Ivan c République-Unie De Tanzanie (Requête N° 025/2016) [2019] AfCHPR 9 (28 mars 2019)

Ivan c République-Unie De Tanzanie (Requête N° 025/2016) [2019] AfCHPR 9 (28 mars 2019)



AFRICAN UNION


UNION AFRICAINE


UNIÃO AFRICANA

AFRICAN COURT ON HUMAN AND PEOPLES’ RIGHTS

COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES


AFFAIRE



KENEDY IVAN


C.


RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE


REQUÊTE n° 025/2016



ARRÊT

(FOND ET RÉPARATIONS)



Shape1 28 MARS 2019


SOMMAIRE




La Cour composée de : Sylvain ORÉ, Président; Ben KIOKO, Vice-président; Rafaâ BEN ACHOUR, Ângelo V. MATUSSE, Suzanne MENGUE, M-Thérèse MUKAMULISA, Tujilane R. CHIZUMILA, Chafika BENSAOULA, Blaise TCHIKAYA, Stella I. ANUKAM - Juges; et Robert ENO – Greffier.


Conformément à l’article 22 du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après « le Protocole ») et à l’article 8(2) du Règlement intérieur de la Cour (ci-après « le Règlement »), la Juge Imani D. ABOUD, de nationalité tanzanienne, n’a pas siégé dans l’affaire.



En l’affaire :


Kenedy IVAN,

assurant lui-même sa défense


contre


RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE

représentée par :


i. Mme Sarah MWAIPOPO, Directrice, Division des affaires constitutionnelles et des droits de l’homme ;


ii. M. Baraka LUVANDA, Ambassadeur, Directeur des affaires juridiques, Ministère des affaires étrangères, de l’Afrique de l’Est et de la coopération régionale et internationale ;


iii. Mme Nkasori SARAKIKYA, Principal State Attorney;


iv. M. Mark MULWAMBO, Principal State Attorney;


v. M. Abubakar MRISHA, Senior State Attorney;


vi. Mme Blandina KASAGAMA, Foreign Service Officer, Ministère des affaires étrangères, de l’Afrique de l’Est et de la coopération régionale et internationale.


après en avoir délibéré,


rend l’arrêt suivant :



I. LES PARTIES


1. Le sieur Kenedy Ivan (ci-après dénommé le « Requérant ») est un ressortissant tanzanien qui purge actuellement une peine de 30 ans de réclusion à la prison centrale de Butimba, pour vol à main armée.


2. La Requête vise la République-Unie de Tanzanie (ci-après dénommée « État défendeur »), qui est devenue partie à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après dénommée « la Charte»), le 21 octobre 1986 et au Protocole le 10 février 2006. L’État défendeur a également déposé, le 29 mars 2010, la déclaration prévue à l’article 34(6), par laquelle il acceptait la compétence de la Cour pour recevoir des requêtes émanant des individus et des organisations non gouvernementales.


II. OBJET DE LA REQUÊTE


A. Faits de la cause


3. La requête fait suite au jugement rendu le 8 février 2006 dans l’affaire pénale n° 157 de 2005 devant le Tribunal de district de Ngara, à l’arrêt du 23 mai 2007 dans l’appel pénal n° 31 de 2006 devant la Haute Cour de Tanzanie et à l’arrêt du 17 février 2012 dans l’appel pénal n° 178 de 2007 devant la Cour d'appel de Tanzanie siégeant à Mwanza. Le Requérant allègue la violation de ses droits de l’homme et libertés fondamentales dans le cadre de ces procédures.


4. Il ressort du dossier devant la Cour que le « […] 03/07/2004 vers 20h45 dans un village appelé Murugwanza », le Requérant et d’autres personnes ont volé « 35 000 shillings tanzaniens en espèces, une radio de marque Panasonic dont la valeur est estimée à 20 000 shillings tanzaniens, appartenant à la dénommée Jesca, fille de Nyamwilahila ». Le Requérant a également « fait usage d’une arme à feu et d’une machette pour commettre le vol ou pour faire face à toute résistance » de la part de Jesca Nyamwilahila.


5. Trois des témoins à charge, à savoir «PW1, PW2 et PW3», ont déclaré devant le tribunal de district qu'ils se trouvaient dans la maison où le vol a été commis. En outre, ils ont identifié le Requérant et un dénommé Baraka comme faisant partie des agresseurs le jour du vol.


B. Violations alléguées


6. Le Requérant allègue avoir été privé de son droit à un procès équitable, le juge saisi de l’affaire en première instance n’ayant pas convoqué le témoin à décharge qu’il entendait citer bien qu’il en ait fait la demande, violant ainsi l'article 6(a) de la Constitution de la République-Unie de Tanzanie de 1977 et l'article 231(4) de la Loi portant Code de procédure pénale (Criminal Procedure Act) de 2002.


7. Il ajoute qu’il n’avait pas été représenté par un conseil, ni en première instance ni en appel, en violation des droits fondamentaux inscrits à l'article 7(1)(c) de la Charte.



III. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR


8. La Requête a été déposée devant la Cour le 22 avril 2016 et notifiée à l'État défendeur le 7 juin 2016. Le 14 juin 2016, la Requête a été communiquée aux États Parties au Protocole, au Conseil exécutif de l’Union africaine ainsi qu’à la Conférence de l’Union africaine, par l'intermédiaire de la Présidente de la Commission de l'Union africaine.


9. L'État défendeur a déposé sa Réponse le 31 janvier 2017 dans le délai prescrit après la prorogation par la Cour. La Réponse a été communiquée au Requérant le 3 février 2017. Par la suite, le Requérant a déposé sa Réplique le 21 février 2017 dans le délai prescrit, et, le 28 juin 2017, le Greffe l’a notifiée à l’État défendeur.


