays ... ».

De même, l’article 12(1) du PIDCP dispose que « Quiconque se trouve légalement sur le territoire d’un État a le droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence ».



La Cour relève donc que le droit à la liberté de mouvement et de circulation, tel qu’il est inscrit à l’article 12 de la Charte est garanti à « toute personne » légalement présente sur le territoire de l’État, quel que soit son statut national, c’est-à-dire qu’il/elle soit citoyen(ne) de ce pays ou non. En vertu de l’article 12 de la Charte et du PIDCP, ces droits « ne peuvent être l’objet de restrictions que si celles-ci sont prévues par la loi, nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques ».



La Cour tient à souligner que les citoyens d’un État, en vertu de leur nationalité, sont présumés « légalement sur le territoire ». Toutefois, en ce qui concerne les non-nationaux, « …la question de savoir si un étranger se trouve « légalement » sur le territoire d’un État est régie par la législation nationale, qui peut soumettre l’entrée d’un étranger sur le territoire national à des restrictions, pour autant qu’elles soient compatibles avec les obligations internationales de l’État »29.



La Cour fait encore observer qu’en l’espèce, elle a déjà conclu que le Requérant est présumé national de l’État défendeur. La Cour constate que le Requérant est considéré comme ayant été légalement présent sur le territoire de l’État défendeur et donc en droit de jouir de son droit à la liberté de mouvement et de circulation.





Toutefois, comme déjà indiqué plus haut, le Requérant a été déclaré coupable, détenu et condamné pour entrée illégale et il est maintenu en détention, alors qu’il a purgé la peine de deux ans prononcée en 2010. L’État défendeur n’a fourni aucun motif qui pourrait justifier les restrictions prévues à l’article 12(2) de la Charte pour des raisons de sécurité nationale, d’ordre public, de santé ou de moralité publiques et qui pourraient nécessiter les restrictions à la liberté de circulation du Requérant.



Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut que l’arrestation du Requérant et son maintien en détention constituent une violation de l’article 12 de la Charte.



Violation alléguée de l’article 1 de la Charte



Le Requérant soutient que l’État défendeur a violé l’article 1 de la Charte.



Il affirme également que l’article 1 confère à la Charte un caractère juridiquement contraignant et qu’en conséquence, une violation de tout droit inscrit dans la Charte constitue automatiquement une violation de cet article.



Toujours selon le Requérant, la Commission a conclu à la violation de l’article 1er même lorsque le plaignant n’avait pas personnellement invoqué la violation de cet article. À cet égard, le Requérant renvoie la Cour à l’affaire Kevin Mgwanga Gunme et autres c. Cameroun, dans laquelle la Commission a estimé que conformément à une jurisprudence bien établie, elle considère qu’une violation d’une disposition quelconque de la Charte constitue automatiquement une violation de l’article 1, car cela indique que l’État partie concerné n’a pas adopté les mesures adéquates pour donner effet aux dispositions de la Charte30.

L’État défendeur n’a pas fait d’observations à cet égard.



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La Cour rappelle ses décisions antérieures dans lesquelles elle a estimé que « lorsque la Cour constate que l’un quelconque des droits, des devoirs ou des libertés inscrites dans la Charte a été restreint, violé ou non appliqué, elle en déduit que l’obligation énoncée à l’article 1 de la Charte n’a pas été respectée ou qu’elle a été violée31 ».



En l’espèce, ayant conclu que le droit du Requérant à la liberté à la nationalité, à la sécurité de sa personne et son droit de ne pas être détenu illégalement ont été violés, la Cour estime que l’État défendeur a violé ses obligations au titre de l’article 1 de la Charte





SUR LES RÉPARATIONS



La Cour fait observer que l’article 27(1) du Protocole dispose que « Lorsqu’elle estime qu’il y a eu violation d’un droit de l’homme et des peuples, la Cour ordonne toutes les mesures appropriées afin de remédier à la situation, y compris le paiement d’une juste compensation ou l’octroi d’une réparation ».



