AFRICAN UNION | UNION AFRICAINE | |
UNIÃO AFRICANA | ||
AFRICAN COURT ON HUMAN AND PEOPLES’ RIGHTS | ||
COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES | ||
AFFAIRE
CHRIZANT JOHN
C.
RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE
REQUÊTE N° 049/2016
ARRÊT
7 NOVEMBRE 2023
SOMMAIRE
III. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS 4
A. Sur l’exception d’incompétence matérielle 7
B. Sur les autres aspects de la compétence 10
A. Sur les exceptions d’irrecevabilité de la Requête 12
i. Sur l’exception tirée du non-épuisement des recours internes 13
ii. Sur l’exception tirée du dépôt de la Requête dans un délai non raisonnable 15
B. Sur les autres conditions de recevabilité 17
A. Allégation de violation du droit à ce que sa cause soit entendue 19
i. Allégation relative à la clôture des débats en ce qui concerne l’accusation 20
ii. Allégation relative à la loi portant Code de procédure pénale 22
iii. Allégation relative aux preuves irrecevables 24
iv. Allégation relative à l’identification visuelle 27
v. Allégation relative aux preuves à décharge 29
B. Violation alléguée du droit à la vie 30
C. Violation alléguée du droit à la dignité 33
D. Violations alléguées d’autres droits de l’homme 34
A. Réparations non-pécuniaires 36
ii. Fixation d’une autre peine 37
iii. Garanties de non-répétition 38
La Cour, composée de : Modibo SACKO, Vice-président ; Ben KIOKO, Rafaâ BEN ACHOUR, Suzanne MENGUE, Tujilane R. CHIZUMILA, Chafika BENSAOULA, Blaise TCHIKAYA, Stella I. ANUKAM, Dumisa B. NTSEBEZA et Dennis D. ADJEI – Juges, et de Robert ENO, Greffier.
Conformément à l’article 22 du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après désigné le « Protocole ») et à la règle 9(2) du Règlement intérieur de la Cour (ci-après désigné « le Règlement »),1 la Juge Imani D. ABOUD, Présidente de la Cour et de nationalité tanzanienne, s’est récusée.
En l’affaire
Chrizant JOHN
représenté par la East Africa Law Society.
contre
RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE
représentée par :
Dr. Boniphace Nalija LUHENDE, Solicitor General, Bureau du Solicitor General ;
M. Stanley KALOKOLA, State Attorney, Cabinet du Solicitor General ;
Mme Pauline MDENDEMI, State Attorney, Cabinet du Solicitor General ;
Mme Sarah D. MWAIPOPO, Directrice, Division des Affaires constitutionnelles et des droits de l’homme, Principal State Attorney, Cabinet de l’Attorney General ;
M. Baraka LUVANDA, Ambassadeur, Directeur chargé des affaires juridiques, Ministère des Affaires étrangères et de la Coopération Est-africaine, régionale et internationale ;
Mme Nkasori SARAKIKYA, Directrice adjointe de la Division des Affaires constitutionnelles et des Droits de l’homme, Principal State Attorney, Cabinet de l’Attorney General ;
M. Mark MULWAMBO, Principal State Attorney, Cabinet de l’Attorney General ; et
Mme Blandina KASAGAMA, Juriste, ministère des Affaires étrangères, de la coopération Est-africaine, régionale et internationale.
après en avoir délibéré,
rend le présent Arrêt.
LES PARTIES
Le sieur Chrizant John (ci-après dénommé « le Requérant ») est un ressortissant de la République-Unie de Tanzanie. Au moment du dépôt de la présente Requête, il était incarcéré à la prison centrale de Butimba, à Mwanza, en attente de l’application de la peine de mort prononcée à son encontre pour meurtre. Il allègue la violation de ses droits dans le cadre de la procédure devant les juridictions nationales.
La Requête est dirigée contre la République-Unie de Tanzanie (ci-après dénommée « l’État défendeur »), qui est devenue partie à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après désignée la « Charte ») le 21 octobre 1986 et au Protocole le 10 février 2006. Elle a également déposé, le 29 mars 2010, la Déclaration prévue à l’article 34(6) du Protocole (ci-après désignée la Déclaration »), par laquelle elle accepte la compétence de la Cour pour recevoir des requêtes émanant d’individus et d’organisations non gouvernementales (ONG). Le 21 novembre 2019, l’État défendeur a déposé auprès de la Commission de l’Union africaine un instrument de retrait de ladite Déclaration. La Cour a décidé que le retrait de la Déclaration n’avait aucune incidence, ni sur les affaires pendantes, ni sur les nouvelles affaires introduites devant elle avant sa prise d’effet un an après le dépôt de l’instrument y relatif, à savoir le 22 novembre 2020.2
OBJET DE LA REQUÊTE
Faits de la cause
Il ressort du dossier qu’en date du 2 janvier 2010, le Requérant aurait commis un meurtre sur sa belle-mère en lui infligeant une blessure mortelle à la tête à l’aide d’une machette suite à un conflit foncier. Le Requérant a été arrêté le 19 avril 2011 et mis en accusation pour meurtre. Le 26 juin 2015, il a été jugé, reconnu coupable de meurtre et condamné à mort par la Haute Cour siégeant à Bukoba (affaire pénale n° 55/2014).
Le Requérant a ensuite saisi la Cour d’appel siégeant à Bukoba d’un recours (appel pénal n° 313/2015), qui a été rejeté dans son intégralité par arrêt du 23 février 2016.
Violations alléguées
Le Requérant allègue la violation de ses droits comme suit :
le droit à une totale égalité devant la loi et à une égale protection de la loi, protégé par l’article 3(1) et (2) de la Charte ;
le droit à la vie, protégé par l’article 4 de la Charte ;
le droit à la dignité, protégé par l’article 5 de la Charte ;
le droit à un procès équitable, protégé par l’article 7 de la Charte.
RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS
La Requête a été reçue au Greffe le 1er septembre 2016 et communiquée à l’État défendeur le 26 septembre 2016.
Le 18 novembre 2016, la Cour a rendu d’office une ordonnance portant mesures provisoires, dans laquelle elle a enjoint à l’État défendeur de surseoir à l’exécution de la peine de mort prononcée à l’encontre du Requérant, en attendant la décision de la Cour sur la Requête introductive d’instance.
Les Parties ont déposé leurs observations sur le fond et les réparations dans les délais impartis par la Cour.
Les débats ont été clôturés le 22 août 2023 et les Parties en ont dûment reçu notification.
DEMANDES DES PARTIES
Le Requérant demande à la Cour de :
Dire et juger qu’elle est compétente pour connaître de la présente Requête ;
Déclarer la requête recevable ;
Dire et juger que l’État défendeur a bel et bien violé les droits du Requérant prévus par la Charte ;
Ordonner à l’État défendeur de surseoir à l’exécution de la peine de mort prononcée à l’encontre du Requérant et de le retirer du couloir de la mort ;
Ordonner à l’État défendeur de remettre le Requérant en liberté ;
Ordonner à l’État défendeur de verser au Requérant la somme de vingt millions (20 000 000) de shillings tanzaniens à titre de réparation du préjudice moral qu’il a subi.
Ordonner à l’État défendeur de verser au Requérant la somme de trente millions (30 000 000) de shillings tanzaniens à titre de réparation pour la perte de son revenu ;
Ordonner à l’État défendeur de verser à chacune des victimes indirectes la somme de dix millions (10 000 000) de shillings tanzaniens à titre de réparation du préjudice moral qu’elles ont subi ;
Ordonner à l’État défendeur de verser la somme de cent mille (100 000) shillings tanzaniens en compensation des frais de transport et de papeterie encourus par le Requérant ;
Ordonner à l’État défendeur de modifier ses lois pour prendre en compte la protection du droit à la vie garanti par l’article 4 de la Charte, par la suppression de la peine de mort obligatoire, prévue pour les cas de meurtre ;
Rendre toutes autres mesures que la Cour estimera justes et pertinentes au regard des circonstances de l’espèce ;
Mettre les frais de procédure relatifs à la présente Requête à la charge de l’État défendeur.
S’agissant de la compétence et de la recevabilité de la Requête, l’État défendeur demande à la Cour de :
Se déclarer incompétente pour connaître de la Requête ;
Dire et juger que la Requête ne satisfait pas aux conditions de recevabilité prévues à l’article 40(5) du Règlement de la Cour ;3
Dire et juger que la Requête ne satisfait pas aux conditions de recevabilité énoncées à l’article 40(6) du Règlement de la Cour ;4
Déclarer la Requête irrecevable et la rejeter en conséquence.
S’agissant du fond de la Requête, l’État défendeur demande à la Cour de :
Dire et juger que l’État défendeur n’a pas violé les droits du Requérant inscrits à l’article 3(1) et (2) de la Charte ;
Dire et juger que l’État défendeur n’a pas violé les droits du Requérant inscrits à l’article 7(1) de la Charte ;
Dire et juger que l’État défendeur n’a pas violé les droits du Requérant inscrits à l’article 7(2) de la Charte ;
Rejeter la requête ;
Dire et juger que le Requérant continue de purger sa peine ;
Rejeter la demande de réparations formulée par le Requérant ;
Mettre les frais de procédure relatifs à la présente Requête à la charge du Requérant.
Dans son mémoire en réponse aux observations du Requérant sur les réparations, l’État défendeur demande à la Cour de :
Rejeter les demandes [du Requérant] dans leur intégralité ;
Dire et juger que l’interprétation et l’application du Protocole et de la Charte ne confère pas à la Cour la compétence en matière pénale pour acquitter le Requérant ;
Dire et juger que l’État défendeur n’a pas violé la Charte africaine ou le Protocole et que le Requérant a été traité de manière équitable et avec dignité par l’État défendeur au cours du procès et de la procédure d’appel devant ses juridictions ;
Ne pas faire droit à la demande de réparations ;
Ordonner toutes autres mesures que la Cour estime justes et appropriées compte tenu des circonstances de l’espèce.