10. Le 11 juillet 2018, le Requérant a été invité à déposer ses observations à l’appui de ses réclamations, conformément à la décision prise par la Cour à sa quarante-neuvième session (du 16 avril au 11 mai 2018). Toutefois, la Cour note que le Requérant ne l’a pas fait.


11. Le 8 novembre 2018, la procédure écrite a été clôturée et les Parties en ont été informées.


IV. MESURES DEMANDÉES PAR LES PARTIES


12. Le Requérant demande à la Cour de :

«

i. constater la violation de ses droits par le système judiciaire de l'État défendeur et ordonner sa remise en liberté;

ii. lui accorder une assistance judiciaire gratuite, en vertu de l’article 31 du Règlement et de l’article 10(2) du Protocole;

iii. rendre toute autre décision ou ordonner toute mesure de réparation qu’elle estime appropriée ».


13. Dans sa Réplique, le Requérant demande à la Cour de rejeter les exceptions d’incompétence et d’irrecevabilité et d’examiner l’affaire sur le fond.


14. Pour sa part, l’État défendeur demande ce qui suit à la Cour :

«

i) Dire qu’elle n'est pas compétente pour examiner la Requête ;

ii) Déclarer la Requête irrecevable et la rejeter en conséquence ;

iii) Constater que le Gouvernement tanzanien n'a violé aucun des droits allégués par le Requérant ;

iv) Ordonner que les frais de la procédure en l’espèce sont à la charge du Requérant ».



V. SUR LA COMPÉTENCE


15. L’article 3(1) du Protocole dispose que : « La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant l'interprétation et l'application de la Charte, du présent Protocole, et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par les États concernés ».

16. Conformément à l’article 39(1) de son Règlement, la Cour « procède à un examen préliminaire de sa compétence … ».


A. Exception d’incompétence matérielle


17. L'État défendeur soulève deux exceptions d’incompétence matérielle de la Cour à savoir qu’il est d’abord demandé à la Cour d'agir en qualité de tribunal de première instance et ensuite, de siéger comme juridiction d'appel.


i. Exception tirée du fait que la Cour est invitée à siéger en tant que juridiction de première instance


18. L'État défendeur soutient que le Requérant a soulevé trois allégations devant la Cour de céans pour la première fois et demande à la Cour de se prononcer sur celles-ci. Selon l'État défendeur, les allégations formulées pour la première fois sont les suivantes :


(i) Allégation selon laquelle l’État défendeur a violé le droit du Requérant de se faire représenter par un conseil ;

(ii) Allégation selon laquelle la déclaration de culpabilité et la peine prononcées étaient fondées sur des éléments de preuve qui n’avaient pas fait l’objet d’une évaluation approfondie ;

(iii) Allégation selon laquelle le droit du Requérant à ce que sa cause soit entendue a été violé, du fait que le juge n’a pas cité les témoins à décharge à comparaître».


19. En réponse à ces exceptions, le Requérant fait valoir que la compétence de la Cour est invoquée «dans la mesure où ses griefs portent sur le respect des principes des droits et des libertés de l'homme et des peuples contenus dans la déclaration».


***


20. La Cour rappelle sa jurisprudence constante en la matière et réaffirme qu’elle a la compétence matérielle dès lors que la requête dont elle est saisie porte sur des allégations de violation des droits de l'homme et qu’il suffit dans ce cas que l’objet de la requête se rapporte aux droits garantis par la Charte ou par tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme ratifié par les États concernés1.

21. La Cour note que la présente Requête porte sur des violations de droits protégés par la Charte et par d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme ratifiés par l’État défendeur.


22. En conséquence, la Cour rejette l’exception de l’État défendeur et conclut qu’elle a la compétence matérielle en l’espèce.


ii. Exception tirée du fait que la Cour est invitée à siéger en tant qu’instance d'appel


23. L'État défendeur affirme que la Cour de céans est invitée à siéger en tant que juridiction d’appel et à statuer sur des questions déjà tranchées par les juridictions nationales. Il affirme en particulier que la Cour d’appel a déjà tranché la question de l’examen des preuves relatives à l’identification visuelle et par la voix et à la source et à l’intensité de la lumière, qui ont fondé la condamnation du Requérant.


24. Selon l’État défendeur, la Cour n’est pas compétente pour connaitre de la présente Requête et celle-ci doit être rejetée en conséquence.


25. Dans sa Réplique, le Requérant soutient que la compétence de la Cour est invoquée «dans la mesure où les griefs portent sur le respect des principes des droits de l'homme et des peuples et sur les libertés contenus dans la déclaration».

***


26. La Cour réitère sa position dans l’affaire Ernest Francis Mtingwi c. République du Malawi, dans laquelle elle a relevé qu’elle n’est pas une juridiction d’appel en ce qui concerne les décisions rendues par les juridictions nationales.2 Toutefois, comme elle l’a souligné dans l’affaire Alex Thomas c. République-Unie de Tanzanie, «…cela ne l’empêche pas d’examiner les procédures pertinentes devant les instances nationales pour déterminer si elles sont en conformité avec les normes prescrites dans la Charte ou avec tout autre instrument ratifié par l’État concerné 3».


27. La Cour de céans exerce sa compétence dès lors que « les droits dont la violation est alléguée sont protégés par la Charte ou par tout autre instrument relatif aux droits de l’homme ratifié par l’État défendeur4 ». Dans la présente requête, dans l’exercice de sa compétence, la Cour n'agit pas en tant qu’instance d'appel.


28. La Cour rejette donc les exceptions soulevées par l'État défendeur et conclut qu’elle a la compétence matérielle en l’espèce.