À cet égard, l’article 63 du Règlement intérieur de la Cour est libellé comme suit : « La Cour statue sur la demande de réparation dans l’arrêt par lequel elle constate une violation d’un droit de l’homme ou des peuples, ou, si les circonstances l’exigent, dans un arrêt séparé ».



En l’espèce, la Cour a déjà conclu que les droits du Requérant inscrits aux articles 1, 5, 6 et 12 de la Charte et à l’article 15 de la Déclaration universelle des droits de l’homme ont été violés.



Réparations pécuniaires



Le Requérant allègue que sa détention arbitraire a causé la perte des activités socio-économiques qui lui permettaient de subvenir aux besoins de sa famille. À cette fin, il demande réparation parce que son projet de vie a été bouleversé et que ses sources de revenus ont non seulement été interrompues mais perdues de manière définitive.



Préjudice matériel



Le Requérant réclame un montant de deux cent quatre-vingt-trois mille trois cent trente-trois (283 333) dollars des États-Unis en réparation du préjudice subi.



Pour sa part, l’État défendeur a soumis sa réponse à la demande de réparation du Requérant le 17 janvier 2019 et, s’appuyant sur la jurisprudence de la Cour, en particulier en l’affaire Mitikila c. Tanzanie, il fait valoir que le Requérant doit fournir la preuve de son droit à réparation, de la forme et du montant estimé de celle-ci. Il a également fait valoir que le demandeur n’a présenté aucun élément de preuve permettant de justifier une telle réparation.



L’État défendeur invoque également le principe de la « charge de la preuve » qui veut que le Requérant doit démontrer « qu’il est plus probable qu’improbable » qu’il ait droit aux réparations demandées, ce qui, selon l’État défendeur, n’est pas le cas en l’espèce.



L’État défendeur souligne également le principe établi en droit international selon lequel il doit exister un lien entre la violation alléguée et le préjudice subi. Il doit être démontré que le dommage ne se serait jamais produit sans la violation alléguée. Pour l’État défendeur, le Requérant n’a pas fourni la preuve nécessaire d’un lien de causalité dans la mesure où l’État défendeur n’a effectivement commis aucun acte, aucune omission ni aucune négligence qui aurait entraîné une violation des droits du Requérant, ajoutant que celui-ci a plutôt été victime de sa propre attitude.



Compte tenu de ce qui précède, l’État défendeur déduit que le Requérant n’a fourni aucune preuve du préjudice pécuniaire ou moral qu’il aurait subi du fait de l’État défendeur. Il demande donc à la Cour de rejeter la demande et de n’accorder aucune réparation.



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La Cour rappelle que toute demande de réparation d’un préjudice matériel découlant d’une violation de droits doit être appuyée par des éléments probants établissant un lien de causalité entre les faits et le dommage subi32.



La Cour fait encore observer que le Requérant n’a pas fourni les preuves matérielles de ces pertes et n’explique pas comment il est arrivé au montant réclamé. La Cour ne fait donc pas droit à cette demande.







Préjudice moral



Préjudice subi par le Requérant



Le Requérant demande des réparations en tant que victime directe pour les faits suivants :

une longue période de détention après avoir purgé sa peine ;

une procédure d’appel moralement épuisante et qui n’a porté aucun fruit ;

une longue séparation de sa famille à cause de la prolongation de sa détention ;

le bouleversement de son projet de vie ;

l’interruption mais aussi la perte définitive de ses sources de revenus ;

la détérioration de son état de santé pendant sa détention ;

la perte de son statut social ;

les restrictions dans les contacts avec ses parents.



Toujours selon le Requérant, depuis son arrestation jusque au jour de la soumission de la demande de réparations le 8 août 2018, il est resté incarcéré pendant une période de cent deux (102) mois. Sur la base de la jurisprudence établie par la Cour de céans dans l’affaire Issa Konaté, il affirme qu’il a droit à un montant total de cent treize mille trois cent trente-trois (113 333) dollars des États-Unis, au titre de préjudice moral.



Pour sa part, l’État défendeur réitère son argument selon lequel un lien entre la violation alléguée et le préjudice subi doit être établi et la charge de la preuve incombe au Requérant à cet égard.