SUR LA COMPÉTENCE
La Cour relève que l’article 3 du Protocole dispose :
La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant l’interprétation et l’application de la Charte, du présent Protocole, et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par les États concernés.
En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide.
La Cour relève également qu’aux termes de la règle 49(1) du Règlement, elle « procède à un examen préliminaire de sa compétence […] conformément à la Charte, au Protocole et au […] Règlement ».5
Sur la base des dispositions précitées, la Cour est tenue de procéder à l’appréciation de sa compétence et de statuer sur les éventuelles exceptions d’incompétence.
La Cour note qu’en l’espèce, l’État défendeur soulève deux exceptions d’incompétence matérielle. La Cour statuera sur lesdites exceptions avant de se prononcer, si nécessaire, sur les autres aspects de sa compétence.
Sur l’exception d’incompétence matérielle
L’État défendeur fait premièrement valoir qu’il est demandé en l’espèce à la Cour de siéger en tant que juridiction d’appel et de se prononcer sur des questions de procédure et d’examiner des éléments de preuve déjà tranchés par la plus haute juridiction de l’État défendeur, à savoir, la Cour d’appel de Tanzanie. Selon l’État défendeur, la Cour outrepasserait son mandat et agirait en dehors de son champ de compétence si elle examinait une telle demande.
L’État défendeur fait également valoir que toutes les allégations formulées devant la Cour de céans ont été soulevées comme moyen devant sa Cour d’appel. Il soutient en outre que l’allégation relative à la peine de mort a déjà été tranchée de manière définitive par la Cour d’appel de l’État défendeur dans l’affaire Mbushuu alias Dominic Mnyaroje et un autre c. l’État [1995] TLR 97, dans laquelle ladite juridiction a conclu que « la condamnation d’une personne à la peine de mort n’est pas arbitraire et qu’il s’agit d’une procédure légale prévue à l’article 30(2) de la Constitution » de l’État défendeur. L’État défendeur en conclut que la Cour n’est pas compétente pour statuer sur la présente Requête et que celle-ci doit être rejetée.
Deuxièmement, l’État défendeur affirme que la Cour n’a pas compétence pour ordonner la remise en liberté du Requérant. L’État défendeur soutient que la demande de mise en liberté du Requérant outrepasse le mandat de la Cour, car celle-ci n’est pas une juridiction d’appel et n’a aucune compétence d’appel en matière pénale pour annuler la décision des juridictions nationales de l’État défendeur et remettre les détenus en liberté. L’État défendeur soutient donc que la demande du Requérant devrait être rejetée.
*
Le Requérant réfute l’argument de l’État défendeur et affirme que la Cour est compétente pour statuer sur son affaire dans la mesure où ses demandes se rapportent directement aux droits garantis par la Charte à laquelle l’État défendeur est partie. Le Requérant soutient, en outre, que le fait d’examiner si un État défendeur s’est acquitté de ses obligations internationales ne fait en rien de la Cour une juridiction d’appel. Le Requérant ne demande donc pas à la Cour de siéger en tant que juridiction d’appel, mais invoque, conformément à la Charte, la compétence de la Cour pour déterminer si le comportement dont il se plaint constitue une violation de la Charte. En conséquence, le Requérant demande à la Cour de rejeter les exceptions d’incompétence soulevées par l’État défendeur.
***
La Cour rappelle que, conformément à l’article 3(1) du Protocole, elle est compétente pour connaître de « toutes les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant l’interprétation et l’application de la Charte, du […] Protocole et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par l’État concerné ».6
La Cour souligne que sa compétence matérielle est, ainsi, subordonnée à l’allégation, par le Requérant de violations de droits de l’homme protégés par la Charte ou tout autre instrument relatif aux droits de l’homme ratifié par l’État défendeur.7 En l’espèce, le Requérant allègue la violation des articles 3, 4, 5 et 7 de la Charte.
S’agissant de la première exception, la Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle « elle n’est pas une juridiction d’appel en ce qui concerne les décisions rendues par les juridictions nationales ».8 Toutefois, « cela n’écarte pas sa compétence pour apprécier la conformité des procédures devant les juridictions nationales aux normes internationales prescrites par la Charte ou par les autres instruments applicables des droits de l’homme auxquels l’État défendeur est partie ».9 La Cour ne statuerait donc pas comme une juridiction d’appel si elle devait examiner les allégations du Requérant. La Cour rejette, par conséquent, cette exception et considère qu’elle est compétente en l’espèce.
La Cour observe que le deuxième volet de l’exception soulevée par l’État défendeur concerne le fait que la Cour n’aurait pas compétence pour rendre une mesure de remise en liberté. La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 27(1) du Protocole, « [l]orsqu’elle estime qu’il y a eu violation d’un droit de l’homme ou des peuples, la Cour ordonne toutes les mesures appropriées afin de remédier à la situation, y compris le paiement d’une juste compensation ou l’octroi d’une réparation ». Elle est, en conséquence, compétente pour accorder différents types de réparations, y compris la remise en liberté, pour autant que les violations aient été établies.10
Au regard de ce qui précède, la Cour rejette les exceptions soulevées par l’État défendeur et conclut qu’elle a la compétence matérielle pour connaître de la présente Requête.
Sur les autres aspects de la compétence
La Cour observe qu’aucune exception n’a été soulevée quant à sa compétence personnelle, temporelle et territoriale. Néanmoins, conformément à la règle 49(1) du Règlement, elle doit s’assurer que les exigences relatives à tous les aspects de sa compétence sont remplies avant de poursuivre l’examen de la Requête.
En ce qui concerne sa compétence personnelle, la Cour rappelle, comme indiqué au paragraphe 2 du présent arrêt, que le 21 novembre 2019, l’État défendeur a déposé auprès du président de la Commission de l’Union africaine un instrument de retrait de sa déclaration faite en vertu de l’article 34(6) du Protocole. La Cour rappelle en outre qu’elle a décidé que le retrait de la déclaration n’avait aucun effet rétroactif et aucune incidence, ni sur les affaires introduites avant le dépôt de l’instrument de retrait, ni sur les nouvelles affaires dont elle a été saisie avant que ledit retrait ne prenne effet.11 Étant donné qu’un tel retrait de la déclaration prend effet douze (12) mois après le dépôt de l’avis y relatif, la date de prise d’effet du retrait de l’État défendeur était le 22 novembre 2020.12 La présente Requête, introduite avant le dépôt, par l’État défendeur, de son avis de retrait, n’en est donc pas affectée. La Cour en conclut qu’elle a la compétence personnelle pour connaître de la présente Requête.
S’agissant de sa compétence temporelle, la Cour relève que les violations alléguées par le Requérant sont survenues après que l’État défendeur est devenu partie à la Charte et au Protocole. La Cour observe, en outre que la condamnation du Requérant est maintenue sur la base de ce qu’il considère comme étant une procédure inéquitable. Elle estime donc que les violations alléguées peuvent être considérées comme ayant un caractère continu.13 Au vu de ce qui précède, la Cour conclut qu’elle a la compétence temporelle pour examiner la présente Requête.
Quant à sa compétence territoriale, la Cour relève que les violations alléguées par le Requérant se sont produites sur le territoire de l’État défendeur. La Cour en conclut qu’elle a la compétence territoriale.
Au regard de tout ce qui précède, la Cour conclut qu’elle est compétente pour connaître de la présente requête.
SUR LA RECEVABILITÉ
Aux termes de l’article 6(2) du Protocole, « [l]a Cour statue sur la recevabilité des requêtes en tenant compte des dispositions énoncées à l’article 56 de la Charte ».
Conformément à la règle 50(1) du Règlement,14 « [l]a Cour procède à un examen de la recevabilité des requêtes introduites devant elle conformément aux articles 56 de la Charte et 6, alinéa 2 du Protocole, et au présent Règlement ».
La règle 50(2) du Règlement, qui reprend en substance les dispositions de l’article 56 de la Charte, est libellée comme suit :
Les Requêtes introduites devant la Cour doivent remplir toutes les conditions ci-après :
Indiquer l’identité de leur auteur même si celui-ci demande à la Cour de garder l’anonymat ;
Être compatibles avec l’Acte constitutif de l’Union africaine et la Charte ;
Ne pas être rédigées dans des termes outrageants ou insultants à l’égard de l’État concerné et ses institutions ou de l’Union africaine ;
Ne pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles diffusées par les moyens de communication de masse ;
Être postérieures à l’épuisement des recours internes s’ils existent, à moins qu’il ne soit manifeste à la Cour que la procédure de ces recours se prolonge de façon anormale ;
Être introduites dans un délai raisonnable courant depuis l’épuisement des recours internes ou depuis la date retenue par la Cour comme faisant commencer à courir le délai de sa saisine ;
Ne pas concerner des affaires qui ont été réglées par les États concernés, conformément aux principes de la Charte des Nations Unies, de l’Acte constitutif de l’Union africaine ou des dispositions de la Charte.
La Cour observe en l’espèce que l’État défendeur soulève deux exceptions d’irrecevabilité de la Requête. La Cour va statuer sur lesdites exceptions avant de se prononcer, si nécessaire, sur les autres conditions de recevabilité.
Sur les exceptions d’irrecevabilité de la Requête
La première exception soulevée par l’État défendeur est relative à l’exigence de l’épuisement des recours internes et la seconde, à la condition de dépôt de la Requête dans un délai raisonnable.