B. Autres aspects de la compétence


29. La Cour relève que sa compétence personnelle, temporelle et territoriale n’a pas été contestée par l’État défendeur et que rien dans le dossier n'indique qu'elle n'est pas compétente à cet égard. Elle constate en conséquence qu’elle a :


(i) la compétence personnelle, étant donné que l’État défendeur est partie au Protocole et qu’il a déposé la déclaration prévue à l’article 34(6), qui permet aux individus de la saisir directement, conformément à l’article 5(3) du Protocole.

(ii) la compétence temporelle, étant donné que les violations alléguées dans la présente requête continuent, en ce sens que le Requérant reste condamné, sur la base de ce qu’il estime être une procédure entachée d’irrégularités 5 ;

(iii) la compétence territoriale, dans la mesure où les faits de la cause se sont produits sur le territoire d'un État partie au Protocole, à savoir l'État défendeur.


30. Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut qu’elle est compétente pour examiner la présente Requête.



VI. SUR LA RECEVABILITÉ


31. Aux termes de l’article 6(2) du Protocole, « la Cour statue sur la recevabilité des requêtes en tenant compte des dispositions énoncées à l’article 56 de la Charte ».

32. En vertu l’article 39(1) du Règlement, « la Cour procède à l’examen préliminaire […] des conditions de recevabilité de la requête telles que prévues par les articles […] 56 de la Charte et 40 du présent Règlement ».


33. L’article 40 du Règlement, qui reprend en substance l’article 56 de la Charte, est libellé comme suit :

« En conformité avec les dispositions de l’article 56 de la Charte auxquelles renvoie l’article 6(2) du Protocole, pour être examinées, les requêtes doivent remplir les conditions ci-après :

1. Indiquer l’identité de leur auteur même si celui-ci demande à la Cour de garder l’anonymat ;

2. Être compatible avec l’Acte constitutif de l’Union africaine et la Charte ;

3. Ne pas contenir de termes outrageants ou insultants ;

4. Ne pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles diffusées par les moyens de communication de masse ;

5. Être postérieures à l’épuisement des recours internes s’ils existent, à moins qu’il ne soit manifeste à la Cour que la procédure de ces recours se prolonge de façon anormale ;

6. Être introduites dans un délai raisonnable courant depuis l’épuisement des recours internes ou depuis la date retenue par la Cour comme faisant commencer à courir le délai de sa propre saisine ;

7. Ne pas concerner des cas qui ont été réglés conformément soit aux principes de la Charte des Nations Unies, soit de l’Acte constitutif de l’Union africaine et soit des dispositions de la Charte ou de tout autre instrument juridique de l’Union africaine ».


A. Conditions de recevabilité en discussion entre les Parties


34. L’État défendeur soutient que la présente Requête ne remplit pas deux des conditions de recevabilité, à savoir celles prévues à l’article 40(5) relatif à l’épuisement des recours internes et à l’article 40(6) sur la nécessité de déposer les requêtes dans un délai raisonnable après épuisement des recours internes.

i. Exception tirée du non-épuisement des recours internes


35. L'État défendeur soutient que la présente Requête ne remplit pas les conditions de recevabilité énoncées aux articles 56(5) de la Charte et 40(5) du Règlement.


36. Il affirme en outre qu’il a promulgué la loi sur l’application des droits constitutionnels et fondamentaux, pour définir la procédure d’application des droits constitutionnels et fondamentaux inscrits dans la Constitution, prévue à l’article 4 de cette loi6.


37. Selon l’État défendeur, le droit à un procès équitable est prévu à l’article 13(6)(a) de la Constitution tanzanienne de 1977 et même si le Requérant affirme que son droit garanti par la Constitution a été violé, il n’avait pas évoqué cette violation devant la Haute Cour durant le procès comme l'exige l'article 9(1) de la Loi sur l'application des droits et des devoirs fondamentaux7.


38. L’État défendeur fait valoir que, pour n’avoir pas soulevé la question des violations de ses droits devant la Haute Cour ou dans ses recours en appel, le Requérant n'a pas donné à l'État défendeur l'occasion de remédier à la violation alléguée au niveau national.


39. Citant la Commission africaine dans la Communication no 263/2002 – Kenyan Section of the International Commission of Jurists, Law Society, Kituo Cha Sheria c. Kenya (2004), l’État défendeur conclut à cet égard qu’il était prématuré pour le Requérant de saisir la Cour de céans de la présente affaire car il aurait dû épuiser toutes les voies de recours internes au préalable8.


40. Le Requérant soutient que la Requête est recevable, du fait qu’il l’avait déposée après avoir épuisé les recours internes, après le rejet le 17 février 2012 du recours pénal n°178 de 2007, par la Cour d'appel de Tanzanie, qui est la plus haute juridiction d'appel du pays.


***


41. La Cour relève qu’il ressort du dossier que le Requérant a interjeté appel de sa condamnation devant la Cour d'appel de Tanzanie, la plus haute instance judiciaire de l'État défendeur, et que celle-ci avait confirmé les jugements de la Haute Cour et du Tribunal de district.


42. Par ailleurs, la Cour a estimé, dans plusieurs affaires visant l’État défendeur, que les recours en inconstitutionnalité et en révision dans le système judiciaire tanzanien sont des recours extraordinaires que le Requérant n’était pas tenu d’épuiser avant de la saisir9. Il ressort donc clairement de ce qui précède que le Requérant a épuisé tous les recours disponibles.