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La Cour fait observer qu’il est établi que le Requérant est effectivement emprisonné depuis 2010, ce que l’État défendeur ne conteste pas. À cet effet, la Cour rappelle sa conclusion précédente à savoir que cette détention était illégale et en violation du droit du Requérant à la liberté de mouvement. Il est évident qu’une longue détention comme celle-ci non seulement perturbe le cours normal de la vie d’une personne et compromet son statut social, mais elle lui cause aussi une profonde souffrance physique et morale.



Compte tenu de ce qui précède, la Cour fait droit à la demande de réparation du Requérant, conformément à l’article 27(1) du Protocole, pour le préjudice moral subi durant la période de détention. La Cour estime juste de lui accorder une compensation de dix millions (10 000 000) de shillings tanzaniens pour le préjudice moral subi à date et une somme de trois cent mille (300 000) shillings tanzaniens pour chaque mois de détention après notification du présent arrêt à l’État Défendeur, et ce jusqu’à sa libération.



Préjudice subi par la mère du Requérant



Le Requérant soutient également que sa mère, en tant que victime indirecte, a souffert du fait de l’absence de son fils, victime d’une détention illégale. Il affirme que « c’était lui qui gérait la plantation de café de la famille, BUGUMA COFFEE, qui a été illégalement saisie et exploitée à d’autres fins pendant son absence. Sa mère a souffert de détresse physique, mentale et morale pour avoir perdu son fils emprisonné illégalement. La souffrance morale de savoir qu’il serait impliqué dans une affaire criminelle est un cauchemar. La stigmatisation sociale pour être la mère d’un fils appelé criminel est moralement épuisante. Les incidences financières de son arrestation ont été lourdes. Elle a dépensé beaucoup d’argent pour que justice soit faite pour son fils, faisant le siège de différents ministères, notamment celui de l’Intérieur ».

Par conséquent, le Requérant demande à la Cour d’octroyer un montant de deux cent soixante-et-un mille cent onze (261 111) dollars des États-Unis à sa mère, Gerogia Penessis, en tant que victime indirecte.



Pour l’État défendeur, le Requérant n’a apporté aucune preuve d’une relation entre lui et une quelconque victime indirecte et il n’y a pas donc pas de preuve non plus que des victimes indirectes aient souffert, du fait de sa détention.

***



La Cour rappelle que les membres de la famille qui ont souffert physiquement ou psychologiquement du préjudice subi par une victime sont également considérés comme « victimes » et peuvent se prévaloir du droit à des réparations33.



En l’espèce, le Requérant soutient que sa mère a souffert de la longue détention de son fils, ce qui a eu comme conséquence directe la perte de la plantation de café de la famille qui était leur seule source de revenus. Elle a également souffert de détresse physique, mentale et morale suite à la détention de son fils.



La Cour relève que dans l’ordre naturel et normal des relations familiales, il est raisonnable de supposer qu’une mère souffrirait psychologiquement du fait de l’arrestation et de la détention prolongée de son fils. Si la relation est établie, la Cour se fondera sur une telle présomption pour examiner et accorder réparation pour ces souffrances.



En l’espèce, la Cour relève l’argument de l’État défendeur selon lequel le Requérant n’a fourni aucune preuve d’une relation entre lui et une victime indirecte. Toutefois, la Cour rappelle qu’au cours de l’audience publique, une femme nommée Anastasia Penessis, qui prétendait être la mère du Requérant, avait comparu à la barre.



La Cour relève en outre qu’au cours de l’audience publique, l’avocat du Requérant a indiqué que la femme en question était prête à faire un test ADN pour prouver qu’elle était la mère du Requérant. L’État Défendeur a accepté l’offre d’effectuer un test d’ADN, soulignant néanmoins que le test ADN ne permet pas de déterminer la nationalité du Requérant. Dans ces circonstances, et tenant compte de la mention du nom du témoin sur le certificat de naissance du Requérant comme mère de ce dernier et de nationalité tanzanienne, la Cour conclut que la femme qui a comparu devant elle est la mère du Requérant et a donc droit à réparation.