Sur l’exception tirée du non-épuisement des recours internes
L’État défendeur affirme que le Requérant disposait de voies de recours qu’il pouvait exercer avant d’introduire la Requête devant la Cour de céans, mais qu’il ne l’a pas fait. Il soutient que le Requérant aurait pu introduire un recours en révision de la décision de la Cour d’appel en vertu de l’article 66 du Règlement de la Cour d’appel de 2009. L’État défendeur affirme, en outre que le Requérant avait la possibilité d’introduire un recours en inconstitutionnalité afin de faire valoir ses droits fondamentaux, conformément à la loi sur les droits et devoirs fondamentaux.
L’État défendeur soutient que la Requête dont la Cour de céans a été saisie était prématurée, étant donné que des voies de recours étaient toujours disponibles au Requérant au plan interne. Il en conclut que la condition de recevabilité prévue à l’article 40(5) du Règlement15 n’est pas satisfaite et que la Requête devrait être déclarée irrecevable et rejetée en conséquence.
*
Le Requérant conteste l’exception soulevée par l’État défendeur et affirme qu’il a épuisé tous les recours disponibles dans la mesure où son affaire a été tranchée en dernier ressort par la Cour d’appel, la plus haute juridiction de l’État défendeur, le 23 février 2016. Le Requérant relève également que la Cour a conclu dans nombre de ses arrêts qu’un requérant n’est tenu d’épuiser que les recours ordinaires, et que les recours en révision ou en constitutionnalité, tels qu’ils s’appliquent dans le système juridique de l’État défendeur, sont des recours extraordinaires qu’un requérant n’est pas tenu d’épuiser avant de la saisir. Le Requérant demande donc à la Cour de rejeter l’exception de l’État défendeur et de conclure que la présente affaire a été portée devant la Cour de céans après épuisement des recours internes.
***
La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 56(5) de la Charte, dont les dispositions sont reprises dans la règle 50(2)(e) du Règlement, toute requête dont elle est saisie doit satisfaire à l’exigence de l’épuisement des recours internes. La règle de l’épuisement des recours internes vise à donner aux États la possibilité de traiter les violations des droits de l’homme relevant de leur juridiction avant qu’un organe international des droits de l’homme ne soit saisi pour déterminer la responsabilité de l’État à cet égard.16
La Cour rappelle qu’elle a déjà conclu que, dans la mesure où les procédures pénales à l’encontre d’un requérant ont donné lieu à une décision de la plus haute juridiction d’appel, l’État défendeur est réputé avoir eu la possibilité de remédier aux violations qui selon le requérant découlent desdites procédures.17
En l’espèce, la Cour relève que le recours du Requérant devant la Cour d’appel de Tanzanie, la plus haute juridiction de l’État défendeur a été tranché lorsque cette juridiction a rendu son arrêt le 23 février 2016, et a confirmé le jugement de la Haute Cour. L’État défendeur a donc eu la possibilité de remédier aux violations alléguées par le Requérant comme découlant de son procès en première instance et en appel.18
En ce qui concerne l’affirmation de l’État défendeur selon laquelle le Requérant aurait dû introduire un recours en révision de la décision de la Cour d’appel, la Cour a conclu dans ses arrêts précédents qu’un tel recours constitue un recours extraordinaire que les requérants ne sont pas tenus d’épuiser.19
S’agissant de l’affirmation de l’État défendeur selon laquelle le Requérant aurait dû introduire un recours en inconstitutionnalité, la Cour a également conclu que la procédure en inconstitutionnalité, telle qu’elle est appliquée dans le système judiciaire de l’État défendeur, est un recours extraordinaire que les requérants ne sont pas tenus d’épuiser.20
La Cour estime donc que le Requérant est réputé avoir épuisé les recours internes dans la mesure où la Cour d’appel de Tanzanie, l’organe judiciaire suprême de l’État défendeur, a confirmé la déclaration de sa culpabilité et la peine prononcée à son encontre à l’issue d’une procédure au cours de laquelle ses droits auraient été bafoués.
Au vu de ce qui précède, la Cour rejette l’exception de l’État défendeur tirée du non-épuisement des recours internes.
Sur l’exception tirée du dépôt de la Requête dans un délai non raisonnable
L’État défendeur fait valoir qu’en raison du dépôt de la Requête dans un délai non raisonnable après épuisement des recours internes, la Cour devrait conclure qu’elle n’a pas satisfait aux exigences de l’article 40(6) du Règlement.21
L’État défendeur rappelle que l’arrêt de la Cour d’appel a été rendu le 23 février 2016 et que la présente Requête a été déposée le 1er septembre 2016. Il note qu’un délai de sept (7) mois s’est écoulé entre le moment où l’arrêt a été rendu et celui où le Requérant a introduit sa Requête devant la Cour de céans.
Invoquant la décision de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples dans l’affaire Majuru c. Zimbabwe,22 l’État défendeur fait valoir que la jurisprudence internationale en matière de droits de l’homme a établi qu’une période de six (6) mois est considérée comme un délai raisonnable.
L’État défendeur en déduit qu’une période de sept (7) mois ne peut être considérée comme un délai raisonnable et soutient, en conséquence, que la présente Requête ne satisfait pas à la condition de recevabilité prévue à l’article 40(6) du Règlement23 et qu’elle devrait être rejetée.
*
Le Requérant conclut au rejet de l’exception soulevée par l’État défendeur pour défaut de fondement et affirme que la période de sept (7) mois constitue un délai raisonnable étant donné qu’il est profane en matière de droit et indigent, et que depuis son arrestation il est resté incarcéré, restreint dans ses mouvements et n’a eu qu’un accès limité à l’information, notamment en ce qui concerne l’existence de la Cour de céans. Le Requérant affirme également qu’il a introduit une requête en révision auprès de la Cour d’appel et que cette demande est restée pendante à ce jour. Compte tenu des circonstances de l’espèce, le Requérant soutient donc que les sept (7) mois qu’il a observés avant de saisir la Cour de céans étaient raisonnables et demande à la Cour de rejeter l’exception soulevée par l’État défendeur.
***
Conformément à l’article 56(6) de la Charte dont les dispositions sont reprises à la règle 50(2)(f) du Règlement, une requête n’est recevable que si elle est « introduite dans un délai raisonnable courant depuis l’épuisement des recours internes ou depuis la date retenue par la Cour comme faisant commencer à courir le délai de sa saisine ».
En l’espèce, la Cour observe qu’entre le 23 février 2016, date à laquelle la Cour d’appel a rejeté le recours du Requérant, et le 1er septembre 2016, date de sa saisine, une période de six (6) mois et neuf (9) jours s’est écoulée.
La Cour observe, en outre, que l’article 56(6) de la Charte, dont les dispositions sont reprises à la règle 50(2)(f) du Règlement, ne fixe pas de délai pour sa saisine. Toutefois, la Cour a conclu, dans sa jurisprudence constante que « [l]e caractère raisonnable du délai de sa saisine dépend des circonstances particulières de chaque affaire et qu’elle doit le déterminer au cas par cas ».24
Il ressort du dossier que la Cour note que le Requérant affirme qu’il est profane en matière de droit et indigent, qu’il est incarcéré depuis 2011 et qu’il n’a eu qu’un accès limité à l’information, y compris sur l’existence de la Cour de céans. Compte tenu de ces circonstances, la Cour estime que le délai de six (6) mois et neuf (9) jours dans lequel il a introduit sa Requête est raisonnable.
À la lumière de ce qui précède, la Cour conclut que la période de six (6) mois et huit (9) jours constitue un délai manifestement raisonnable au sens de l’article 56(6) de la Charte et de la règle 50(2)(f) du Règlement. La Cour rejette donc l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’État défendeur.
Sur les autres conditions de recevabilité
La Cour observe qu’aucune exception n’a été soulevée quant aux autres conditions de recevabilité. Néanmoins, conformément à la règle 50(1) du Règlement, elle doit s’assurer que la requête est recevable avant de poursuivre son examen.
Il ressort du dossier que le Requérant a été clairement identifié par son nom, conformément à la règle 50(2)(a) du Règlement.
La Cour relève également que les demandes formulées par le Requérant visent à protéger ses droits garantis par la Charte. En outre, l’un des objectifs de l’Acte constitutif de l’Union africaine, tel qu’énoncé en son article 3(h), est la promotion et la protection des droits de l’homme et des peuples. Par ailleurs, la Requête ne contient aucun grief ou aucune demande qui soit incompatible avec une disposition dudit Acte. En conséquence, la Cour considère que la Requête est compatible avec l’Acte constitutif de l’Union africaine et avec la Charte et conclut qu’elle satisfait aux exigences de la règle 50(2)(b), du Règlement.
La Cour note, en outre, que la Requête ne contient pas de termes outrageants ou insultants à l’égard de l’État défendeur. Elle satisfait donc à l’exigence de la règle 50(2)(c) du Règlement.
La Requête n’est pas fondée exclusivement sur des nouvelles diffusées par les moyens de communication de masse, mais sur des documents judiciaires émanant des juridictions nationales de l’État défendeur, conformément à la règle 50(2)(d) du Règlement.
Du reste, la Requête ne concerne pas une affaire qui a déjà été réglée par les Parties conformément aux principes de la Charte des Nations Unies, de l’Acte constitutif de l’Union africaine et des dispositions de la Charte, conformément à la règle 50(2)(g) du Règlement.
La Cour constate donc que toutes les conditions de recevabilité sont réunies et que la présente Requête est recevable.
SUR LE FOND
Le Requérant allègue la violation, par l’État défendeur, du droit à un procès équitable, du droit à la vie, du droit à la dignité, du droit à une totale égalité devant la loi et à une égale protection de la loi.
La Cour observe toutefois que, bien que le Requérant allègue la violation de divers droits garantis par la Charte, sa Requête invoque principalement des allégations de violation du droit à ce que sa cause soit entendue, protégé par l’article 7(1) de la Charte. La Cour examinera d’abord la violation alléguée de l’article 7(1) de la Charte, avant de se prononcer sur les allégations de violation des autres droits de l’homme.