43. Pour cette raison, la Cour rejette l'exception tirée du non-épuisement des recours internes soulevée par l'État défendeur.





ii. Exception tirée du fait que la Requête n’a pas été déposée dans un délai raisonnable


44. L'État défendeur soutient que le Requérant ne s'est pas conformé à l’article 40(6) du Règlement qui prescrit qu'une requête doit être déposée devant la Cour de céans dans un délai raisonnable après l'épuisement des recours internes. Il fait valoir que l’affaire du Requérant devant les juridictions nationales avait été tranchée le 17 février 2012 et que celui-ci a attendu trois (3) ans avant de saisir la Cour de céans.


45. Notant que l’article 40(6) ne fixe pas de délai limite dans lequel les requêtes doivent être déposées, l'État défendeur attire l'attention de la Cour de céans sur le fait que la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples a estimé qu’une période de six mois est considérée raisonnable.10


46. Toujours selon l’État défendeur, le Requérant n’a pas fait état d’obstacles quelconques qui l’auraient empêché de déposer la Requête dans le délai de six mois et, pour les raisons ci-dessus, la Requête doit être déclarée irrecevable.


47. Dans sa Réplique, le Requérant soutient que la Requête a été déposée dans un délai raisonnable, le retard apparent étant dû au fait qu’à la suite au rejet de son appel, il avait introduit, sans succès, un recours en révision devant la Cour d’appel.

***


48. La Cour fait observer que l’article 56(6) de la Charte n’indique pas de délai précis dans lequel elle peut être saisie d’une requête. L'article 40(6) du Règlement, qui reprend en substance l'article 56(6) de la Charte, mentionne simplement « un délai raisonnable à compter de la date à laquelle les recours internes ont été épuisés ou à compter de la date fixée par la Cour comme faisant commencer à courir le délai de sa propre saisine ».


49. Il ressort du dossier devant la Cour que les recours internes ont été épuisés le 17 février 2012, date à laquelle la Cour d'appel a rendu son arrêt et cette date devrait donc être la date de référence à partir de laquelle le délai raisonnable doit être calculé, au sens de l’article 40(6) du Règlement et de l’article 56(6) de la Charte.


50. La présente Requête a été déposée le 22 avril 2016, soit quatre (4) ans et trente-six (36) jours après l'épuisement des recours internes. La Cour doit donc décider si, en l’espèce, ce délai est raisonnable.


51. La Cour rappelle sa jurisprudence dans l’affaire Norbert Zongo et autres c. Burkina Faso dans laquelle elle a conclu que : «…le caractère raisonnable du délai de saisine dépend des circonstances spécifiques de l’affaire et devrait être déterminé au cas par cas »11.


52. En l’espèce, le Requérant soutient qu’il a introduit, sans succès, un recours en révision devant la Cour d’appel et l’État défendeur ne conteste pas ce fait. La Cour constate que le Requérant a introduit le recours en révision alors même qu’il s’agissait d’un recours extraordinaire. Le temps qu’il a passé à tenter d’épuiser ce recours devrait donc être pris en compte lors de l'évaluation du caractère raisonnable du délai, au regard des articles 40(6) du Règlement et 56(6) de la Charte12.



53. Il ressort du dossier que le Requérant est en prison ; que ses déplacements sont restreints ; qu’il a un accès limité à l'information ; qu’il est indigent et incapable d’engager un avocat. En outre, il n'a pas bénéficié de l'assistance gratuite d'un avocat tout au long de son procès et n’avait pas connaissance de l’existence de la Cour de céans avant le dépôt de la Requête. Enfin, les circonstances mentionnées ci-dessus ont retardé la saisine de la Cour de céans de la présente Requête. Pour ces raisons, la Cour conclut que le délai de quatre (4) ans et trente-six (36) jours pour introduire la présente Requête est raisonnable.


54. En conséquence, la Cour rejette l'exception tirée du non-respect de l'obligation de déposer la requête dans un délai raisonnable après l’épuisement des recours internes.


B. Conditions de recevabilité qui ne sont pas en discussion entre les Parties


55. La Cour relève que les Parties ne soulèvent aucune exception quant aux conditions de recevabilité de la Requête énoncées aux alinéas (1), (2), (3), (4) et (7) de l’article 40 du Règlement relatifs respectivement à l’identité du Requérant, aux termes utilisés dans la Requête, à la compatibilité de la requête avec l’Acte constitutif de l’Union africaine, à la nature de la preuve produite et aux affaires déjà réglées. Elle constate en outre que rien dans le dossier n’indique que ces conditions n’ont pas été respectées.


56. Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut que la présente Requête remplit toutes les conditions de recevabilité et en conséquence la déclare recevable.



VII. SUR LE FOND


57. Le Requérant allègue la violation de son droit à un procès équitable. Il ajoute que les éléments relatifs à ce droit invoqués en l’espèce sont :

a. l’insuffisance des preuves ;

b. la non convocation du témoin à décharge du Requérant ;

c. le défaut de lui fournir une assistance judiciaire.


A. Allégation relative à l’insuffisance des preuves


58. Selon le Requérant, la seule preuve invoquée par les juridictions pour confirmer sa déclaration de culpabilité était une identification vocale et visuelle insuffisante. Il soutient que les éléments de preuve n’ont pas été bien analysés de manière appropriée et que la source et l’intensité de la lumière qui a permis aux témoins de l’identifier sur le lieu du crime constituent des éléments de preuves peu crédibles.


59. Pour sa part, l’État défendeur réfute toutes ces allégations et fait valoir que la condamnation du Requérant était fondée sur des preuves d’identification crédibles. Il affirme que outre la preuve relative à l'identification, la Cour d'appel a conclu que lesdits témoins avaient procédé à l'identification du [présumé coupable] à la première occasion, ce qui rendait leur témoignage encore plus crédible.


