Résolution sur les migrants et réfugiés disparus en Afrique et les conséquences sur leurs familles


Résolution sur les migrants et réfugiés disparus en Afrique et les conséquences sur leurs familles - CADHP/RES. 486 (EXT.OS/ XXXI1I) 2021

Juil 28, 2021


 

La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (Commission), réunie lors de sa 33e session extraordinaire tenue virtuellement du 12 au 19 juillet 2021 :

Rappelant son mandat de promotion et de protection des droits de l’homme et des peuples en Afrique en vertu de l’article 45 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine) ;

Rappelant les dispositions pertinentes de la Charte africaine relatives, notamment, au respect de la dignité humaine, à la protection du droit à la vie, du droit à la liberté et à la sécurité de la personne, et à la protection de la famille ;

Rappelant les autres obligations découlant du droit international relatives à la question des migrants et des réfugiés disparus et de leur famille, en particulier le droit international des droits de l'homme, notamment la Convention internationale des Nations-Unies pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées du 20 décembre 2006 et d'autres traités fondamentaux relatifs aux droits de l'homme ;

Rappelant en outre les principaux instruments régionaux et internationaux relatifs aux réfugiés, en particulier la Convention de Genève relative au statut des réfugiés et la Convention de l'Union africaine régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique ;

Rappelant les résolutions pertinentes de la Commission africaine sur la situation des migrants, notamment les résolutions CADHP/Res.114 (XXXXII) 07, CADHP/Res.131(XXXXIII) 08 et CADHP/Res.333 (EXT.OS/CIC) 2016, ainsi que d'autres résolutions pertinentes, notamment la résolution CADHP /Res.375 (LX) 2017 sur le droit à la vie en Afrique et la Résolution 408 (LXII) 2018 de la CADHP portant élargissement du mandat et de la composition du groupe de travail sur la peine de mort et les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires en Afrique liées aux disparitions forcées ;

Considérant le Cadre de la politique migratoire pour l'Afrique et le Plan d'action (2018 - 2030) de l'Union africaine, qui fournit aux États africains et les communautés économiques régionales des lignes directrices et des principes pour protéger les migrants et garantir leurs droits, dans le respect du droit régional et international;

Considérant en outre le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, qui reconnaît l'obligation primordiale de respecter, protéger et réaliser les droits de l'homme de tous les migrants et comprend un objectif spécifique sur les migrants disparus, ainsi que le Pacte mondial sur les réfugiés, s'appuyant sur la Déclaration de New York ;

Se déclarant préoccupée par le nombre de migrants et de réfugiés qui disparaissent en Afrique dans diverses circonstances, notamment lors de conflits armés, les situations de violence, le trafic illicite, le travail forcé, le viol et d’autres formes de violences sexuelles les exposant aux risques de disparition forcée ou de disparition dans d'autres circonstances, les détentions dans les pays de transit ou de destination, voire dans leur pays d’origine lorsqu’ils y sont refoulés, notamment la détention d'une personne dans un lieu secret/non officiel, qui entrainent des conséquences pour les personnes disparues ainsi que leurs familles, en particulier les femmes et les enfants, et les communautés à court et à long terme ;

Consciente que des mesures spéciales doivent être adoptées pour éviter que les migrants et les réfugiés ne soient portés disparus en premier lieu et pour faciliter leur recherche et leur identification, ainsi que pour soutenir leurs familles afin qu’elles puissent connaitre le sort de leur proche disparu et afin qu'elles puissent exercer leurs droits et accéder aux services existants ;

Gardant à l’esprit qu’au titre de l’article 1 de la Charte africaine, les Etats parties, s'engagent à adopter des mesures législatives ou autres pour appliquer les droits, devoirs et libertés énoncés dans la Charte ;

La Commission :

  1. Condamne toutes les violations des droits des migrants et des réfugiés qui peuvent entraîner leur disparition, y compris les violations du droit à la vie, du droit à la liberté et à la sécurité de la personne, de l'interdiction de la torture, des peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants, des expulsions massives et des disparitions forcées ;

  2. Exhorte les Etats parties à respecter leurs obligations et les engagements qu’ils ont pris en souscrivant aux normes et politiques de l’Union africaine relatives à la protection des demandeurs d’asile, des réfugiés et des migrants sur le continent, ainsi que leurs obligations et engagements internationaux pertinents ;

  3. Invite l'Union africaine (UA) de faire appel à l'Union européenne (UE) dans le cadre du partenariat UA-UE pour que l'UE puisse revoir ses politiques et pratiques migratoires afin d'éviter leurs conséquences néfastes pour les migrants africains, notamment les disparitions forcées et les décès en Méditerranée ;