Allégation de violation du droit à ce que sa cause soit entendue
La Cour observe, à la lecture du dossier, que le Requérant soulève cinq (5) griefs à l’encontre des juridictions internes dont les actions ou omissions ont, selon lui, violé son droit à ce que sa cause soit entendue, inscrit à l’article 7(1) de la Charte, en ce que :
La juridiction de première instance et la juridiction d’appel ont commis une erreur de droit et de fait en procédant à l’examen des arguments de la défense en l’absence d’ordonnance portant clôture des débats en ce qui concerne l’accusation.
La Haute Cour ne s’est pas conformé à l’article 293(2) de la loi portant code de procédure pénale ; raison principale pour laquelle la procédure, après la conclusion de l’affaire, devait être annulée ou ne pas être prise en compte et qu’il fallait ensuite ordonner que l’affaire soit renvoyée devant la Haute Cour.
Dans la mesure où le dossier du tribunal était silencieux quant à la question de savoir si le rapport d’autopsie, pièce à conviction (P1) et le croquis cartographique, pièce à conviction (P2), ont été montrés et/ou lus au Requérant afin qu’il en connaisse le contenu, le tribunal de première instance et la Cour d’appel ont donc condamné à tort le Requérant en se fondant sur lesdites pièces qui auraient dû être expurgées du dossier.
Le tribunal de première instance et la Cour d’appel ont commis une erreur de fait et de droit en se fondant sur l’identification visuelle fournie par Veronica John (PW), un témoin peu crédible et peu fiable, pour condamner le Requérant sans tenir compte du fait que la dénommée Veronica John (PW) avait conçu son témoignage de manière à impliquer le Requérant dans ce délit, en représailles à son expulsion de la maison de la mère du Requérant.
La juridiction de première instance et la juridiction d’appel n’ont pas motivé les raisons pour lesquelles elles ont écarté ou ignoré les éléments de preuve de la défense.
La Cour examinera ces cinq (5) griefs à la lumière de l’article 7(1) de la Charte.
Allégation relative à la clôture des débats en ce qui concerne l’accusation
Le Requérant allègue que la juridiction de jugement et la juridiction d’appel ont commis une erreur de droit et de fait en procédant à l’examen des arguments de la défense alors que la Cour n’avait pas clos les débats en ce qui concerne l’accusation.
*
L’État défendeur fait valoir que le Requérant avait déjà soulevé cette question comme deuxième moyen d’appel devant la Cour d’appel qui avait déjà tranché cette question de manière définitive. L’État défendeur fait référence à la décision de la Cour d’appel, qui a déclaré ce qui suit :
Bien que nous comprenions que le tribunal de première instance n’ait pas expressément indiqué que les débats étaient clos, nous nous empressons de dire qu’en fait, qu’il n’est pas exigé dans l’article 293(1) de la loi portant Code de procédure pénale (CPA) que le tribunal d’instance consigne que les débats sont clos en ce qui concerne l’accusation, même si nous pensons qu’il est de bonne pratique de procéder ainsi. En tout état de cause, ladite omission n’a pas entraîné un déni de justice à l’égard de l’appelant, car la procédure a été menée à son terme et l’appelant a assuré sa défense. Abstraction faite de la remarque que nous avons formulée, nous estimons que ce moyen est également dépourvu de tout fondement et le rejetons en conséquence.
L’État défendeur se réfère également au dossier de la procédure devant la juridiction de jugement, où il a été consigné ce qui suit le 15 juin 2015 :
Je suis convaincu que le ministère public a établi une preuve prima facie, qui requiert que l’accusé présente ses moyens de défense.
L’État défendeur en conclut que la demande du Requérant devrait être rejetée pour défaut de fondement.
***
L’article 7(1) de la Charte dispose : « [t]oute personne a droit à ce que sa cause soit entendue ».
La Cour a constamment considéré que :
les juridictions nationales jouissent d’une large marge d’appréciation dans l’évaluation de la valeur probante des éléments de preuve. En tant que juridiction internationale des droits de l’homme, la Cour ne peut pas se substituer aux juridictions nationales pour examiner les détails et les particularités des preuves présentées dans les procédures internes.25
Nonobstant ce qui précède, lorsqu’elle examine la manière dont la procédure interne a été menée, la Cour peut intervenir pour déterminer si cette procédure, y compris la conduite du procès et l’appréciation des preuves, a été en conformité avec les normes internationales en matière de droits de l’homme.
Il ressort du dossier devant la Cour de céans que la Cour d’appel a examiné l’allégation soulevée en l’espèce et a estimé qu’elle n’avait pas entraîné de déni de justice à l’égard du Requérant, le procès ayant été mené à son terme, et que le Requérant a assuré sa défense. La Cour considère donc que le Requérant n’a pas démontré ni prouvé que la manière dont le procès s’est déroulé a entrainé des erreurs manifestes nécessitant son intervention.
La Cour rejette donc cette allégation et considère que l’État défendeur n’a pas violé le droit du Requérant à ce que sa cause soit entendue, inscrit à l’article 7(1) de la Charte.
Allégation relative à la loi portant Code de procédure pénale
Le Requérant reproche à l’État défendeur la non-observance, par sa juridiction, de l’article 293(2) de la loi portant code de procédure pénale. Il soutient, en outre, que ce manquement aurait dû conduire à l’annulation de la procédure et au renvoi de l’affaire devant la Haute Cour.
*
L’État défendeur conteste l’allégation du Requérant et affirme que ce point a déjà été tranché par la Cour d’appel dans son arrêt, le Requérant ayant soulevé la même question comme premier moyen d’appel devant ladite juridiction.
L’État défendeur fait valoir que sa Cour d’appel a dûment pris en compte le fait que la disposition de l’article 293(2) de la loi portant code de procédure pénale prévoit les droits de la personne accusée une fois que la juridiction de jugement estime qu’elle doit répondre des accusations portées à son encontre. Il fait observer que la Cour d’appel a estimé que l’objectif général visé par cet article est essentiellement de faire savoir à l’accusé qu’il a le droit de se défendre, en lui indiquant notamment la manière de le faire et lui signifiant son droit de citer des témoins, le cas échéant.
L’État défendeur relève que la Cour d’appel s’est référée à la page 35 du compte-rendu des audiences où les avocats du requérant ont déclaré : « [v]otre honneur, l’accusé va témoigner sous serment et nous allons citer un témoin. Toutefois, je sollicite une brève suspension d’audience afin de consulter mon client ».
L’État défendeur fait en outre valoir que sa Cour d’appel s’est référée à l’affaire Bahati Makeja c. la République, dans laquelle elle a conclu comme suit : « Nous sommes convaincus que lorsqu’un accusé est représenté par un avocat et qu’un juge omet de s’adresser à lui conformément à l’article 293 de la CPA, le facteur primordial est de savoir si ladite omission a ou non entraîné un déni de justice ». L’État défendeur note qu’après avoir examiné le moyen soulevé par le Requérant, la Cour d’appel l’a rejeté pour défaut de fondement.
Il se réfère également au compte rendu des audiences devant le tribunal de première instance, où ladite juridiction a consigné le 15 juin 2015 ce qui suit :
Je suis convaincu que le ministère public a établi une preuve prima facie, qui requiert que l’accusé présente sa défense.
Pour ces raisons, l’État défendeur considère que cette allégation n’est pas fondée et qu’elle doit être rejetée.
***
La Cour relève, à la lecture du dossier, que la Cour d’appel de l’État défendeur a examiné le même moyen soulevé en l’espèce par le Requérant.
La Cour relève également la conclusion de la Cour d’appel selon laquelle aucun déni de justice n’a été constaté au regard des circonstances de la présente affaire, et qu’il ressort du dossier que le droit du Requérant à se défendre lui a été communiqué et qu’il l’a exercé.
La Cour considère donc que le Requérant n’a pas apporté la preuve que la manière dont la procédure devant les juridictions internes a été menée a conduit à une erreur judiciaire grave ou à la violation du droit du Requérant à ce que sa cause soit entendue.
La Cour en conclut que l’État défendeur n’a pas violé le droit du Requérant à ce que sa cause soit entendue, prévu à l’article 7(1) de la Charte.
Allégation relative aux preuves irrecevables
Le Requérant allègue que la juridiction de jugement et la juridiction d’appel l’ont condamné, à tort, en se fondant sur le rapport postmortem, pièce à conviction (P1), et le croquis cartographique, pièce à conviction (P2), qu’ils n’ont ni montré ni donné lecture au Requérant.
Il soutient que le fait pour l’avocat de l’accusé d’avoir eu la possibilité de procéder à un contre-interrogatoire sur ces documents ne satisfait pas à l’exigence dûment établie par la plus haute juridiction de l’État défendeur, qui a jugé à plusieurs reprises que le fait de ne pas donner lecture ni expliquer à l’accusé le contenu de tout document avant de le verser au dossier constitue une erreur grave. Il soutient que ces documents auraient dû être expurgés du dossier.
Le Requérant se réfère à l’affaire Emmanuel Kondrad Yosipati c. La République, appel en matière pénale n° 296 de 2017, dans laquelle la Cour d’appel a conclu comme suit :
Il est de principe, dans un procès tenu avec l’aide d’assesseurs, que lorsqu’une déclaration contestée d’un accusé est admise comme preuve, celle-ci doive être lue à l’audience afin de permettre à l’accusé et à l’assesseur d’en saisir le contenu.