60. Par ailleurs, l’État défendeur soutient que les éléments de preuve ont été analysés de manière adéquate dans toutes les procédures devant les juridictions nationales. Selon le Requérant, il a été condamné non seulement sur la base de la preuve d’identification visuelle et par la voix, mais également sur la base du fait que les témoins ont pu le désigner par son nom car ils le connaissaient bien avant qu’il ne commette le crime. L’État défendeur ajoute qu’en plus de l’identification par la voix, d’autres éléments de preuve indiquaient que le Requérant était sur les lieux au moment où le crime a été commis.

***


61. La Cour relève qu'elle n'a pas le pouvoir d'apprécier les questions relatives aux éléments de preuve déjà tranchées par les juridictions nationales. Toutefois, la Cour a le pouvoir de déterminer si l'évaluation des preuves par les juridictions nationales s’est faite conformément aux dispositions pertinentes des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme.


62. La Cour tient en outre à rappeler ci-après sa position dans l'affaire Kijiji Isiaga c. Tanzanie:


« …Les juridictions nationales jouissent d’une large marge d’appréciation pour évaluer la valeur probante des éléments de preuve, et qu’en tant que juridiction internationale des droits de l’homme, la Cour ne peut pas se substituer aux juridictions nationales pour examiner les détails et les particularités des preuves présentées dans les procédures internes »13.


63. S’agissant des éléments de preuve qui ont fondé la déclaration de culpabilité du Requérant, la Cour tient à rappeler sa position dans l’arrêt Mohamed Abubakari c. Tanzanie, dans lequel elle a conclu que :


« S’agissant en particulier des preuves qui ont servi de base à la condamnation du Requérant, la Cour estime qu’il ne lui revient pas en effet de se prononcer sur leur valeur pour revoir cette condamnation. Toutefois, elle considère que rien ne lui interdit d’examiner ces preuves comme éléments du dossier qui lui est soumis, afin de voir si de façon générale, la manière dont le juge national les a appréciées a été conforme aux exigences d’un procès équitable au sens de l'article 7 de la Charte»14.


64. La Cour a conclu dans ses précédents arrêts15 que lorsqu’une déclaration de culpabilité repose sur l’identification visuelle ou par la voix, tout risque d’erreur doit être écarté et l’identité du suspect établie avec certitude. Cela exige que l’identification soit corroborée par d’autres preuves par indices et fasse partie d’une description logique et cohérente de la scène du crime.


65. En l’espèce, il ressort du dossier que les juridictions internes ont condamné le Requérant sur la base des preuves d’identification visuelle présentées par trois témoins à charge, qui étaient présents sur les lieux du crime. Ces témoins connaissaient le Requérant avant que le crime ne soit commis, car ils étaient ses voisins. Les juridictions nationales ont examiné les circonstances du crime pour écarter tout risque d’erreur et ont conclu que le Requérant avait été formellement identifié comme étant l’auteur du crime.


66. L’allégation du Requérant selon laquelle il n’y avait pas suffisamment de lumière pour pouvoir l’identifier suffisamment pour qu’il puisse être déclaré coupable relève des détails dont l’appréciation devrait être laissée aux juridictions nationales.


67. À la lumière de ce qui précède, la Cour estime que l’appréciation des faits et des éléments de preuve par les juridictions internes ne révèle aucune erreur manifeste et qu’elle n’a entraîné aucun déni de justice à l’égard du Requérant, qui nécessiterait son intervention. La Cour rejette donc les allégations du Requérant.


B. Allégation relative à la non convocation du témoin à décharge du Requérant


68. Le Requérant allègue que son droit à un procès équitable a été violé, du fait que le juge saisi de l’affaire en première instance n’avait pas exercé son pouvoir de convoquer son témoin à décharge même après la notification au Tribunal de son intention de citer ledit témoin. Il soutient qu’il a également formulé ce grief lors de l’appel devant la Haute Cour.


69. L'État défendeur soutient que le droit à un procès équitable est prévu à l'article 31(6)(a) de la Constitution tanzanienne et que ce droit a été assuré au Requérant à toutes les étapes de la procédure. Il affirme en outre que l’article 231(4) du Code de procédure pénale (2002), confère au juge saisi de l’affaire en première instance le pouvoir de convoquer le témoin à décharge lorsque l’absence de celui-ci n'est ni imputable à l'accusé ni due à une négligence de sa part.


70. Selon l'État défendeur, le Requérant ne l’a pas informé de l’existence d’un témoin qui devait comparaître pour sa défense et qu’il avait librement choisi d’être son propre témoin.


71. L’État défendeur conclut à cet égard que l'allégation du Requérant est une idée qui lui est venue après coup et qui ne doit donc pas être prise en compte et que, de ce fait, la Requête n’est pas fondée et elle doit donc être rejetée.


***


72. La Cour relève que l’article 7(1)(c) de la Charte est libellé comme suit :

«Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend :

[……]

c) Le droit à la défense, y compris celui de se faire assister par un défenseur de son choix ».

73. Dans son arrêt dans l’affaire Ingabire Victoire c. Rwanda, la Cour de céans a estimé qu’«un aspect essentiel du droit à la défense comprend le droit d’appeler des témoins à décharge»16.


74. En l'espèce, la Cour relève que le Requérant affirme avoir demandé de citer ses témoins aussi bien devant le Tribunal de première instance que devant la Haute Cour. L'État défendeur réfute cette affirmation en faisant valoir que le Requérant « n'avait informé le juge saisi de l’affaire en première instance d’aucun témoin qu’il entendait citer ».


75. Compte tenu de ces affirmations contradictoires, la Cour ne peut s'appuyer que sur les informations versées au dossier. À cet égard, la Cour relève que le Requérant n’a fourni aucune information sur les noms des témoins qu’il aurait mentionné devant les juridictions nationales afin qu’ils soient cités à comparaître et sur la demande qu’il aurait faite à ce sujet. En outre, rien dans le dossier ne démontre que le Requérant avait formulé une demande visant à citer des témoins à décharge et que les juridictions n’ont pas fait droit à sa demande.