La Cour considère que la détention illégale prolongée du Requérant a sans doute eu des conséquences sur l’état moral de sa mère. Par conséquent, elle fait droit à la demande de réparations du Requérant pour sa mère en tant que victime indirecte et ordonne à l’État défendeur de lui verser la somme de Cinq millions (5 000 000) de shillings tanzaniens.



Réparations non pécuniaires



Demande de remise en liberté



Invoquant le caractère illégal de sa détention, le Requérant demande à la Cour d’ordonner sa remise en liberté.



L’État défendeur soutient que le Requérant est détenu conformément à la loi, sur la base d’une décision de justice et d’un ordre d’expulsion émanant de l’autorité compétente.

***



La Cour se réfère à sa jurisprudence constante dans laquelle elle a toujours indiqué qu’une mesure comme la remise en liberté du Requérant ne peut être ordonnée que dans des circonstances exceptionnelles ou impérieuses34.



La Cour considère que l’existence de telles circonstances doit être déterminée au cas par cas en tenant compte principalement de la proportionnalité entre la mesure de réparation recherchée et l’étendue de la violation établie.



En l’espèce, la Cour note que le fait que le Requérant soit toujours détenu plus de six années après la fin de sa peine de prison n’est pas contesté par l’État défendeur. La Cour considère donc que cette détention illégale constitue une circonstance impérieuse.



En conséquence, la Cour fait droit à la demande du Requérant et ordonne à l’État défendeur sa libération immédiate.





SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE



La Cour rappelle que l’article 30 de son Règlement dispose que « À moins que la Cour n’en dispose autrement, chaque Partie supporte ses frais de procédure ».

En l’espèce, les parties n’ont pas présenté d’observations sur les frais de procédure.



En conséquence, la Cour décide que chaque partie supportera ses propres frais de procédure





DISPOSITIF



Par ces motifs,



LA COUR,



À l’unanimité :



Sur la compétence

Rejette l’exception d’incompétence matérielle ;



Déclare qu’elle est compétente ;





Sur la recevabilité

Rejette les exceptions d’irrecevabilité ;



Déclare la Requête recevable.



Sur le fond



À la majorité de 6 voix pour et 2 contre, les juges Gérard Niyungeko et Chafika Bensaoula ayant voté contre.



Dit que l’État défendeur a violé le droit du Requérant à la nationalité tanzanienne tel que garanti par l’article 5 de la Charte et 15 de la DUDH ;



À la majorité de 7 voix pour et 1 contre, la juge Chafika Bensaoula ayant voté contre



Dit que l’État défendeur a violé l’article 6 de la Charte portant sur « le droit à la liberté et la sécurité de la personne » ;



Dit que l’État défendeur a violé l’article 12 de la Charte portant sur le droit de circuler librement et de choisir sa résidence, du fait de l’arrestation et de la détention du Requérant ;



Dit que l’État défendeur a violé l’article 1 de la Charte.



Sur les réparations



À la majorité de 7 voix pour et 1 contre, la juge Chafika Bensaoula ayant voté contre.



Rejette la demande du Requérant portant sur le préjudice matériel, pour défaut de preuves ;



Ordonne à l’État défendeur de verser au Requérant une somme forfaitaire de dix millions (10 000 000) de shillings tanzaniens pour sa détention illégale à ce jour, et un montant supplémentaire de trois-cent mille (300 000) shillings tanzaniens pour chaque mois de détention illégale à compter de la date de notification du présent arrêt jusqu’à sa libération ;



Ordonne à l’État défendeur de verser à la mère du Requérant une somme forfaitaire de cinq millions (5 000 000) de shillings tanzaniens pour le préjudice moral subi ;



Ordonne la libération immédiate du Requérant ;



Ordonne à l’État défendeur de verser hors taxes au Requérant tous les montants indiqués aux points x et xi du présent dispositif dans un délai de six (6) mois à partir de la date de notification du présent arrêt, faute de quoi il devra payer également des intérêts moratoires calculés sur la base du taux applicable par la Banque centrale tanzanienne, durant toute la période de retard et jusqu’au paiement intégral des sommes dues ;



Ordonne à l’État défendeur de lui soumettre, dans un délai de six (6) mois à compter de la notification du présent arrêt, un rapport sur l’état d’exécution de l’ensemble des décisions rendues dans le présent arrêt.