Il cite également l’affaire Tibashekerwa Gaspar et un autre c. La République, Appel en matière pénale n° 122 de 2012 (inédit) où la Cour d’appel a indiqué que :
le fait de ne pas avoir lu ces déclarations devant la Cour a privé les parties et les assesseurs, en particulier, de la possibilité d’apprécier les preuves produites devant elle. Dans une telle situation, il est évident que l’omission a également constitué une erreur grave équivalant à un vice de procédure et à un déni de justice.
Le Requérant soutient donc que l’État défendeur lui a causé un préjudice en ne lui ayant pas donné lecture des pièces à conviction.
*
L’État défendeur réfute cette allégation. Il soutient que la Cour d’appel a tranché cette question, que le Requérant avait soulevée comme troisième moyen d’appel, de la manière suivante :
Dans les circonstances de l’espèce, nous sommes, toutefois, d’accord avec M. Ngole pour dire que du moment où le ministère public a cité PW4 (Florence Kayungi), le médecin qui a procédé à l’autopsie de la défunte, et que le témoignage de ce témoin s’est appuyé sur la pièce P1 et qu’elle a expliqué en détail la cause du décès, et que l’avocat de l’appelant a eu la possibilité de la contre-interroger, l’on ne saurait conclure que l’appelant a été privé de la possibilité de prendre connaissance du contenu de la pièce P1. Il en va de même pour la question du croquis cartographique, car PW3, Inspecteur Angello, a été citer à témoigner et a clairement expliqué le contenu du document … Ce moyen n’est également pas fondé et est donc rejeté.
L’État défendeur affirme que le Requérant a eu connaissance de la teneur des pièces P1 et P2, qui ont fait l’objet de discussions approfondies au cours du procès. Il relève, en outre, que le Requérant bénéficiait des services d’un avocat commis d’office qui a dûment contre-interrogé les témoins à charge sur les deux pièces à conviction, comme le prouve le compte rendu des audiences.
L’État défendeur en conclut que la demande du Requérant devrait être rejetée pour défaut de fondement.
***
La Cour rappelle sa conclusion selon laquelle les juridictions nationales jouissent d’une large marge d’appréciation dans l’évaluation de la valeur probante des éléments de preuve.
La Cour observe, en outre, que la Cour d’appel a examiné de manière exhaustive les moyens invoqués par le Requérant et a démontré que le Requérant n’a pas été privé de la possibilité de prendre connaissance du contenu des pièces 1 et 2, dans la mesure où les deux pièces et leur contenu ont fait l’objet d’un examen détaillé au cours de la procédure en première instance.
La Cour rejette donc cette allégation et conclut que l’État défendeur n’a pas violé le droit du Requérant à ce que sa cause soit entendue, inscrit à l’article 7(1) de la Charte.
Allégation relative à l’identification visuelle
Le Requérant soutient que son droit à ce que sa cause soit entendue a été violé en ce que le tribunal s’était appuyé sur des preuves non corroborées, non fiables et inappropriées, en se fondant essentiellement sur la déposition d’un témoin oculaire, Veronica John (PW1), qui dit l’avoir identifié en pleine soirée, dans des conditions de visibilité réduite et après avoir été traumatisée par l’incident.
Le Requérant affirme également que l’État défendeur n’a ni produit l’arme du crime ni apporté la moindre preuve de l’intention présumée du Requérant de commettre un meurtre, dans la mesure où il ressort du compte rendu des audiences qu’il n’avait aucun grief contre la défunte et contre le témoin, et qu’il n’était pas non plus partie au litige foncier qui opposait ses propres sœurs et la défunte.
Le Requérant relève, en outre, qu’un certain nombre d’incohérences, dont certaines paroles qui auraient été prononcées par le Requérant, ébranlent la crédibilité du témoin. Il soutient que, le témoin qui a déclaré l’avoir identifié, a affirmé qu’avant que le Requérant ne commette le crime, il a prononcé des paroles qu’on ne saurait oublier et qui ont permis de l’identifier. Toutefois, lors de sa déposition au poste de police, le témoin a omis de mentionner les paroles qui auraient permis d’identifier le Requérant et qui seraient inoubliables.
Le Requérant soutient également que le témoin a conçu son témoignage de manière à l’accuser, en représailles à l’expulsion de celle-ci du domicile de la mère du Requérant.
Le Requérant soutient donc que les juridictions nationales ont irrémédiablement omis de relever de graves erreurs de droit, étant donné que la supposée identification par le témoin n’avait pas été faite de manière irréfutable.
*
L’État défendeur réfute cette allégation et déclare que la Cour d’appel a, dans son arrêt, tranché cette question que le Requérant a soulevée comme quatrième moyen.
L’État défendeur soutient que la Cour d’appel a examiné la question de l’identification aux pages 16 à 19 de son arrêt, où elle a conclu comme suit :
Sur la base du témoignage ci-dessus, donné par PW1 et corroboré par PW2 et PW7, et en tenant compte des avis des assesseurs, nous partageons le point de vue de M. Ngole et concluons que les conditions sur le lieu du crime étaient propices à une identification positive.
En ce qui concerne l’allégation selon laquelle PW1 n’était pas un témoin fiable ou crédible, l’État défendeur souligne que la Cour d’appel a examiné cette question aux pages 21 à 23 de son arrêt et a conclu comme suit :
Après tout, il s’agit de questions, à tout le moins, insignifiantes. Nous sommes donc convaincus que PW1 est un témoin véridique, crédible et fiable. Ce moyen est également sans fondement.
La Cour d’appel a également statué comme suit :
Dans l’ensemble, nous estimons n’avoir aucune raison de remettre en cause les conclusions de la juridiction inférieure concernant la crédibilité de Veronica John. Nous estimons que le quatrième moyen n’est pas non plus fondé et le rejetons en conséquence.
Au regard de ce qui précède, l’État défendeur estime que cette allégation n’est pas fondée et qu’elle doit être rejetée.
***
Il ressort du dossier devant la Cour de céans que la Cour d’appel a examiné de manière exhaustive les éléments de preuves produits dans l’affaire du Requérant, en particulier en ce qui concerne la crédibilité du témoin26 et les conditions de son identification.27 La Cour estime donc que le Requérant n’a pas démontré ni prouvé que la manière dont les juridictions internes ont apprécié les éléments de preuve a révélé des erreurs manifestes nécessitant l’intervention de la Cour de céans.
La Cour rejette donc cette allégation et conclut que l’État défendeur n’a pas violé le droit du Requérant à ce que sa cause soit entendue, inscrit à l’article 7(1) de la Charte.
Allégation relative aux preuves à décharge
Le Requérant soutient que la juridiction de jugement n’a pas accordé au moyen de la défense avancé par le Requérant l’importance qu’il méritait.
*
L’État défendeur réfute cette allégation en indiquant que celle-ci a été tranchée par la Cour d’appel lorsque le Requérant l’a soulevée comme cinquième moyen d’appel. L’État défendeur soutient, en outre, que la Cour d’appel a examiné cette question aux pages 24 et 25 de son arrêt et qu’elle a statué comme suit :
En résumé, le tribunal d’instance a déclaré ne pas être convaincue par sa défense d’alibi parce qu’elle ne mettait nullement en doute la thèse de l’accusation. Nous sommes entièrement d’accord avec la juridiction inférieure.
La Cour d’appel a en outre déclaré ce qui suit :
Même si nous comprenons que l’appelant n’était pas tenu de prouver son alibi, nous sommes toutefois convaincus que, dans la mesure où a indiqué que son ami, le dénommé James Washangira, l’avait accompagné aux îles, il aurait dû le citer à témoigner en sa faveur afin d’étayer sa défense.
Pour ces raisons, l’État défendeur considère que cette allégation n’est pas fondée et qu’elle doit être rejetée.
***
La Cour relève dans le dossier que les juridictions internes ont examiné les moyens de défense du Requérant mais les ont rejetés parce qu’ils ne mettaient pas en doute les arguments de l’accusation.28 La Cour estime donc que le Requérant n’a pas démontré ni prouvé que la manière dont les juridictions internes ont apprécié les preuves a révélé des erreurs manifestes nécessitant l’intervention de la Cour de céans.
La Cour rejette donc cette allégation et conclut que l’État défendeur n’a pas violé le droit du Requérant à ce que sa cause soit entendue, inscrit à l’article 7(1) de la Charte.
Violation alléguée du droit à la vie
Le Requérant allègue que l’État défendeur a violé son droit à la vie en le déclarant coupable et en le condamnant à la mort par pendaison. Il affirme qu’une telle décision découle du fait que l’État défendeur applique la peine de mort obligatoire sans tenir compte des circonstances atténuantes ou des spécificités de son cas, le privant ainsi de son droit à une peine personnalisée, conformément aux exigences du droit international.
Le Requérant soutient qu’en vertu de l’article 4 de la Charte, l’État défendeur s’est engagé à respecter et à protéger le droit à la vie et que nul ne peut en être privé de manière arbitraire.
Il affirme donc que le caractère obligatoire de la peine de mort prévue à l’article 197 du Code pénal de l’État défendeur constitue une privation arbitraire du droit à la vie, étant donné qu’elle n’est pas conforme au principe d’équité et de régularité de la procédure et ne permet pas à une personne condamnée de faire valoir des circonstances atténuantes.
Selon le Requérant, ledit article du Code pénal ne confère pas au tribunal de première instance le pouvoir discrétionnaire de prendre en compte des circonstances particulières et déterminantes telles que le degré de participation de chaque contrevenant au crime, mais d’imposer la peine de mort, contrairement à la lettre et à l’esprit de l’article 7(1) de la Charte.
*
L’État défendeur affirme que sa Cour d’appel a statué dans l’affaire Mbushuu alias Dominic Mnyaroje et un autre c. la République [1995] TLR 97 que l’imposition de la peine de mort n’est pas arbitraire, qu’elle est raisonnablement nécessaire et qu’elle est imposée à la suite d’une procédure judiciaire régulière et que, par conséquent, elle n’est pas contraire à la Constitution.