76. Au vu de ce qui précède, la Cour rejette l'allégation du Requérant selon laquelle le juge saisi de l’affaire en première instance n'a pas convoqué ses témoins.


C. Allégation relative au défaut de fournir une assistance judiciaire au Requérant

77. Le Requérant soutient que l'État défendeur a violé l'article 7(1)(c) de la Charte, affirmant qu'il n'a pas bénéficié d’une assistance judiciaire gratuite, aussi bien lors de son procès en première instance qu’en appel.


78. L'État défendeur affirme que le fait que le Requérant n'ait pas été représenté par un conseil ne signifie pas qu'il a été victime de discrimination ou qu’il s'est vu refuser le droit de se faire représenter par un défenseur de son choix. Il soutient en outre que l’article 7(1)(c) de la Charte n'énonce pas explicitement l'obligation de fournir une assistance judiciaire pour tous les procès en matière pénale. L'État défendeur soutient en outre que ce droit n'est pas absolu et est tributaire de la disponibilité des ressources.


79. Citant l'article 7(1)(c) de la Charte, l'État défendeur soutient que le Requérant a délibérément décidé d’assurer lui-même sa défense. L’État défendeur se réfère à l’affaire Melin c. France17 dans laquelle la Cour européenne a estimé qu'un accusé qui choisit de se défendre lui-même doit faire preuve de diligence et soutient que le Requérant ne l’a pas fait. L’État défendeur affirme qu’il n’a pas violé le droit du Requérant à l’assistance judiciaire. Il invoque également l’article 8(2)(d) et (e) de la Convention américaine des droits de l’homme à cet égard18.

* * *


80. L’article 7(1)(c) de la Charte dispose que :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend : […]

c) le droit à la défense, y compris celui de se faire assister par un défenseur de son choix ».


81. La Cour relève que l’article7(1)(c) de la Charte ne prévoit pas explicitement le droit à une assistance judiciaire gratuite. Toutefois, dans l’affaire Alex Thomas c. République-Unie de Tanzanie19, la Cour de céans a souligné que l’article 7(1)(c) de la Charte, interprété à la lumière de l’article 14(3)(d) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ci-après désigné le PIDCP20), prévoit l’assistance judiciaire gratuite pour toute personne accusée d’une infraction pénale grave, qui n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur et lorsque les intérêts de la justice l’exigent21, notamment si la personne est « indigente, si l’infraction est grave et lorsque la peine prévue par la loi est lourde22 ».


82. La Cour note que le Requérant n’a pas bénéficié d’une assistance judiciaire gratuite lors des procédures devant les juridictions nationales. La Cour note également que l’État défendeur ne conteste pas le fait que le Requérant est indigent, l’infraction est grave et la peine prévue par la loi est lourde, mais plutôt le fait qu’il n’ait pas demandé une assistance judiciaire.


83. Compte tenu du fait que le Requérant a été déclaré coupable de crime grave, à savoir le vol à main armée passible d’une lourde peine de 30 ans de réclusion, dans l’intérêt de la justice, le Requérant aurait dû bénéficier d’une assistance judiciaire, qu'il en ait fait la demande ou non.


84. La Cour en conclut que l’État défendeur a violé l’article 7(1)(c) de la Charte.




VIII. SUR LES RÉPARATIONS


85. Le Requérant demande à la Cour de constater la violation de ses droits, d’ordonner sa remise en liberté ainsi que toute autre mesure ou réparation qu’elle estime appropriée.


86. Pour sa part, l'État défendeur demande à la Cour de constater qu'il n'a violé aucun des droits du Requérant et de rejeter la Requête.


***


87. L’article 27(1) du Protocole dispose que « lorsqu’elle estime qu’il y a eu violation d’un droit de l’homme ou des peuples, la Cour ordonne toutes les mesures appropriées afin de remédier à la situation, y compris le paiement d’une juste compensation ou l’octroi d’une réparation ».


88. À cet égard, l’article 63 du Règlement dispose que « la Cour statue sur la demande de réparation… dans l’arrêt par lequel elle constate une violation d’un droit de l’homme ou des peuples, ou si les circonstances l’exigent, dans un arrêt séparé ».


A. Réparations pécuniaires


89. La Cour fait observer qu’au paragraphe 84 ci-dessus, elle a déjà conclu que l’État défendeur a violé le droit du Requérant à un procès équitable dans la mesure où celui-ci n’a pas bénéficié d’une assistance judiciaire. À cet égard, la Cour rappelle sa position dans l’affaire Révérend Christopher R. Mtikila c. République-Unie de Tanzanie dans laquelle elle avait estimé que «toute violation d’une obligation internationale ayant causé un préjudice entraine l’obligation de fournir une réparation adéquate23 ».

90. La Cour relève également que la violation constatée a causé un préjudice moral au Requérant. En conséquence, la Cour exerçant son pouvoir discrétionnaire, octroie la somme de trois cent mille (300 000) shillings tanzaniens à titre de juste compensation24.


B. Réparations non-pécuniaires


91. S’agissant de la demande du Requérant d’être remis en liberté, la Cour a estimé qu’elle ne peut ordonner la remise en liberté du Requérant que dans des circonstances exceptionnelles ou impérieuses25. Ce serait le cas, par exemple « si le Requérant peut démontrer suffisamment ou si la Cour elle-même parvient à la conclusion que l’arrestation et la déclaration de culpabilité du Requérant était fondée entièrement sur des considérations arbitraires et que son maintien en détention constituerait un déni de justice»26 .