Sur les frais de procédure



Ordonne que chaque Partie supporte ses propres frais.





Ont signé :



Sylvain ORÉ, Président ;



Ben KIOKO, Vice-président ;



Gérard NIYUNGEKO, Juge ;



El Hadji GUISSÉ, Juge ;



Rafaâ BEN ACHOUR, Juge ;



Ângelo V. MATUSSE, Juge ;



Tujilane R. CHIZUMILA, Juge ;



Chafika BENSAOULA, Juge ;



Et Robert ENO, Greffier.





Fait à Zanzibar, ce vingt-huitième jour du mois de novembre de l’an deux mil dix-neuf en anglais et en français, le texte anglais faisant foi.



Conformément aux articles 28(3) du Protocole et 60(5) du Règlement intérieur de la Cour, l’opinion dissidente commune des juges Gérard Niyungeko et Chafika Bensaoula est jointe au présent arrêt.



Conformément aux articles 28(7) du Protocole et 60(5) du Règlement intérieur de la Cour, l’opinion individuelle de la juge Chafika Bensaoula est jointe au présent arrêt.













1 Voir Requête no 001/2015. Arrêt du 7/12/2018 (Fond et Réparations), Armand Guéhi c. République-Unie de Tanzanie (ci-après dénommé « Armand Guéhi c. Tanzanie (Fond et Réparations) »), § 33. Voir aussi Alex Thomas c. Tanzanie (Fond), §§ 60-65 ; et Requête no 006/2015. Arrêt du 23/03/2018 (Fond), Nguza Viking et Johnson Nguza c. République-Unie de Tanzanie (ci-après dénommé « Nguza Viking et Johnson Nguza c. Tanzanie (Fond) »), § 35.

2 Voir Armand Guéhi c. Tanzanie (fond et réparations), § 33. Voir aussi la Requête n° 024/2015. Arrêt du 7/12/2018 (Fond), Werema Wangoko Werema et autres c. République-Unie de Tanzanie (ci-après dénommée « Werema Wangoko Werema et autres c. Tanzanie (Fond) »), § 29 ; Alex Thomas c. Tanzanie (Fond), § 130 ; Requête n° 007/2013. Arrêt du 3/06/2016 (Fond), Mohamed Abubakari c. République-Unie de Tanzanie (ci-après dénommé « Mohamed Abubakari c. Tanzanie (Fond) »), § 26 et Ernest Francis Mtingwi c. Malawi (Recevabilité), § 14.


3 La référence à l’article 33 par l’État défendeur est erronée ; l’article applicable devrait être l’article 34 du Règlement intérieur, qui prévoit la forme et le contenu d’une requête.


4 Requête n° 012/2015, Arrêt du 22/3/2018 (Fond) Anudo Ochieng Anudo c. République-Unie de Tanzanie (ci-après dénommé « Anudo Achieng Anudo c. Tanzanie (Fond), § 52


5 Wilfred Onyango Nganyi et autres c. Tanzanie (Fond), §§ 88 et 89 ; Norbert Zongo et autres c. Burkina Faso (Fond), § 68.

6 Alex Thomas c. Tanzanie, § 64. Requête no 003/2015, arrêt du 28/09/2017 (Fond) Kennedy Owino Onyanchi et un autre c. République-Unie de Tanzanie, § 56, Nguza Viking c. Tanzanie, § 52, Requête no032/2015. Arrêt du 21/03/ 2018 (Fond), Kijiji Isiaga c. République-Unie de Tanzanie, § 45.