L’État défendeur affirme en outre que sa Cour d’appel a émis des observations sur la limitation des droits individuels. Dans l’affaire DPP c. Daudi Pete [1993] TLR 22, la Cour d’appel a estimé qu’en raison de la coexistence entre « les droits fondamentaux de l’individu et les droits collectifs de la société », il n’est pas anormal de déterminer des limitations aux droits de l’individu dans toute société.
L’État défendeur fait également valoir qu’au cours des vingt dernières années, il a appliqué un moratoire de facto sur la peine de mort.
Il affirme, en outre, que le litige relatif à la condamnation à mort a été formellement tranché par sa Cour d’appel qui a adopté une position sans ambages selon laquelle cette condamnation est légale, conforme aux procédures, à la Constitution et qu’elle est nécessaire. L’État défendeur soutient donc que la Cour de céans ne serait pas compétente pour connaître du grief soulevé par le Requérant.
***
L’article 4 de la Charte dispose : « [l]a personne humaine est inviolable. Tout être humain a droit au respect de sa vie et à l’intégrité physique et morale de sa personne : Nul ne peut être privé arbitrairement de ce droit ».
La Cour estime que la seule question qu’elle doit trancher en l’espèce est celle de savoir si l’imposition de la peine de mort par l’État défendeur constitue une privation arbitraire du droit à la vie.
La Cour rappelle sa jurisprudence bien établie selon laquelle le caractère obligatoire de la peine de mort prévue à l’article 197 du Code pénal de l’État défendeur constitue une privation arbitraire du droit à la vie et qu’elle est, par conséquent, contraire à l’article 4 de la Charte.29
En l’espèce, la Cour ne trouve aucune raison convaincante de s’écarter de sa position antérieure et parvenir à une conclusion différente.
La Cour estime donc que l’État défendeur a violé l’article 4 de la Charte en raison du caractère obligatoire de la peine de mort prononcée à l’encontre du Requérant, conformément à l’article 197 de son Code pénal, ce qui constitue une privation arbitraire du droit à la vie.30
Violation alléguée du droit à la dignité
Le Requérant soutient que le mode d’exécution de la peine de mort, à savoir la pendaison, est intrinsèquement dégradant. Il affirme que la pendaison fait partie des actes équivalant à la torture et qu’il s’en infère que quelle que soit la manière dont elle est exécutée, la pendaison porte atteinte à la dignité d’une personne et constitue une violation du droit de ne pas être soumis à la torture et à des traitements cruels, inhumains et dégradants, garanti par l’article 5 de la Charte.
*
L’État défendeur n’a pas conclu sur ce point.
***
L’article 5 de la Charte dispose :
Tout individu a droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique. Toutes formes d’exploitation et d’avilissement de l’homme notamment l’esclavage, la traite des personnes, la torture physique ou morale, et les peines ou les traitements cruels inhumains ou dégradants sont interdites.
La Cour rappelle qu’elle a conclu dans ses arrêts précédents que l’application de la peine de mort par pendaison, lorsque cette peine est autorisée, est « dégradante par nature » et « porte … atteinte à la dignité, eu égard à l’interdiction des traitements cruels, inhumains et dégradants ».31 La Cour a donc estimé que l’application de telles peines constitue une violation du droit à la dignité, garanti par l’article 5 de la Charte, dans la mesure où le Requérant en l’espèce encoure la même peine.
La Cour considère, en conséquence, que l’État défendeur a violé l’article 5 de la Charte.
Violations alléguées d’autres droits de l’homme
Le Requérant allègue également que l’État défendeur a violé ses droits garantis par les articles 3(1) et (2), 7(1)(d) et 7(2) de la Charte.
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L’État défendeur soutient que le Requérant n’a pas démontré en quoi l’État défendeur a violé ses droits inscrits aux articles 3(1) et (2), 7(1)(d) et 7(2) de la Charte. Il estime donc que les allégations doivent être rejetées dans la mesure où elles n’ont pas été prouvées et qu’elles sont dénuées de tout fondement.
***
La Cour observe que le Requérant n’a ni présenté d’observations spécifiques ni fourni de preuves qu’il n’a pas été traité de manière égale devant la loi ou qu’il n’a pas bénéficié d’une égale protection de la loi (article 3(1) et (2) de la Charte), qu’il n’a pas été jugé dans un délai raisonnable par une juridiction impartiale (article 7(1)(d) de la Charte) ou qu’il a été condamné pour un acte ou une omission qui ne constituait pas, au moment où elle a eu lieu, une infraction légalement punissable (article 7(2) de la Charte).32
Au regard de ce qui précède, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de constater une violation et conclut, en conséquence, que l’État défendeur n’a pas violé les articles 3(1) et (2), 7(1)(d) et 7(2) de la Charte.
SUR LES RÉPARATIONS
La Cour relève qu’aux termes de l’article 27(1) du Protocole, « [l]orsqu’elle estime qu’il y a eu violation d’un droit de l’homme ou des peuples, la Cour ordonne toutes les mesures appropriées afin de remédier à la situation, y compris le paiement d’une juste compensation ou l’octroi d’une réparation ».
Conformément à la jurisprudence de la Cour, pour que des réparations soient accordées, la responsabilité de l’État défendeur doit être établie au regard du fait illicite. Deuxièmement, le lien de causalité doit être établi entre l’acte illicite et le préjudice allégué. En outre, et lorsqu’elle est accordée, la réparation doit couvrir l’intégralité du préjudice subi.
La Cour rappelle qu’il incombe au Requérant de fournir des éléments de preuve pour justifier ses demandes.33 En ce qui concerne le préjudice moral, la Cour a décidé que la règle de la preuve n’est pas aussi rigide, car le préjudice moral est présumé en cas de violation.34
La Cour rappelle également que les mesures qu’un État peut prendre pour réparer une violation des droits de l’homme peuvent inclure la restitution, l’indemnisation, la réadaptation de la victime et des mesures propres à garantir la non-répétition des violations, compte tenu des circonstances de chaque affaire.35
Comme la Cour de céans l’a précédemment établi, l’État défendeur a violé le droit du Requérant à la vie et à la dignité, garanti par les articles 4 et 5 de la Charte. La Cour en conclut que la responsabilité de l’État défendeur a été établie. Elle va donc examiner les demandes de réparation formulées par le Requérant.
Réparations non-pécuniaires
Remise en liberté
Le Requérant demande à la Cour d’ordonner à l’État défendeur de le remettre en liberté.
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L’État défendeur conclut au débouté. Il soutient que la Cour n’est pas une juridiction d’appel et qu’elle n’a aucune compétence en matière d’appel pénal pour annuler la décision des juridictions nationales de l’État défendeur et ordonner la remise en liberté des prisonniers.
***
En ce qui concerne la remise en liberté du Requérant, la Cour a conclu qu’elle n’ordonnerait une telle mesure que « si le Requérant démontre à suffisance ou si la Cour elle-même établit à partir de ses conclusions que l’arrestation ou la condamnation du Requérant est entièrement fondée sur des considérations arbitraires et que son maintien en détention entraînerait un déni de justice ».36
En l’espèce, la Cour estime que les circonstances permettant d’ordonner la remise en liberté du Requérant n’ont pas été réunies et rejette en conséquence la demande du Requérant.
Fixation d’une autre peine
Le Requérant demande à la Cour d’ordonner à l’État défendeur d’annuler la peine de mort prononcée à son encontre et de le retirer du couloir de la mort.
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L’État défendeur n’a pas conclu sur ce point.
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Ayant conclu que la condamnation du Requérant la peine de mort obligatoire constitue une violation de l’article 4 de la Charte, la Cour ordonne à l’État défendeur de prendre toutes les mesures nécessaires, par le biais de ses processus internes et dans un délai d’un (1) an à compter de la notification du présent Arrêt, pour juger à nouveau l’affaire en ce qui concerne la condamnation du Requérant par le biais d’une procédure qui ne permet pas l’imposition de la peine de mort et qui maintient le pouvoir d’appréciation du juge.37
Garanties de non-répétition
Le Requérant demande à la Cour d’ordonner à l’État défendeur de modifier ses lois afin de garantir la protection du droit à la vie, inscrit à l’article 4 de la Charte, en supprimant la peine de mort obligatoire, prévue pour les cas de meurtre.
Le Requérant demande, en outre, à la Cour de rendre toutes autres mesures qu’elle estimera justes et pertinentes au regard des circonstances de l’espèce.
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L’État défendeur n’a pas conclu sur ce point.
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La Cour a examiné des questions similaires dans ses arrêts précédents et a ordonné à l’État défendeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour abroger la disposition de son Code pénal prévoyant l’imposition de la peine de mort.38 La Cour réitère donc cette mesure dans la présente affaire.
S’agissant de la conclusion de la Cour relative au caractère intrinsèquement dégradant du mode d’exécution de la peine de mort par pendaison et dans la logique même de l’interdiction des méthodes d’exécution assimilables à la torture ou à des traitements cruels, inhumains et dégradants, il conviendrait de prescrire, dans les cas où la peine de mort n’est pas abolie, que les méthodes d’exécution excluent la souffrance ou entraînent le moins de souffrance possible.39 En conséquence, la Cour ordonne à l’État défendeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour supprimer de sa législation la « pendaison » comme mode d’exécution de la peine de mort.
Réparations pécuniaires
Le Requérant sollicite de la Cour des réparations pécuniaires pour le préjudice matériel et moral qui, selon lui, résulte des violations subies du fait de l’État défendeur.
Préjudice matériel
En ce qui concerne le préjudice matériel, le Requérant demande à la Cour d’ordonner à l’État défendeur de lui verser trente millions (30 000 000) de shillings tanzaniens pour la perte de ses revenus.