92. Dans l’affaire Armand Guéhi c. République-Unie de Tanzanie, la Cour a fait observer que pour déterminer si les circonstances dans une affaire sont exceptionnelles ou impérieuses, il faut tenir compte de l’objectif qui est de préserver l’équité et de prévenir la double incrimination27.


93. La Cour estime que le Requérant n’a pas démontré l’existence de circonstances exceptionnelles ou impérieuses justifiant qu’elle ordonne sa remise en liberté.


94. En conséquence, la Cour rejette la demande du Requérant d’être mis en liberté.

IX. SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE


95. Dans leurs observations, chacune des deux Parties demande à la Cour d’ordonner que la Partie adverse supporte les frais de procédure.


96. En vertu de l’article 30 de son Règlement intérieur, « à moins que la Cour n’en décide autrement, chaque partie supporte ses frais de procédure ».


97. En l'espèce, la Cour n'a aucune raison de déroger aux dispositions de l'article 30 du Règlement. Elle conclut donc que chaque Partie supporte ses propres frais.



X. DISPOSITIF


98. Par ces motifs,



La COUR,


À l’unanimité


Sur la compétence :

i. Rejette les exceptions d’incompétence matérielle de la Cour ;

ii. Se déclare compétente.


Sur la recevabilité:

iii. Rejette les exceptions d’irrecevabilité ;

iv. Déclare la Requête recevable.




Sur le fond

v. Dit que l’État défendeur n’a pas violé l’article 7(1) de la Charte en ce qui concerne les preuves insuffisantes et la non-convocation des témoins à décharge ;

vi. Dit que l’État défendeur a violé l’article 7(1)(c) de la Charte pour n’avoir pas fourni une assistance judiciaire gratuite au Requérant ;


Sur les réparations


Réparations pécuniaires

vii. Ordonne à l’État défendeur de verser au Requérant un montant de trois cent mille (300 000) shillings tanzaniens, exonéré de taxe, à titre de juste compensation dans un délai de six (6) mois à compter de la date de notification du présent arrêt, faute de quoi il sera également tenu de payer des intérêts moratoires calculés sur la base du taux applicable à la Banque centrale de Tanzanie, pendant toute la période de retard, jusqu'au paiement intégral des sommes dues.


viii. Ordonne à l'État défendeur de lui soumettre, dans un délai de six (6) mois à compter de la date de notification du présent arrêt, un rapport sur l'état d’exécution de la décision rendue dans le présent arrêt.


Réparations non-pécuniaires

ix. Rejette la demande de remise en liberté du Requérant, sans préjudice du pouvoir de l’État défendeur de prendre cette décision de sa propre initiative ;


Sur les frais de procédure

x. Dit que chaque Partie supporte ses frais de procédure.


Ont signé :


Sylvain ORÉ, Président;


Ben KIOKO, Vice-président


Rafaâ BEN ACHOUR, Juge


Ângelo V. MATUSSE, Juge


Suzanne MENGUE, Juge


M-Thérèse MUKAMULISA, Juge


Tujilane R. CHIZUMILA, Juge


Chafika BENSAOULA, Juge;


Blaise TCHIKAYA, Juge;


Stella I. ANUKAM, Juge;


et


Robert ENO, Greffier.


Conformément à l’article 28(7) du Protocole et à l’article 60(5) du Règlement, l’opinion individuelle du Juge Blaise Tchikaya est jointe au présent arrêt.


Fait à Arusha ce vingt-huitième jour du mois de mars de l’an deux mille dix-neuf, en anglais et en français, le texte anglais faisant foi.

1Voir Requête n° 005/2013. Arrêt du 20/11/2015 (Fond), Alex Thomas c. République-Unie de Tanzanie (ci-après désigné « Alex Thomas c. Tanzanie (Fond)»), § 45; Requête n° 001/2012. Arrêt du 28/03/2014 (Recevabilité), Frank David Omary et autres c. République-Unie de Tanzanie (ci-après désigné « Frank Omary c. Tanzanie (Recevabilité) »), § 115; Requête n° 003/2012. Arrêt du 28/03/2014 (Recevabilité), Peter Joseph Chacha c. République-Unie de Tanzanie (ci-après désigné « Peter Chacha c. Tanzanie (Recevabilité) »), § 114; Requête n° 20/2016. Arrêt du 21/09/2018 (Fond et Réparations), Anaclet Paulo c. République-Unie de Tanzanie, (ci-après désigné « Anaclet Paulo c. Tanzanie (Fond et Réparations) ») § 25; Requête n° 001/2015. Arrêt du 07/12/2018 (Fond et Réparations), Armand Guéhi c. République-Unie de Tanzanie (ci-après désigné « Armand Guehi c. Tanzanie (Fond et Réparations) »), § 31; Requête n° 024/15. Arrêt du 07/12/2018 (Fond et Réparations), Werema Wangoko c. République-Unie de Tanzanie (ci-après désigné « Werema Wangoko c. Tanzanie (Fond et Réparations) »), § 29.

2 Requête no 001/2013, Arrêt du 15/03/2013 (Compétence), Ernest Francis Mtingwi c. République du Malawi, § 14

3 Alex Thomas c. Tanzanie (Fond), § 130. Voir également Requête n°010/2015. Arrêt du 28/09/2017 (Fond), Christopher Jonas c. République-Unie de Tanzanie (ci-après désigné « Christopher Jonas c. Tanzanie (Fond) ») § 28; Requête n° 003/2014. Arrêt du 24/11/2017 (Fond), Ingabire Victoire Umuhoza c. République du Rwanda (ci-après désigné «Ingabire Victoire Umuhoza c. Rwanda (Fond)»), § 52; Requête n°007/2013. Arrêt du 03/06/2013 (Fond), Mohamed Abubakari c. République-Unie de Tanzanie, (ci-après désigné «Mohamed Abubakari c. Tanzanie (Fond) »), § 29.