7 Communication 308/2005, Michael Majuru c. Zimbabwe.

8 Arrêt Alex Thomas c. République-Unie de Tanzanie, § 73, Mohamed Abubakari c. Tanzanie, § 91, Requête no 011/2015, arrêt du 28/09/2017 (Fond), Christopher Jonas c. République-Unie de Tanzanie, § 52, voir Requête no 13/2011, arrêt du 28/06/2013 (Décision préliminaire) Norbert Zongo et autres c. Burkina Faso, § 121.


9 Article 3(1) de la Loi tanzanienne sur la nationalité « Un citoyen de naissance est toute personne qui est citoyenne de la République-Unie de Tanzanie dans les conditions suivantes : en vertu de l’article 4 qui dispose que les personnes nées en Tanzanie continentale ou à Zanzibar sont tanzaniens. Ces personnes doivent être nées avant le jour de l’Union en vertu de l’article 5. Toute personne née en République-Unie de Tanzanie le jour de l’Union ou après cette date, en vertu de sa naissance à Zanzibar et de l’article 4(2) ». [Traduction]

10 Voir affaire du personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran (États-Unis c. Iran) [1980] CIJ page 3, Collection 1980. Voir également la question du Sud-ouest africain (Éthiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud) (Exceptions préliminaires) (Opinion dissidente du juge Bustamente), CIJ, Collection 1962 page 319, Section 9(f) de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie, 1977.

11 Anudo Ochieng Anudo c. Tanzanie (Fond), § 76.

12 Ibid, § 77-78.

13 Voir Convention relative au statut des apatrides (1954) ; et Convention des Nations unies sur la réduction des cas d’apatridie (1961).

14 Entrée en vigueur le 29 novembre 1999. Ratifié par la République-Unie de Tanzanie le 16 mars 2003.

15 Voir, par exemple, l’article 12(2) de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie (1977), l’article 28 de la Constitution du Kenya (2010), l’article 24 de la Constitution de la République fédérale démocratique d’Éthiopie (1994), l’article 10 de la Constitution de la République d’Afrique du Sud (1996).

16 Voir l’article 5 de la Charte et l’article 6 de la DUDH.

17 Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatride

18 Communication 318/06 Open Society Justice Initiative c. République de Côte d’Ivoire §§ 95 – 97.

19 Requête 003/2015 Kennedy Owino c. République Unie de Tanzanie, § 142.

20 Idem § 143.

21 Requête 012/2015 Ochieng Anudo Ochieng c. République Unie de Tanzanie, § 80.

22 Communication 317/2006 Communauté nubienne du Kenya c. Kenya.

23 Institute for Human Rights and Development in African (au nom de la Communauté nubienne du Kenya) c. Kenya, Communication n°212/98.

24 Communication - 212/98 Amnesty International c. Zambie, § 41.

25 Affaire Nottebohm, Leichtenstein c. Gatemala seconde phase de jugement, avril 1955, pages 22 à 24.

26 Loi tanzanienne sur la citoyenneté, 1961 Chap. 512, et la loi britannique sur la nationalité, 1948.

27 Voir l’article 6 de la Loi tanzanienne sur l’immigration.

28 Kennedy Owino Onyanchi et un autre c. Tanzanie (Fond), § 131.

29 Comité des droits de l’homme des Nations Unies, Observation générale no 27 : article 12 (Liberté de circulation). Voir également Communication no 456/1991, Celepli c. Suède, § 9.2.

30 Communication no 266/03 : Kevin Mgwanga Gunme et autres c. Cameroun

31 Affaire Alex Thomas c. République-Unie de Tanzanie (Fond), § 135.

Affaire Requête n° 013/2011, Arrêt du 28/03/2014 (Fond), Abdoulaye Nikiema, Ernest Zongo, Blaise Ilboudo et Mouvement burkinabé des Droits de l’Homme et des Peuples c. Burkina Faso.

32 Requête n° 011/2011, Arrêt du 13/06/2014, Révérend Christopher R. MTIKILA c. République-Unie de Tanzanie, § 30.


33 Requête n° 013/2011 Arrêt du 5/06/2015 (Réparations) Affaire Ayants droit de feus Norbert Zongo et autres c. Burkina Faso, § 46.


34 Arrêt Alex Thomas, op. cit § 157.


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