Le Requérant affirme qu’il avait des entreprises et des sources de revenus qui ont été affectées par la longueur de son procès et de son incarcération. Il affirme qu’il a entrepris des activités agricoles et de pêche et que sa famille a dû mettre en vente toutes ses plantations pour l’assister lors de son procès et durant son incarcération, car elle n’avait pas d’autre source de revenus. Le Requérant affirme en outre qu’à l’heure actuelle, tous ses biens ont été vendus, laissant sa famille en proie à des difficultés financières.
Le Requérant affirme que ses activités de pêche et de vente de bois lui procuraient par semaine des revenus minimales de deux cent mille shillings tanzaniens qui lui permettaient de subvenir aux besoins de sa famille. Le Requérant soutient qu’en raison de sa condamnation, ses entreprises se sont depuis effondrées, faute de personne capable de les gérer.
Le Requérant demande, en outre, à la Cour de lui accorder des réparations à hauteur de cent mille (100 000) shillings tanzaniens pour les frais encourus au titre du transport, des fournitures de bureau, de l’affranchissement, des impressions et photocopie.
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L’État défendeur soutient que cette demande de réparation pécuniaire n’est pas fondée dans la mesure où le Requérant n’a pas établi de lien entre les violations alléguées et le préjudice qu’il a subi.
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La Cour rappelle que lorsqu’un requérant demande la réparation d’un préjudice matériel, un lien de causalité doit non seulement exister entre la violation constatée et le préjudice subi. Il doit également préciser la nature du préjudice et en apporter la preuve.40
La Cour observe que le Requérant n’a pas établi le lien entre la violation constatée de ses droits et les revenus qu’il allègue avoir perdus ainsi que les frais de fournitures et de transport encourus dans le cadre de la procédure judiciaire à son encontre. Le Requérant a plutôt invoqué sa condamnation et son incarcération, que la Cour n’a pas jugées illégales.
La Cour rejette donc les demandes formulées par le Requérant au titre du préjudice matériel.
Préjudice moral
En ce qui concerne le préjudice moral, le Requérant demande à la Cour d’ordonner à l’État défendeur de lui octroyer des réparations d’un montant de vingt millions (20 000 000) de shillings tanzaniens à titre de réparation du préjudice moral qu’il a subi.
Le Requérant soutient qu’il a subi les effets traumatisants de plus de six (6) années de réclusion ainsi que la perturbation complète de son plan de vie du fait de son incarcération. Le Requérant affirme avoir éprouvé d’atroces souffrances émotionnelles en raison de la manière dont l’ensemble du procès et de sa condamnation s’est déroulé, en violation de la Charte.
Le Requérant affirme en outre que les nombreux renvois qu’il a supportés l’ont brisé sur le plan mental et émotionnel. Son association à un crime aussi grave a non seulement abaissé le statut social dont il jouissait avec sa famille. Le Requérant affirme avoir souffert d’une terrible gêne en sachant que toutes les personnes qu’il connaissait l’associaient désormais à un crime aussi grave. Il affirme que ses proches sont également associés à ce crime terrible. La stigmatisation et la victimisation dont les membres de sa famille étaient l’objet continuent de les affecter.
Le Requérant soutient, en outre, qu’il a passé environ six ans dans le couloir de la mort depuis sa condamnation. Il affirme que le fait d’être détenu dans le couloir de la mort est une expérience traumatisante unique et qu’il est de notoriété qu’elle provoque de l’anxiété, de la peur et de l’angoisse psychologique. Le Requérant affirme, en outre, qu’en raison des conditions de vie difficiles en prison, sa santé s’est détériorée au fil des années. Il fait également valoir que sa vie privée a été irrémédiablement perturbée en raison de la longue durée de son incarcération et que la conséquence directe de son emprisonnement est qu’il n’a pas pu établir un quelconque contact avec ses épouses, ses enfants et ses collègues.
Le Requérant affirme également que plusieurs personnes sont victimes indirectes de la violation de ses droits, à savoir ses sept (7) enfants, ses trois (3) épouses, sa mère et sa belle-mère, et demande à la Cour de considérer que ces personnes ont également enduré des souffrances émotionnelles et ont en conséquence droit à des réparations pour préjudice moral.
Le Requérant soutient que les victimes indirectes sont très affectées sur le plan émotionnel suite à l’emprisonnement de leurs proches. Il affirme que les interminables procès ont été épuisants sur le plan émotionnel et que la stigmatisation qui fait suite à la condamnation d’un parent pour un tel crime est inimaginable. Il précise, du reste, que ses enfants ont été très affectés par l’absence de leur père. En outre, les fréquents déplacements pour rendre visite à leur proche en prison étaient épuisants non seulement sur le plan financier, mais également sur le plan émotionnel. Pour cette raison, le Requérant demande à la Cour d’ordonner à l’État défendeur de verser à chaque victime indirecte une compensation à concurrence de dix millions (10 000 000) de shillings tanzaniens pour préjudice moral.
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L’État défendeur soutient que cette demande de réparation pécuniaire n’est pas fondée, car le Requérant n’a pas établi le lien entre les violations alléguées et le préjudice qu’il aurait subi.
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La Cour observe que la plupart des demandes formulées par le Requérant en sa faveur et à la faveur de sa famille au titre du préjudice moral sont directement liées à sa condamnation et à son incarcération, que la Cour de céans n’a pas jugées illégales. Elle rejette donc la demande formulée par le Requérant au titre du préjudice moral qu’aurait subi les membres de sa famille du fait de son incarcération, que la Cour n’a, par ailleurs, pas jugée illégale.
En ce qui concerne les réparations pour préjudice moral réclamées par le Requérant pour lui-même du fait des violations des droits de l’homme établies, la Cour réitère qu’elle s’est déjà prononcée en faveur de la mesure de restitution sollicitée par le Requérant à l’effet d’annuler la condamnation à mort et de le retirer du couloir de la mort, ainsi que de la garantie de non-répétition sollicitée à l’effet d’ordonner à l’État défendeur de modifier ses lois afin d’assurer le respect du droit à la vie inscrit à l’article 4 de la Charte, par la suppression de la peine de mort obligatoire en cas de meurtre, sans oublier la satisfaction que procure l’établissement des violations des droits de l’homme reconnus par les articles 4 et 5 de la Charte. Dans ces circonstances, la Cour accorde au Requérant la somme de cinq cent mille (500 000) shillings tanzaniens à titre de réparation du préjudice moral subi du fait des souffrances psychologiques qu’il a endurées.
SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE
Le Requérant demande à la Cour de mettre les frais de procédure relatifs à la présente Requête à la charge de l’État défendeur.
L’État défendeur, quant à lui, demande que les frais soient mis à la charge du Requérant.
***
La Cour relève qu’aux termes de la règle 32(2)41 de son Règlement, « à moins que la Cour n’en décide autrement, chaque partie supporte ses frais de procédure ».
La Cour note, en l’espèce, qu’il n’existe aucune raison de déroger à ce principe. En conséquence, la Cour décide que chaque Partie supporte ses frais de procédure.
DISPOSITIF
Par ces motifs,
LA COUR,
À l’unanimité
Sur la compétence
Rejette l’exception d’incompétence ;
Se déclare compétente.
Sur la recevabilité
Rejette l’exception d’irrecevabilité de la Requête ;
Déclare la Requête recevable.
Sur le fond
Dit que l’État défendeur n’a pas violé le droit du Requérant à ce que sa cause soit entendue, protégé par l’article 7(1) de la Charte ;
Dit que l’État défendeur n’a pas violé le droit du Requérant à une totale égalité devant la loi et à une égale protection de la loi, inscrit à l’article 3(1) et (2) de la Charte ;
Dit que l’État défendeur n’a pas violé le droit du Requérant d’être jugé dans un délai raisonnable par une juridiction impartiale, inscrit à l’article 7(1)(d) de la Charte ;
Dit que l’État défendeur n’a pas violé le droit du Requérant de ne pas être condamné pour une action ou une omission qui ne constituait pas au moment où elle a eu lieu, une infraction légalement punissable, protégé par l’article 7(2) de la Charte.
À la majorité de huit (8) voix pour, et deux (2) voix contre, les Juges Blaise TCHIKAYA et Dumisa B. NTSEBEZA ayant émis une opinion dissidente concernant la peine de mort,
Dit que l’État défendeur a violé le droit à la vie du Requérant, protégé par l’article 4 de la Charte en raison de l’imposition de la peine de mort ;
Dit que l’État défendeur a violé le droit du Requérant à la dignité, protégé par l’article 5 de la Charte en raison du mode d’exécution de la peine de mort, à savoir la pendaison.
Sur les réparations
Réparations non-pécuniaires
Rejette la demande du Requérant tendant à sa remise en liberté ;
Ordonne à l’État défendeur de prendre toutes les mesures nécessaires, par le biais de ses processus internes et dans un délai d’un (1) an à compter de la notification du présent Arrêt, pour juger à nouveau l’affaire en ce qui concerne la condamnation du Requérant par le biais d’une procédure qui ne permet pas l’imposition de la peine de mort et qui maintient le pouvoir d’appréciation du juge ;
Ordonne à l’État défendeur de prendre toutes les mesures nécessaires, dans un délai de six (6) mois, pour supprimer de ses lois la peine de mort obligatoire ;
Ordonne à l’État défendeur de prendre toutes les mesures nécessaires, dans un délai de six (6) mois à compter de la date de notification du présent Arrêt, afin de supprimer de ses lois la « pendaison » comme mode d’exécution de la peine de mort.