4 Alex Thomas c. Tanzanie (Fond), § 45.

5 Voir requête n° 013/2011. Arrêt du 21/06/2013, (Exceptions Préliminaires), Norbert Zongo et autres c. Burkina Faso, §§ 71 à 77.

6 « Toute personne qui allègue que l’une des dispositions des articles 12 à 29 de la présente Constitution a été, est ou risque d'être enfreinte à son égard, sans préjudice de toute autre action légalement disponible, peut exercer un recours devant la Haute Cour ».

7 « Lorsque, dans une procédure devant une juridiction d’instance, une question se pose quant à la violation de l'une des dispositions des articles 12 à 29 de la Constitution, le juge président, sauf si les parties sont d’un avis contraire ou si le juge président est d’avis que le fait de soulever la question est simplement fantaisiste ou vexatoire, renvoie la question devant la Haute Cour pour décision; à moins que la question se pose devant un Tribunal de première instance, auquel cas le magistrat président saisit le tribunal du magistrat résident qui décidera s'il y a ou non matière à renvoyer devant la Haute Cour »

8 Kenyan Section of the International Commission of Jurists, Law Society, Kituo Cha Sheria c. Kenya (2004) AHRLR 71 (CADHP 2004).

9Voir à cet égard Alex Thomas c. Tanzanie (Fond), op. cit., § 65 ; Mohamed Abubakari c Tanzanie (Fond), op.cit., §§66 à 70 ; Christopher Jonas c. Tanzanie,(Fond), § 44.

10 Affaire Michael Majuru c. Zimbabwe (2008) AHRLR 146 (CADHP 2008).

11 Requête n°013/2011. Arrêt du 28/03/2014 (Fond), Norbert Zongo et autres c. Burkina Faso (Fond), § 92. Voir également Alex Thomas c. Tanzanie (Fond), op. cit, § 73.

12 Voir Requête n° 001/2015. Armand Guéhi c. République-Unie de Tanzanie (Fond et Réparations), § 56, Requête n° 024/2015. Werema Wangoko c. République-Unie de Tanzanie (Fond et Réparation), § 49.

13 Requête n° 032/2015. Arrêt du 21/03/2018 (Fond), Kijiji Isiaga c. République-Unie de Tanzanie (ci-après désigné «Kijiji Isiaga c. Tanzanie (Fond) »), §65.

14 Mohammed Abubakari c. Tanzanie (Fond), op. cit., §§26 et 173. Voir aussi Kijiji Isiaga c. Tanzanie (Fond), op. cit., §66.

15 Ibid.

16 Ingabire Victoire Umuhoza c. République du Rwanda (Fond), § 94.

17 Affaire Melin c. France, Requête 12914/87, 22 juin 1993, CEDH, Séries A, 261.

18 « Il est clair qu'un accusé peut choisir de se défendre ou engager un avocat de son choix », ajoutant que « dans notre cas, le Requérant a assuré sa défense lui-même et que rien ne prouvait qu'il ne pouvait pas engager un avocat de son choix ».

19 Alex Thomas c. Tanzanie (Fond), § 114.

20 L’État défendeur est devenu partie au PIDCP le 11 juin 1976.

21 « Toute personne accusée d'une infraction pénale a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes:... à se défendre elle-même ou à avoir l'assistance d'un défenseur de son choix; si elle n'a pas de défenseur, à être informée de son droit d'en avoir un et, chaque fois que l'intérêt de la justice l'exige, à se voir attribuer d'office un défenseur, sans frais, si elle n'a pas les moyens de le rémunérer ».

22 Alex Thomas Ibid, § 123, voir aussi Mohammed Abubakari c. Tanzanie (Fond), §§138 et 139 ; Requête n° 027/2015. Arrêt du 21/09/2018 (Fond et Réparations), Minani Evarist c. République-Unie de Tanzanie (ci-après désigné « Minani Evarist c. Tanzanie (Fond et Réparations) »), §68 ; Requête n° 016/2016. Arrêt du 21/09/2018 (Fond et Réparations), Diocles Williams c. République-Unie de Tanzanie (ci-après désigné « Diocles Williams c. Tanzanie (Fond et Réparations) »), §85 ; Requête n° 026/2016. Arrêt du 21/09/2018 (Fond et Réparations), Anaclet Paulo c. Tanzanie (Fond et Réparations), § 92.

23 Voir Requête n° 011/2011. Arrêt du 13/06/14 (Réparations), Révérend Christopher Mtikila c. Tanzanie, § 27 et Requête n° 010/2015. Arrêt du 11/05/18 (Fond), Amir Ramadhani c. République-Unie de Tanzanie (Fond), § 83.

24 Voir Anaclet Paulo c. Tanzanie (Fond et Réparations), § 107 ; Minani Evarist c. Tanzanie (Fond et Réparations), § 85.

25 Alex Thomas c. Tanzanie (Fond), op. cit., §157; Diocles William c. Tanzanie (Fond et Réparations), § 101; Minani Evarist (Fond et Réparations) c. Tanzanie, § 82; Requête n° 006/2016. Arrêt du 07/12/2018 (Fond), Mgosi Mwita c. République-Unie de Tanzanie, § 84; Kijiji Isiaga c. Tanzanie (Fond), § 96 ; Armand Guéhi c. Tanzanie (Fond et Réparations), § 164.

26Minani c. Tanzanie (Fond et Réparations), § 82.

27 Voir Armand Guéhi c. Tanzanie (Fond et Réparations), § 164.



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