  4. Appelle les Etats parties à prendre toutes les mesures possibles pour éviter que les migrants et les réfugiés qui transitent ou résident sur leur territoire ou sous leur juridiction ne soient portés disparus, notamment en prévenant la séparation des familles, en les réunifiant lorsque possible, ainsi qu'en s'efforçant d'identifier les personnes mortes ou disparues, conformément aux cadres juridiques applicables;

  5. Exhorte les États parties à respecter le principe de non-refoulement pour tous les individus, quel que soit leur statut migratoire, et à s'abstenir de les rapatrier vers un pays lorsqu’ils courent un risque réel et prévisible de perdre la vie, d’être soumis à la torture ou à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, disparition forcée ou de subir tout autre préjudice irréparable, conformément aux obligations pertinentes du droit international et régional ;

  6. Encourage les États parties à donner la priorité aux solutions non privatives de liberté, en ne recourant à la rétention administrative qu’en dernier recours et à veiller à ce que le placement en rétention administrative dans le contexte des migrations internationales fasse suite à une procédure régulière, ne soit pas arbitraire, soit fondé sur le droit, dans le respect des principes de nécessité et de proportionnalité, et sur les conclusions d’évaluations individuelles, et à ce que les migrants et les réfugiés ne soient pas placés dans un lieu de détention tenu secret dans un pays de transit ou de destination, dans le plein respect du droit international et des garanties d’une procédure régulière, y compris le droit de communiquer avec leur missions consulaires ou diplomatiques, les représentants légaux et leur famille ;

  7. Recommande aux États parties de prendre des mesures pour sanctionner les auteurs de violations des droits de l'homme à l'encontre des migrants et des réfugiés, en veillant notamment à ce qu'une enquête rapide, impartiale et efficace soit menée pour tout décès potentiellement survenu en dehors de l’application de la loi ou toute disparition forcée relevant de leur juridiction, et de veiller à ce que les migrants et les réfugiés aient accès à la justice et à des voies de recours, y compris le droit à la vérité, pour les violations de leurs droits ;

  8. Appelle les États parties à coopérer pour sauver des vies et prévenir les risques de décès et de blessure des migrants et des réfugiés, et appelle en outre les autorités des pays de transit et de destination à mettre en place, permettre et soutenir des opérations de recherche et de sauvetage ;

  9. Invite les autorités des pays d'origine, de transit et de destination, en collaboration avec les autres États et les parties prenantes concernées, à standardiser la collecte et l'échange normalisés d'informations pertinentes, d'établir des mécanismes de coordination efficaces pour la recherche et l'identification des migrants et des réfugiés disparus ou décédés, entre les autorités et les entités concernées à l'intérieur des pays et entre les pays, et de faciliter les échanges avec leurs familles, conformément aux normes internationalement acceptées en matière de protection des données et de la vie privée ; et demande en outre aux États parties de renforcer les capacités de leur système médico-légal et leurs normes en la matière ainsi que de centraliser les données sur les disparus et les corps non identifiés au niveau national, dans le respect des normes et standards internationaux en matière de pratiques médico-légale et de protection des données ;

  10. Appelle les Etats parties à reconnaître et à répondre aux besoins des migrants et des réfugiés qui risquent de se retrouver dans des situations de vulnérabilité en raison des circonstances de leur voyage ou des situations qu’ils rencontrent dans les pays d'origine, de transit ou de destination, y compris lorsque ces pays se trouvent dans des situations de conflits armés ou d'autres situations de crise, et ce, en les assistant et en protégeant leurs droits fondamentaux en particulier les catégories vulnérables (les femmes, les personnes âgées, les handicapées et les enfants, non accompagnés ou qui sont séparés de leurs familles), victimes de violence et de traite des êtres humains, conformément aux obligations découlant du droit international et régional ;

  11. Appelle en outre les États parties à répondre au droit des familles des migrants et réfugiés de connaitre la vérité et de trouver les réponses afin de faire leur deuil et de mettre fin au climat d’impunité totale face aux violations des droits ;

  12. Recommande aux Etats parties d’évaluer régulièrement les conséquences et l’impact de leurs lois et politiques relatives aux migrations pour s’assurer qu’elles n’entrainent pas de nouveaux risques de disparition de migrants et de réfugiés ou d’aggravation du phénomène ;

  13. Encourage les Etats parties à tirer profit de l'expertise régionale et mondiale existante et à prendre part aux échanges d'expériences, de meilleures pratiques et de recommandations techniques dans le but d'améliorer les lois, les politiques et les mesures visant à prévenir et à répondre aux cas de disparition de migrants et de réfugiés, ainsi qu’à travailler avec les organisations nationales, régionales et internationales compétentes à cet égard ;

  14. Demande qu’aux agences des Nations Unies telles que le HCR, l’OIM aux organisations humanitaires ainsi qu’à la société civile d’apporter leur appui aux mesures et politiques mises en place par les Etats en vue de répondre à ces questions.

 

Fait virtuellement le 19 juillet 2021


 

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