Réparations pécuniaires
Rejette la demande de réparation formulée par le Requérant au titre du préjudice matériel ;
Rejette la demande de réparation formulée au titre du préjudice moral subi par les victimes indirectes ;
Alloue la somme de cinq cent mille (500 000) shillings tanzaniens à titre de réparation du préjudice moral subi ;
Ordonne à l’État défendeur de verser le montant indiqué au point (xvii) ci-dessus en franchise d’impôts, dans un délai de six (6) mois à compter de la date de notification du présent arrêt, faute de quoi il sera tenu de payer des intérêts moratoires calculés sur la base du taux en vigueur de la Banque centrale de la République-Unie de Tanzanie pendant toute la période de retard jusqu’au paiement intégral des sommes dues.
Sur la mise en œuvre et la soumission de rapports
Ordonne à l’État défendeur de lui soumettre, dans un délai de six (6) mois à compter de la date de notification du présent Arrêt, un rapport sur la mise en œuvre des mesures qui y sont ordonnées et, par la suite, tous les six (6) mois jusqu’à ce que la Cour considère toutes ses décisions pleinement mises en œuvre.
Sur les frais de procédure
Ordonne que chaque Partie supporte ses frais de procédure.
Ont signé :
Modibo SACKO, Vice-président ;
Ben KIOKO, Juge ;
Rafaâ BEN ACHOUR, Juge ;
Suzanne MENGUE, Juge ;
Tujilane R. CHIZUMILA, Juge ;
Chafika BENSAOULA, Juge ;
Blaise TCHIKAYA, Juge ;
Stella I. ANUKAM, Juge ;
Dumisa B. NTSEBEZA, Juge ;
Dennis D. ADJEI, Juge ;
et Robert ENO, Greffier.
Conformément à l’article 28(7) du Protocole et à la Règle 70(1) et (3) du Règlement, l’opinion dissidente du Juge Blaise TCHIKAYA et la déclaration du Juge Dumisa B. NTSEBEZA sont jointes au présent arrêt.
Fait à Alger, ce septième jour du mois de novembre de l’année deux-mille vingt-trois, en anglais et en français, le texte anglais faisant foi.
1 Article 8 (2) du Règlement de la Cour, 2 juin 2010.
2 Andrew Ambrose Cheusi c. République-Unie de Tanzanie (arrêt) (26 juin 2020) 4 RJCA 219, § 38.
3 Correspond à la règle 50(2)(e) du Règlement intérieur de la Cour du 25 septembre 2020.
4 Correspond à la règle 50(2)(f) du Règlement intérieur de la Cour du 25 septembre 2020.
5 Article 39(1) du Règlement intérieur de la Cour du 2 juin 2010.
6 Kalebi Elisamehe c. République-Unie de Tanzanie (arrêt) (26 juin 2020) 4 RJCA 266, § 18.
7 Diocles William c. République-Unie de Tanzanie (fond et réparations) (21 septembre 2018) 2 RJCA 439, § 28 ; Armand Guéhi c. République-Unie de Tanzanie (fond et réparations) (7 décembre 2018) 2 RJCA 493, § 33 ; Elisamehe c. Tanzanie, ibid., § 18.
8 Ernest Francis Mtingwi c. République du Malawi (compétence) (15 Mars 2013) 1 RJCA 197, § 14.
9 Kennedy Ivan c. République-Unie de Tanzanie (fond et réparations) (28 mars 2019) 3 RJCA 51, § 26 ; Guéhi c. Tanzanie, supra, §§ 33.
10 Rajabu Yusuph c. République-Unie de Tanzanie, CAfDHP, Requête n° 036/2017, Arrêt du 24 mars 2022 (recevabilité), § 27.
11 Cheusi c. Tanzanie (arrêt), §§ 35 à 39.
12 Ingabire Victoire Umuhoza c. République-Unie du Rwanda (compétence) (3 juin 2016) 1 RJCA 585, § 67.
13 Ayants droit de feu Norbert Zongo, Abdoulaye Nikiema alias Ablasse, Ernest Zongo, Blaise Ilboudo et Mouvement Burkinabè des droits de l’homme et des peuples c. Burkina Faso (exceptions préliminaires) (21 juin 2013) 1 RJCA 204, §§ 71 à 77.
14 Article 40 du Règlement intérieur de la Cour du 2 juin 2010.
15 Règle 50(2)(e) du Règlement intérieur de la Cour du 25 septembre 2020.
16 Commission africaine des droits de l’homme et des peuples c. République du Kenya (fond) (26 mai 2017) 2 RJCA 9, §§ 93 à 94.
17 Rajabu Yusuph c. République-Unie de Tanzanie, CAfDHP, Requête n° 036/2017, arrêt du 24 mars 2022 (recevabilité), § 51.
18 Ibid., § 52.
19 Abubakari c. Tanzanie (fond), supra, § 78.
20 Thomas c. Tanzanie (fond), supra, 63 à 65.
21 Correspond à la règle 50(2)(f) du Règlement intérieur de la Cour du 25 septembre 2020.
22 Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Communication n° 308/05 – Michael Majuru c. Zimbabwe (2008) AHRLR 146 (CADHP 2008).
23 Correspond à la règle 50(2)(f) du Règlement intérieur de la Cour du 25 septembre 2020.
24 Ayant droits de Feu Norbert Zongo et autres c. Burkina Faso (fond) (28 mars 2014) 1 RJCA 226, § 92 ; Kijiji Isiaga c. République-Unie de Tanzanie (fond) (21 mars 2018) 2 RJCA 226, § 56 ; Thomas c. Tanzanie (fond), supra, § 73.
25 Isiaga c. Tanzanie (fond), supra, § 65.
26 Voir pages 19 à 23 de l’arrêt de la Cour d’appel (appel pénal n° 313/2015).
27 Voir pages 16 à 19 de l’arrêt de la Cour d’appel (appel pénal n° 313/2015).
28 Voir pages 24 à 27 de l’arrêt de la Cour d’appel (appel pénal n° 313/2015).
29 Ally Rajabu et autres c. République Unie de Tanzanie (fond et réparations) (28 novembre 2019) 3 RJCA 562, § 114 ; Amini Juma c. République Unie de Tanzanie, CAfDHP, Requête n° 024/2016, arrêt du 30 septembre 2021 (fond et réparations), § 130 ; Gozbert Henerico c. République Unie de Tanzanie, CAfDHP, Requête n° 056/2016, arrêt du 10 janvier 2022 (fond et réparations) § 150 ; Ghati Mwita c. République Unie de Tanzanie, CAfDHP, Requête n° 012/2019, arrêt du 1er décembre 2022 (fond et réparations), § 80.
30 Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a déclaré que « la condamnation obligatoire et automatique à la peine de mort constitue une privation arbitraire de la vie, en violation du paragraphe 1 de l’article 6 du [PIDCP], dans des circonstances où la peine capitale est prononcée sans qu’il soit possible de prendre en considération la situation personnelle de l’accusé ou les circonstances ayant entouré le crime en question ». La rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a déclaré qu’« en aucun cas la loi ne devrait rendre la peine capitale obligatoire, quels que soient les faits reprochés » et le rapporteur spécial que « la condamnation obligatoire à la peine de mort, qui exclut la possibilité de prononcer une peine plus légère quelles que soient les circonstances, est incompatible avec l’interdiction des traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants ». Dans sa résolution 2005/59, adoptée le 20 avril 2005, le Comité des droits de l’homme des Nations unies demande instamment aux États qui continuent d’appliquer la peine capitale de « veiller à ce que […] la peine de mort ne soit pas imposée […] à titre de peine obligatoire ».
31 Rajabu et autres c. Tanzanie, supra, §§ 119 à 120 ; Henerico c. Tanzanie, supra, §§ 169 à 170 ; Juma c. Tanzanie, CAfDHP, supra, §§ 135 à 136.
32 Sijaona Chacha Machera c. République-Unie de Tanzanie, CAfDHP, Requête n° 035/2017, arrêt du 22 septembre 2022 (fond), § 82.
33 Kennedy Gihana et autres c. Rwanda (fond et réparations) (28 novembre 2019) 3 RJCA 680, § 139 ; Voir également Révérend Christopher R. Mtikila c. Tanzanie (réparations) (13 juin 2014) 1 RJCA 74, § 40 ; Lohé Issa Konaté c. Burkina Faso (réparations) (3 juin 2016) 1 RJCA 358, § 15(d) et Elisamehe c. Tanzanie (arrêt), supra, § 97.
34 Rajabu et autres c. Tanzanie (fond et réparations), supra, § 136 ; Armand Guehi c. Tanzanie (fond et réparations) (7 décembre 2018) 2 RJCA 493, § 55 ; Lucien Ikili Rashidi c. République-Unie de Tanzanie (fond et réparations) (28 mars 2019) 3 RJCA 13, § 119 ; Norbert Zongo et autres c. Burkina Faso (réparations), § 55.
35 Ingabire Victoire Umuhoza c. République du Rwanda (réparations) (7 décembre 2018) 2 RJCA 209, § 20. Voir également Elisamehe c. Tanzanie (fond), supra, § 96.
36 Juma c. Tanzanie, supra, § 165.
37 Rajabu et autres c. Tanzanie, supra, § 171 (xvi) ; Juma c. Tanzanie, ibid., § 174 (xvii) ; Henerico c. Tanzanie, supra, § 217 (xvi) ; Mwita c. Tanzanie, supra, § 184 (xviii).
38 Rajabu et autres c. Tanzanie, supra, § 163 ; Juma c. Tanzanie, ibid., § 170 ; Henerico c. Tanzanie, supra, § 207 ; Mwita c. Tanzanie, supra, § 166.
39 Rajabu et autres c. Tanzanie, supra, § 118.
40 Kijiji Isiaga c. République-Unie de Tanzanie, CAfDHP, Requête n° 032/2015, Arrêt du 25 juin 2021 (réparations), § 20.
41 Article 30(2) du Règlement intérieur de la Cour du 2 juin 2010.